L'amour de la vie (Post-it Palestine)
Dans le numéro d'été de Démocratie&Socialisme, nous avons publié un article de notre ami Philippe Lewandowski "l'amour de la vie" qui rendait compte d'une anthologie de la poésie palestinienne, et d'un ouvrage "Voix du théâtre en Palestine".
Le Freedom Theatre de Jenine est l'une des troupes présentées dans "Voix du théâtre en Palestine". Or nous venons d'apprendre l'arrestation de Bilal Al-Saadi, Président du conseil d'administration de ce théâtre". Nous publions ici le communiqué des amis du Théâtre de la liberté de Jénine
a été arrêté hier par l'armée israélienne.Il franchissait le checkpoint militaire de Zaatar avec Mustafa Sheta, Producteur au Freedom Theatre, quand l'arrestation a eu lieu. Ils revenaient tous les deux d'une rencontre avec le ministre de la Culture à Ramallah.
Le Freedom Theatre est en rapport avec des groupes de défense des droits humains qui ont été prévenus de la situation.
« Nous aussi nous aimons la vie », écrivait déjà le poète Mahmoud Darwich, tout en ajoutant « quand nous en avons les moyens ». Une thématique classique (comment ne pas penser au recueil de Boris Pasternak, « Ma sœur la vie ») et renouvelée de manière étonnante tant par les poètes que les hommes de théâtre palestiniens en ces premières décennies du XXIe siècle. Deux parutions récentes en témoignent, et l’examen de leur contenu met bien à mal la légende noire ne voyant dans un peuple opprimé que des terroristes en puissance contre lesquels la priorité consisterait à se défendre.
Au commencement donc, la poésie, dont la force va parfois jusqu’à déclencher des frappes rageuses d’oppresseurs de tout poil : en 2014, Ashraf Fayad, natif de Gaza, est arrêté en Arabie Saoudite pour un recueil paru au Liban dont certains textes sont jugés blasphématoires, et condamné à mort, peine commuée en 8 ans de prison suite à une campagne internationale ; en Israël, en 2015, Dareen Tatour est condamnée à 5 mois de prison en 2015, en raison d’un poème intitulé « Résiste, mon peuple, résiste-leur ». Mais la poésie palestinienne se révèle aussi d’une diversité dont la richesse doit être soulignée.
Anthologie de la poésie palestinienne d’aujourd’hui (présentée par Abdellatif Laâbi)
30 ans après une première anthologie, « La poésie palestinienne contemporaine », dans laquelle apparaissent les générations de 1936, 1948, et 1967), Abdellatif Laâbi en propose une nouvelle, consacrée cette fois aux générations dont les œuvres naissent dans le nouveau millénaire. L’amour de la vie éclate dans ces quelques « vers sans domicile » de Marwan Makhoul :
Eau ! ne m’en veux pas
Quand je te verse dans le verre
il n’est pas dans mon intention de t’emprisonner
Moi aussi
tout à fait comme toi
j’aspire à la vie
Mais ce sont peut-être ces phrases de la préface qui éveilleront le plus l’attention des lecteurs et lectrices : « Pourquoi ne pas le dire tout de suite, sans vouloir blesser les messieurs, ce sont les voix féminines qui donnent le la, renversent la table en brisant les tabous les plus ancrés dans la mentalité arabo-musulmane conservatrice, en parlant crûment de leur corps, du désir et des frustrations, en présentant du sexe, du sentiment amoureux, leur version, forcément inédite. Étonnamment, les hommes semblent avoir accepté ces audaces, voire en redemander ! »
Partez donc à la découverte des textes de Rajaa Ghanim, de ses consœurs et de ses confrères en poésie.
Voix du théâtre en Palestine : 50 artistes témoignent (entretiens et photos Jonathan Daitch)
Ce très bel ouvrage constitue une invitation à la découverte du théâtre palestinien, donnant la parole à une cinquantaine de comédiens ou administrateurs de théâtre, visitant 26 théâtres situés dans 11 villes, avec toutes leurs coordonnées (adresse, téléphone, site web). L’avant-propos du livre est consultable en ligne [*].
L’amateur de théâtre occidental sera peut-être frappé par deux particularités : la première, c’est qu’il est en présence moins d’un théâtre de répertoire (qui n’est cependant pas absent) que de ce qu’on pourrait appeler un travail théâtral dans lequel les acteurs s’inspirent de l’art des conteurs traditionnels. Et la seconde, c’est la grande place accordée à l’action en direction des enfants. Ainsi que l’explique Samia E. Abu Hmud, de l’Inad Theatre à Beit Jala : « En enseignant l’art dramatique et le théâtre et en travaillant avec les enfants en général, nous répandons aussi le concept de théâtre en Palestine. » Elle précise : « Nous donnons aux gens les outils de l’espoir et de l’amour. C’est ce qu’Abdelfattah Abusrour du Centre culturel Alrowwad nomme la « Belle résistance ». À l’Inad Theatre, nous le nommons « un meilleur avenir », préparer les générations futures à un meilleur avenir. »
Et cela, malgré tout. C’est-à-dire, malgré l’occupation, malgré les restrictions, voire les lacunes budgétaires, et malgré les préjugés et interdits encore présents ; les pages traitant du Yes Theatre, à Hébron, où « il y a des forces importantes, religieuses et conservatrices socialement et politiquement, qui croient que le théâtre est non seulement une honte mais même tabou – « haram » – pas autorisé par l’Islam », le montrent de façon saisissante.
Qu’ajouter d’autre, si ce n’est bravo les artistes !
Cet article de notre ami Philippe Lewandowski est à retrouver dans le numéro 296 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).
Note :
[*]https://ujfp.org/avant-propos-du-livre-de-jonathan-daitch-voix-du-theatre-en-palestine/