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Un défenseur syndical écrit à la ministre de la justice

Notre ami Richard Bloch est défenseur syndical CGT à Paris. Dans une lettre ouverte à la ministre de la Justice, il revient sur le fonctionnement quotidien anormal de la justice.

Lettre ouverte à la Ministre de la Justice

Madame,

Je vous adresse ce courrier que vous ne lirez sans doute jamais afin de porter à votre connaissance quelques faits dont vous êtes fautive.

Étant défenseur syndical, je me suis présenté aux greffes du Conseil de Prud’hommes de Bobigny le 21 mai dernier à 14h00 pour déposer deux requêtes saisines. J’ai pu constater qu’une affiche indiquait que le bureau d’accueil des greffes était fermé les 21 et 22 mai après midi. Renseignements pris, la cause en est un manque de personnel. Le 23 mai je me représente donc pour le même motif. La première date possible pour une audience de conciliation a été le 06 mai …. 2020 !

Quelles sont les conséquences d’un tel fonctionnement anormal de la justice ? Outre le scandale intrinsèque de ce délai, il est possible qu’il permette tranquillement à l’employeur d’avoir tout le temps de déposer son bilan. Dans ce cas, nous aurons donc au final un nouveau renvoi pour que les AGS soient appelées à la procédure et après une seconde année d’attente, un second renvoi en audience de jugement dans un délai que je ne saurais prévoir pour, au final, obtenir que seuls les arriérés de salaire soient réglés par les AGS c’est à dire la collectivité. Les indemnités et autres dommages et intérêts ne seront jamais payés aux salariés.

Surtout ne me répondez pas que la fusion des greffes que vous mettez en œuvre arrangera les choses : l’addition de chiffres négatifs reste une somme négative.

Je me souviens de vos fables péremptoires selon lesquelles le barème des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse raccourcirait les délais de jugement. C’est une nouvelle preuve qu’il n’en est rien.

Il en est de même des délais de Cour d’appel : une affaire que je devais plaider en mai 2018 a été renvoyée par la Cour à juin 2019 au motif que : «  le rôle des audiences particulièrement chargé a contraint à des renvois afin de permettre aux magistrats de rédiger leurs décisions en temps et en heure » !

C’est une nouvelle démonstration de la planification de la misère de la justice sociale, celle qui touche des millions de Français dans leur quotidien. C’est à mettre en rapport avec la débauche de moyens mis en œuvre pour juger vite et sévèrement les gilets jaunes ou pour juger les excès de vitesse….

J’ai ouï dire que vous aviez pu vous permettre de passer un peu de temps le 02 décembre 2018 pour visiter vos services au moment même où ils jugeaient les gilets jaunes. Vous avez su à cette occasion multiplier par trois l'effectif du Parquet et allouer deux Chambres supplémentaires à ce dispositif purement politique.

Bien entendu, il ne s’agissait nullement d’une quelconque pression de votre part sur la justice, absence de pression qui est la même que lorsque vous demandez aux procureurs d’être présents aux audiences où il est question du plafonnement des indemnités prud’homales…

Madame, je vous parle ici de la justice quotidienne, celle que vous administrez habituellement en dehors de la présence de la presse, celle qui met en œuvre, depuis la rupture conventionnelle, les renoncements à droit de milliers de salariés ; c’est une autre forme de pression, plus insidieuse mais néanmoins réelle et quotidienne qui répond aux mêmes objectifs. C’est là-dessus que les justiciables vous demanderont un jour des comptes.

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