GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

📰   Actualités

Livret A : pas au service des intérêts privés

Au printemps dernier, le gouvernement a annoncé miser sur l’épargne populaire pour financer de nouveaux EPR. En novembre, il a manœuvré pour permettre de dévier la manne des livrets A vers les PME de l’armement. Une première victoire contre ce détournement d’argent public vient d’être obtenue, mais notre vigilance est toujours de mise.

La création du livret d’épargne remonte à plus de deux siècles. Très vite, la question de la mobilisation de cette épargne par la puissance publique s’est posée. La centralisation des dépôts à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) a permis d’asseoir des emprunts sur ces dépôts pour financer le logement social ou d’autres missions d’intérêt général.

Travail de sape

Il y a vingt ans, en particulier avec la financiarisation de l’économie, il est devenu insupportable à la finance privée que des capitaux lui échappent. La création du Codevi (aujourd’hui LDDS pour Livret de développement durable et solidaire), que toutes les banques pouvaient distribuer, n’a pas étanché la soif de ces dernières. D’autant que l’utilisation des fonds du Codevi était limitée au financement des PME.

Au début des années 2000, un puissant lobbying des banques s’est développé – au nom d’un supposé déséquilibre concurrentiel – pour pouvoir distribuer le livret A et profiter de ses ressources.

En 2007, la Commission européenne a donné raison aux banques. Et c’est au 1er janvier 2009 que la réglementation leur a permis de placer des livrets A. Jusqu’à cette date, seules les Caisses d’Épargne et La Poste avaient le monopole de leur distribution (tandis que le Crédit mutuel distribuait un produit d’épargne populaire semblable, le livret bleu).

Et les banques ont fini par avoir la possibilité de conserver 40 % des fonds déposés sur les livrets. À l’inverse, 60 % des fonds environ sont centralisés à la CDC pour couvrir des besoins de financement public ou para-public dont le logement.

Une dérive constante

Il y a quelques mois, le gouvernement, qui entend construire de nouveaux EPR, a indiqué compter sur un financement via des fonds centralisés à la CDC (voir notre récent article sur le site de la GDS1). Ce sont rien de moins que 500 milliards d’euros d’épargne qui sont collectés par les différents livrets (livret A, LDDS, LEP). Sur ces 500 milliards, 300 sont déposés à la CDC. Ils permettent de financer le logement social, les collectivités locales… C’est sur ces fonds que le gouvernement lorgne pour financer la construction de « ses » EPR.

Mais 200 milliards restent dans les coffres des banques. C’est à partir de ces fonds qu’un article niché dans la loi de finances 2024 envisageait, à la fin de l’année dernière, l’octroi de crédits pour les PME qui travaillent dans le secteur de l’armement. Cette disposition plus que discutable a suscité fort heureusement le lancement une pétition. Elle est à retrouver sur notre site et sur change.org2.

La disposition en question ayant été maintenue tant par l’Assemblée que par le Sénat, le Conseil constitutionnel pouvait être valablement saisi de ce qui apparaissait à bien des égards comme un cavalier législatif. C’est ce qu’ont fait les quatre groupes de gauche de l’Assemblée. La décision favorable a été rendue fin décembre3. Le Conseil a en effet considéré que cette disposition ne pouvait être incluse dans une loi de finances, tout en précisant qu’une autre loi pourrait y revenir4. Après cette victoire provisoire, la vigilance doit donc rester de mise.

En tant que citoyennes et citoyens, nous avons le droit d’intervenir pour apporter notre avis sur l’utilisation de notre épargne. Pour la GDS, elle doit avant tout aller au social et aux missions d’intérêt général (logement, hôpitaux, collectivités locales, transition écologique…).

Cet article de notre camarade Christian Normand a ét épublié dans le numéro 311 (janvier 2024) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

1.www.gds-ds.org/financer-des-epr-ou-des-logements-sociaux

2.Pétition « Livret A : Non au financement de l’armement ! », à retrouver sur www.change.org (voir également www.gds-ds.org/livret-a-non-au-financement-de-larmement).

3.Décision n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023.

4. Selon les Sages, « la censure de ces différentes dispositions ne préjuge pas de la conformité de leur contenu aux autres exigences constitutionnelles. Il est loisible au législateur, s’il le juge utile, d’adopter à nouveau de telles mesures » (voir « Livret A : le Conseil constitutionnel censure le gouvernement », www.ladepeche.fr, 29 décembre 2023).

Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




La revue papier

Les Vidéos

En voir plus…