GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie

Empreintes carbone et classes sociales

La prise de conscience des bouleversements climatiques à l’œuvre a fait émerger la question écologique dans toute la société. Celles et ceux qui ont un niveau de vie élevé ne sont pas les moins acquis à la cause environnementale. Pourtant, « plus on est riche, plus on pollue »1. Cette contradiction concrète correspond, dans le monde des idées, au débat anthropocène vs. capitalocène. Là où le premier concept rend l’humanité entière responsable du changement climatique, le second pointe plus précisément du doigt un mode de production et les groupes sociaux qu’il favorise.

Dans l’enquête tendances de consommation du Crédoc2 de 2018, on retrouve les modifications apportées par les classes supérieures à leur mode de vie afin de satisfaire à l’impératif écologique. Les sondées et les sondés citent pêle-mêle leurs nouvelles façons de s’alimenter : en circuit court, en s’astreignant à privilégier les produits étiquetés « agriculture biologique » ou en baissant leur consommation de viande (voire en l’arrêtant complètement). Ils présentent leur nouvelle manière de se vêtir : achat de vêtements de seconde main, « made in France », etc.

Le prolo est écolo !

Seulement, rien n’y fait, les Françaises et les Français les plus riches ont une empreinte écologique plus élevée que les plus pauvres, les efforts réalisés étant sans commune mesure avec les habitudes de vie qui sont le privilège de celles et ceux qui financièrement le peuvent. Ainsi, l’utilisation fréquente de l’avion pour les vacances comme pour le travail et le suréquipement numérique augmentent considérablement l’empreinte carbone. Autres exemples, la surconsommation électrique (chauffage l’hiver, climatisation l’été) et la fréquentation quotidienne des restaurants influent sur l’empreinte laissée par les plus riches.

Ce qui est observé en France l’est aussi ailleurs. Des chercheurs se sont par exemple interrogés sur la possibilité de cibler les groupes les plus consommateurs de ressources à l’échelle mondiale. Ils ont établi que les 25 % les plus riches de la population représentaient 60 % de l’empreinte écologique humaine mondiale3. Les chiffres sont vertigineux puisqu’aux États-Unis, les 1 % les plus riches émettent neuf fois plus que les 10 % les plus pauvres.

Bon à savoir

Cette réalité est transposable entre les pays, les plus riches étant éminemment plus polluants que les plus pauvres, posant la question de la responsabilité environnementale d’une partie de la planète à l’égard de l’autre.

À l’échelle de chaque pays, elle interroge aussi très concrètement des modes de vie, basés sur la consommation et l’accumulation de biens. Elle met à mal les critiques à l’égard des habitants de la France périphérique – en deuxième ou troisième couronne –, dont les allers-retours quotidiens pour se rendre du domicile au travail, s’ils sont polluants, ne le sont pas autant qu’une poignée de déplacements en avion. Ce sont aussi ces chiffres auxquels il faut s’arrimer quand est débattue la taxation des activités polluantes, car celles et ceux qui polluent le plus sont aussi celles et ceux qui peuvent supporter d’être davantage imposés.

Finance irresponsable

L’empreinte carbone n’est trop souvent étudiée qu’au niveau des individus, ce qui peut exonérer les grandes entreprises qui tardent à réduire leurs émissions de CO2. Et là, c’est parfois le cynisme qui l’emporte. Les déclarations de Patrick Pouyanné, le PDG de Total, sont éclairantes : « Les énergies fossiles représentent aujourd’hui 90 % du mix énergétique mondial. [...] On ne va pas faire disparaître tout cela d’un coup de baguette magique. [...] Ce que les actionnaires veulent assurer, c’est surtout la durabilité des dividendes »4. Au moins, c’est clair... Les détenteurs de capitaux n’ont qu’un seul « développement durable » chevillé au corps : celui du cours de leurs actions ! Le sort de la planète n’est que le cadet de leurs soucis.

Cet article de notre camarade Marlène Collineau a été publié dans Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

1.  https://reporterre.net/Lucas-Chancel-Plus-on-est-riche-plus-on-pollue.

2. Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie.

3. Données de la World Bank’s Global Consumption.

4. Ouest-France du 15 janvier 2020 (re^prise dépêche AFP).

 

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