GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

La revue DS

Le libéralisme sur le banc des accusés

La crise sanitaire mondiale d’ampleur inédite causée par la propagation du Covid-19 chamboule les certitudes politiques et économiques les plus ancrées. Macron a annoncé la suspension de « sa » réforme des retraites. L’Italie et l’Espagne ont déclaré le moratoire des loyers. Aux États-Unis, on parle même de distribuer des aides aux ménages, sans les qualifier d’assistés...

Tout a naturellement été dit sur la crise du Coronavirus depuis les allocutions présidentielles du 12, puis du 16 mars. Nos vies à toutes et tous ont radicalement changé depuis. On craint pour soi, mais encore plus pour ses proches. On trouve enfin le temps de prendre des nouvelles. On fait la classe aux enfants. On redécouvre la lenteur du temps qui passe, loin de la vaine agitation de nos existences « normales ». On cultive son jardin, au sens propre (quand on en a un) comme au figuré. Mais on le ressent au fond de soi : LA crise est bel et bien là. Cette crise systémique dont on serait bien en peine de distinguer les dimensions sanitaire, écologique, économique, financière et politique tant elles sont enchevêtrées.

« En guerre » ?

Nous ne sommes pas « en guerre », n’en déplaise à Macron qui s’est glissé avec la plus grande complaisance dans les atours mal taillés d’un Bonaparte d’opérette. Nous sommes confrontés à une pandémie d’une ampleur inédite depuis la grippe espagnole de 1918-1919, si ce n’est la peste de 1720 qui, elle, a été pratiquement confinée à la seule ville de Marseille.

La comparaison avec l’état de belligérance, tel qu’il a prévalu au XXe siècle, ne vaut que dans la mesure où elle implique une mobilisation économique, sociale et politique maximale. Seules des sociétés tendues de toute part vers ce seul but ont tenu bon face au nazisme. Seules des économies dirigées et organisées à cette seule fin ont finalement écrasé la peste brune.

Est-ce cette solution que Macron préconise ? Absolument pas ! Avec ses compères, il s’efforce d’instaurer une économie étatisée provisoire dans l’unique espoir de sauver les profits des actionnaires. Nous voulons, nous, sauver des vies. Ils se disent prêts à des nationalisations temporaires pour rassurer le patronat. Nous prônons, nous, la réquisition immédiate des entreprises stratégiques et leur reconversion dans les productions nécessaires à la mobilisation générale contre le Covid-19 : masques, gels, tests... Rien de cela dans la loi dite « d’urgence sanitaire », sur laquelle nous revenons largement dans cette livraison et selon laquelle la seule urgence qui vaille est la préservation des taux de profit par une exploitation encore forcenée du travail salarié.

Un jour, pourtant...

Le seul « mérite » du Coronavirus, c’est peut-être de manifester aux yeux du plus grand nombre les ravages que provoquent les présupposés les plus principiels du capitalisme néolibéral. Sacrifier des milliers de lits d’hôpital sur l’autel de la rentabilité ? On en voit les résultats dramatiques aujourd’hui ! Réduire les budgets de la recherche publique pour abonder, via la baisse drastique de fiscalité sur les entreprises, le secteur R&D des grandes firmes – forcément à la pointe de l’innovation ? Brillante idée, en effet !

À l’inverse, les interdits inscrits en lettres d’or sur les tables de la Loi du néolibéralisme tombent les uns après les autres sans que le monde ne semble s’en trouver plus mal (il ne pourrait d’ailleurs guère s’en payer le luxe). Tout le monde a entendu parler des nuages de pollution qui se dissipent au moins en partie au-dessus des grands centres industriels chinois. Tout le monde prend conscience que l’on peut très bien vivre sans surconsommer. Tout le monde – même Macron ! – (re)découvre la richesse inestimable, et à bien des égards vitale, que recèlent nos services publics. Ce qu’un satané virus parvient à esquisser sans même s’en rendre compte pour notre plus grand malheur, nous ne serions pas capables de le réaliser consciemment pour le plus grand bonheur de l’écrasante majorité de nos congénères ?

Régler les comptes

Deux tâches politiques nous incombent donc dans cette période à la fois funeste et exceptionnelle. Tant que dure la pandémie, il convient de militer, envers et contre tout, pour l’adoption de mesures d’urgence radicales et efficaces répondant au plus vite aux besoins sanitaires et sociaux de la population, non à ceux, économiques et financiers, des seuls possédants.

Une fois la pandémie vaincue, il sera temps de demander des comptes à ces gouvernants qui ont sous-estimé le danger, qui ont menti, qui ont contribué au saccage de la Sécu et de l’hôpital public, qui n’ont pas eu le courage de prendre les mesures qui s’imposaient et qui ont mis en danger tant de vies pour le seul compte du capital. Que Macron le comprenne bien : s’il est encore aux manettes, il n’y est qu’en sursis.

Cet article de notre camarade Jean-François Claudon a été publié en introduction au dossier du numéro de mars de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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