GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme

Les enfants ne sont pas des armes au service de la nation

« Notre France sera aussi plus forte par la relance de sa natalité. » Lors de sa prise de parole du 16 janvier, Macron a pris des accents pétainistes allant jusqu’à inventer la formule de « réarmement démographique » qui, bien qu’elle ne veuille rien dire, n’est pas sans sous-entendre qu’il y aurait une guerre à mener. Mais contre qui ? Contre quoi ?

Il faut bien comprendre qu’une politique nataliste n’est ni nécessaire, ni efficace ; en parler a essentiellement une fonction « idéologique ».

La panacée nataliste ?

Depuis longtemps, « l’Histoire nous enseigne que les politiques de fécondité visant à accroître ou à réduire les taux de natalité sont très souvent inefficaces et peuvent mettre en péril les droits des femmes. Dans les pays qui, au cours des vingt dernières années, ont mis en œuvre des programmes encourageant les couples à fonder des familles plus nombreuses à travers des incitations financières et des récompenses pour les femmes et leurs conjoints, les taux de natalité restent inférieurs à deux enfants par femme » (Rapport du Fonds des Nations-unies pour la population, avril 2023).

Coté nécessité, dans une longue interview publiée par Mediapart au lendemain de la déclaration de Macron, le démographe Hervé le Bras explique qu’« il y a eu beaucoup d’études réalisées sur la relation entre croissance économique et croissance démographique, et on n’a jamais pu mettre en évidence la moindre causalité. L’Allemagne en fournit la preuve : le pays a mieux réussi économiquement que la France en ayant une fécondité, pendant près de 50 ans, d’un demi- enfant de moins qu’en France ».

Des accents nauséabonds

Parler « relance de la natalité » pour enrober l’annonce de deux mesures – qui paraissent alors bien modestes au regard de l’objectif affiché –, c’est faire un choix ; y accoler de plus cette tonalité guerrière, c’est faire le choix de flirter avec les accents les plus nauséabonds d’une nécessaire « bataille de la natalité », vieille obsession de l’extrême droite.

Notons en outre que le leitmotiv de son discours du 16 janvier « La France sera plus forte… » (six fois dans le texte) devient, pour parler de relance de la natalité, « Notre France sera plus forte... », donnant ainsi à ce message une connotation directement identitaire.

« Faire le choix de la natalité, c’est s’engager à assurer la continuité de la Nation, et la perpétuation de notre civilisation », écrit le RN dans son livret famille. On le sait, crier à la perte du pays parce que le taux de natalité baisse, c’est refuser les apports migratoires dans l’évolution de la population. Racisme et natalisme vont de pair. Alors comment ne pas souligner que Macron a tenu ces propos à l’aube de l’année 2024, alors que le RN avait déposé en septembre 2022 un projet de résolution à l’Assemblée nationale « visant à faire de 2024 une année dédiée à la relance de la natalité française » ?

Une fois de plus, de manière mortifère, Macron promeut le background idéologique du RN et lui qui s’était présenté comme rempart contre l’extrême droite, crée un échelon supplémentaire sur le marchepied qu’il lui fait avec complaisance.

Un guerrier sans armes

Et tout cela pour quoi ? Annoncer deux mesures, dont l’une, « la création d’un congé de naissance », avait déjà fait l’objet d’une annonce ministérielle et l’autre « un grand plan contre l’infertilité » était également déjà annoncé en 2021.

Ce n’est donc pas à l’aune  d’un objectif de relance de la natalité, totalement illusoire et inopérant mais dangereux, que nous regarderons les mesures annoncées. Elles apparaissent alors bien pauvres quand serait nécessaire une véritable politique d’accueil de l’enfant, qui permette à chacune (et chacun) de choisir librement de devenir parent dans de bonnes conditions.

Congé naissance, un véritable droit nouveau ?

Dès cet été, le gouvernement s’était engagé à plancher sur « un nouveau congé familial mieux rémunéré et plus court que le congé parental actuel ». Celui-ci, d’un montant de 429 euros par mois, permet aux parents de suspendre leur activité professionnelle jusqu’aux trois ans de l’enfant. En novembre, Aurore Bergé affirmait que « ce nouveau congé pourrait toutefois coexister avec l’ancien ». Possibilité manifestement exclue par Macron qui parle « d’un congé de naissance qui viendra remplacer le congé parental actuel ». Pourtant, l’un ne peut pas véritablement prendre la fonction de l’autre.

Il est tout à fait positif de prévoir un nouveau congé mieux rémunéré qui permettrait à l’un ou l’autre des parents de cesser son travail sur une durée plus longue que le congé de maternité actuel (il est évoqué actuellement jusqu’aux six mois de l’enfant), mais supprimer la possibilité d’un congé parental plus long sera bien souvent laisser des parents sans solution alors que les modes de garde ne sont pas à la hauteur des besoins, loin s’en faut. Comme le dit Jocelyne Cabanal, responsable de la CFDT : « Le congé parental offre la possibilité de retourner dans l'emploi. Si les gens sont obligés de démissionner pour gérer leurs problèmes d'accueil, on ne les retrouvera pas [sur le marché du travail] au bout du bout ».

Combattre l’infertilité sans en combattre les causes ?

C’est quand même incroyable que Macron ait réussi à vouloir « bousculer un tabou sur l’infertilité tant masculine que féminine » sans jamais oser parler pollution, pesticides, etc. Pourtant, le constat n’est pas nouveau. Un rapport*, commandité par le ministère de la Santé, publié en 2022 affirme clairement que, outre le recul de l’âge de la maternité, « des facteurs environnementaux sont également à l’origine de la hausse de l’infertilité ». Il indique qu’une étude de 2017 montrait un déclin de 50 % de la concentration spermatique chez les hommes des pays industrialisés entre 1973 et 2011. « Ce phénomène serait notamment lié à une exposition régulière aux perturbateurs endocriniens. »

Pas de plan ambitieux d’accueil de l’enfant, pas de plan ambitieux de santé environnementale, mais un discours réactionnaire. Macron, tel qu’en lui-même !

Cet article de notre camarade Claude Touchefeu est la version longue de l'article publié dans le numéro 312 (février 24) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale.

* Rapport sur les causes d’infertilité, février 2022, consultable sur https://sante.gouv.fr.

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