Séparatisme : Macron ne cesse d’attiser les divisions
Depuis plus de six ans, la politique de Macron est d’une violence anti-sociale sans précédent. Ce libertarien avance inexorablement vers une société sans statut, post-salariale, en rognant le droit du travail, en développant l’ubérisation et en supprimant peu à peu les cotisations sociales.
Macron creuse le fossé entre deux France : la France d’une poignée de dominants, de décideurs, des prédateurs, autour des milliardaires, du CAC 40, contre la France de l’immense cohorte des salariés exploités, du travail mal payé, précaire, soumis et miséreux.
Le président de ceux qui vont bien
Débattre avec des macronistes, quand on en rencontre, c’est débattre avec des installés, des parvenus, des suffisants qui disent : « Moi, j’ai réussi, tout un chacun peut le faire. Ceux qui en sont pas comme moi n’ont qu’à travailler ; c’est leur faute ». Ils ont une mentalité individualiste ; c’est chacun pour soi et que les plus forts gagnent.
On s’en est peut-être pas suffisamment aperçu lors de sa conférence de presse du 16 janvier : Macron a parlé à lui tout seul comme dix secrétaires d’État, étalant une pratique du pouvoir monarchiste, se substituant au Parlement, gérant toute la vie du pays dans les moindres détails, se comportant à la fois comme un maire, un conseiller départemental, un député, mâchant le travail du gouvernement fantoche qu’il s’apprêtait à nommer, dictant la feuille de route des ministres de l’Éducation, de l’Économie, de la Santé, de l’Intérieur. En fait, après avoir commis d’immenses ravages, notamment avec sa loi Pénicaud anti-droit du travail, sa loi Philippe anti-SNCF, sa loi Borne-Dussopt anti-retraite, et sa loi Darmanin anti-immigrés, il a annoncé, le 16 janvier qu’il voulait créer un « choc ». Il l’a fait. Il a passé la surmultipliée, il a augmenté le braquet, et il l’a dit de façon explicitement menaçante : « J’ai encore trois ans et demi (à faire), j’irai jusqu’au bout ».
Cultiver l’entre-soi
Si l’on veut conforter l’élite, son pouvoir et sa fortune, il faut conforter les écoles privées, les grandes écoles publiques, et fermer la porte aux lycées professionnels, généraliser l’apprentissage manuel, diviser les élèves en groupes de niveaux. Macron a annoncé son choix d’aggraver officiellement la sélection à l’école en créant des « niveaux » distincts entre les méritants et les décrocheurs, tout en cherchant à le masquer sous un uniforme et un « service national » new look pour discipliner les récalcitrants. Des dizaines de milliards vont ainsi être dépensés pour l’uniforme et la discipline au lieu d’être d’aller vers une meilleure qualité de l’enseignement pour toutes et tous. Les fils de riches s’en sortiront, les fils de pauvres seront matés.
Son annonce a été trop brutale et a choqué l’opinion, puisque l’interprète sans nuance de sa pensée, la grande bourgeoise Amélie Oudéa-Castéra, a suscité, aveu après aveu, bourde après bourde, une vive opposition des syndicats enseignants. Cela l’a contraint à s’en débarrasser, mais il compte sur son Premier ministre fantoche, son obligé Gabriel Attal, et la remplaçante d’AOC, Nicole Belloubet, pour continuer le travail de sape contre de l’école publique.
De la poudre aux yeux
Macron-Attal habillent le séparatisme de classe au nom de la défense des classes moyennes, mais c’est un leurre. Il n’existe pas de « classe moyenne », encore moins des « classes moyennes » Il existe un grand salariat, 90 % des actifs : nous sommes 30 millions, et c’est justement à ceux-là que la politique économique de Macron s’en prend.
Il continue à bloquer les salaires nets et bruts, à geler le point d’indice des fonctionnaires, à diminuer drastiquement les cotisations sociales, et alléger les obligations sociales des patrons des grandes entreprises. Il augmente de 10 % les taxes sur l’électricité, et bientôt de 5 % le gaz, sachant qu’il frappe en premier lieu le bas et le milieu du salariat et de façon générale tous les plus démunis.
En vue des Jeux olympiques, ils augmentent les tarifs du métro de 90 %, laissent les propriétaires louer leurs logements à des prix délirants. Mais, alors qu’il y a 6,1 millions de chômeurs (un taux réel de 11,4 %), ils pillent illégalement le salaire de 45 000 prétendus bénévoles qu’il refusent de requalifier en salariés et de payer décemment, alors que ces derniers vont bosser dur et de façon tout à fait « subordonnée » : « Non rémunérés, les 45 000 volontaires qui ont été sélectionnés par le Comité d’organisation des Jeux (Cojop) auront à leur charge les frais de transport et d’hébergement liés à leur présence sur l’événement ». En revanche, le dirigeant des JO, Tony Estanguet, se paye 273 000 euros et se prémunit de l’impôt en faisant verser ses émoluments à une société intermédiaire à son nom ! Quel spectacle cynique aux antipodes de valeurs olympiques ! Le séparatisme triomphe là où ils prétendent donner des exemples de civisme et de mérite.
À l’opposé des 45 000 bénévoles, 42 milliardaires français ont gagné 230 milliards d’euros de plus depuis 2020 et ce sont ceux qui paient le moins d’impôt en proportion. Les actionnaires ont gagné 80,1 milliards supplémentaires en 2022, et encore 97,1 milliards en 2023. C’est un pillage sans limite des fruits du travail.
Contradictions macroniennes
Macron n’est pas à une contradiction près. Il a promis, par la bouche d’Attal, aux agriculteurs, sous prétexte « d’alléger les normes », de ne plus faire qu’un contrôle par an, alors que Darmanin promettait de traquer le travail illégal de l’immigration clandestine… Or, c’est dans les champs qu’il y en a le plus. Et puis, il a promis « 10 000 contrôles » sur les prix de la grande distribution, alors qu’il sait très bien qu’il n’a pas les effectifs de contrôleurs pour les réaliser.
En revanche, aucune sanction contre Nestlé dont il s’est révélé qu’il trafiquait des milliards de bouteilles d’eau frelatées avec la complicité du gouvernement. Car qui fut le conseiller de Nestlé, dans le rachat de Pfizer alimentaire ? Macron – qui aurait empoché 2 millions en cette occasion, dont il n’y a plus trace dans son patrimoine déclaré… Aucune sanction contre Lactalis qui triche sur les prix du lait. Pas de représailles contre les dirigeants responsables d’Airbus (dont les manœuvres scandaleuses ont contraint l’entreprise à payer 3,5 milliards d’euros d’amende pour fraude fiscale internationale).
Macron est à la fois le champion des déficits, de la dette, et des centaines de milliards (207 milliards d’« assistanat » aux patrons en 2022) pris sur les impôts des salariés et reversés sans condition, sans retour et sans contrôle aux grandes entreprises – lesquelles se comportent en voyous, arrosent leurs actionnaires et spéculent dans les paradis fiscaux.
Si les grandes entreprises avaient besoin d’aides, elles ne distribueraient pas de dividendes aussi considérables. Ce ne sont donc pas les ETI PMI « moyennes » sous-traitantes qui trichent le plus, mais bien les « grosses » qui, en bons capitalistes, recherche systématiquement le profit maximum.
Jamais la France n’a été aussi riche et les richesses aussi mal reparties. Le séparatisme macronien entre riches et pauvres, exploiteurs et exploités, implique que des centaines, sans doute même un millier de milliards depuis six ans, ont été volés par Macron au salariat, à la Sécu, aux services publics.
Même les congés payés sont visés ! Ils veulent les faire passer en compte épargne-temps pour les reporter et les monétiser. Le Medef veut que les arrêts maladie suppriment les droits aux congés payés, et pour ça, il mène campagne contre l’Europe, qui, elle, le permet ! Macron se dit « européen », mais il se moque de l’Europe quand elle ne lui convient pas. Et quand il est question de « présomption de salariat », il défend Uber et Deliveroo, contre la requalification des 30 millions des travailleurs de plateformes voulue par l’Europe en salariés (et les avis du Parlement européen, et de la Commission sont balayés par Macron… et Orban !).
Rogner les droits sociaux
Attal a annoncé une « nouvelle étape du droit du travail après l’été pour négocier directement certaines règles entreprise par entreprise » : il s’agit notamment de « bouger les seuils ». C’est-à-dire de n’imposer des délégués du personnel qu’à partir de 21 salariés et non plus à partir de 11…, ce qui laisserait 4,2 millions de salariés sans représentation, généralement là où il y en a le plus besoin.
Attal, a annoncé qu’il supprimait l’ASS pour le RSA. Sachant que l’ASS s’élève à 545 euros, le RSA à 607, mais que l’ASS permet de percevoir les allocations logement au contraire du RSA où un forfait logement est appliqué, et que l’ASS « déconjugalisée » peut être cumulée avec d’autres sources de revenus jusqu’à 1 271,90 euros, mais pas le RSA, on peut voir là l’expression du sadisme de classe d’un pouvoir bien décidé à « faire payer les pauvres »
Attal a annoncé une durée maximale d’indemnisation des chômeurs qui passerait de 18 mois à 14,4 pour les moins de 53 ans, de 22,5 mois à 18 pour les 53-54 ans et de 27 mois à 21,6 pour les 55 ans et plus. Les chiffres parlent : les économies prévues par Macron, c’est 440 millions sur le dos des seniors ; 950 millions avec la réduction du nombre de jours indemnisés (30 au lieu de 31); 870 millions sur les « créateurs » (sic) d’entreprise. Soit 2,25 milliards d’économies à la clé sur le dos des chômeurs
Cash investigation a diffusé une enquête intitulée « Travail de malade, malade de travail ». Ce que, après tant d’entre nous, François Ruffin appelle à juste titre le « maltravail ».
La France est devenue sous Macron la championne d’Europe des accident du travail : 903 accidents du travail mortels, 700 suicides au travail, 4 500 handicapés du travail, 650 000 arrêts de travail – et la Cour des comptes a précisé, le 7 décembre dernier, que les patrons n’en déclarent qu’un sur deux, tout comme les maladies professionnelles ! Mais Macron si prompt à inventer et à proclamer des « grandes causes nationales » n’a encore rien fait. Pas davantage pour la reconnaissance et la réparation des maladies professionnelles dont le nombre s’aggrave chaque jour. Macron et sa ministre Vautrin, après Dussopt, refusent de protéger le travail face aux variations extrêmes de température au-delà de 32° C et en deçà de - 14° C, alors que ce sont des causes grandissantes de mort au travail.
Punir à tour de bras
On enrage quand on voit tous les aspects de la politique anti-sociale de Macron en ce début 2024 : il nomme ministre du Logement un député LREM qui a bataillé pour punir de peines de prison les locataires qui ne peuvent pas payer leur loyer ! Il introduit les « logements intermédiaires » dans le décompte des logements « sociaux », brisant ainsi les obligations de la loi SRU et épargnant aux maires de remplir les quotas en vigueur s’agissant de la construction de logements sociaux.
Après avoir taxé l’accès aux urgences, ils doublent les franchises pour les médicaments, ils réhaussent les frais dentaires, ils envisagent des pénalités pour les rendez-vous manqués aux officines privées du type Doctolib.
Mentionnons enfin le prix inouï qu’atteignent les transports en commun : un trajet Rennes-Dijon aller-retour en train coûte en semaine entre 200 et 400 euros, une famille ne peut se le payer, et l’usage d’une voiture, pourtant rendue bientôt plus coûteuse par le passage obligé du pétrole à l’électrique, est un prix moins exorbitant, mais tout aussi insupportable.
Le prix du train sous Macron est à l’image de tout sa politique. On a là, à travers tous ces exemples (non-exhaustifs), le spectacle d’une société séparée en deux classes : l’une triomphante, insolente, avec tous les droits, l’autre exploitée et traquée dans ses moindres petits droits. C’est cela, Macron.
Cet article de notre camarde Gérard Filoche a été publié dans le numéro 312 (février 24) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale.