GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Référendum au Chili : pour l’approbation de la nouvelle Constitution

Le 4 septembre va se tenir au Chili le référendum sur l’approbation du projet de nouvelle Constitution élaborée par une Convention héritière directe des mobilisations des dernières années. C’est un moment historique pour le pays, pour l’Amérique latine et même pour le monde entier, tant ce processus constituant appuyé sur les mouvements sociaux fait figure de modèle à suivre.

La Constitution chilienne actuelle avait été imposée en 1980 par la dictature militaire, avec comme objectif de pérenniser le régime néolibéral et antidémocratique issu du coup d’État du 11 septembre 1973. Face à ce véritable carcan institutionnel, la revendication d’une nouvelle Constitution est centrale dans les expressions politiques et sociales des salariés, des écologistes, de la jeunesse, des femmes, des « peuples originaires », des militants LGBT, des défenseurs des droits des handicapés, des défenseurs des atteintes aux droits de l’homme sous la dictature de Pinochet, enfin de toutes les composantes du mouvement social et des partis de gauche. Le projet soumis au vote le 4 septembre permettrait d’inscrire dans le marbre les doléances de l’ensemble de la société, et de constituer un socle précieux pour les combats à venir.

Une Assemblée vraiment représentative

Les 155 délégués à la Convention constitutionnelle représentaient 28 circonscriptions à travers le pays. Les travaux de l’Assemblée constituante se sont déroulés du 4 juillet 2021 au 4 juillet 2022, en respectant scrupuleusement le calendrier fixé par les lois constitutionnelles. Ces mêmes lois imposèrent aussi une minorité de blocage avec un tiers des délégués, un scrutin proportionnel avec une parité de genre intégrale, 17 représentants des « peuples originaires », un quota de 5 % des candidats réservé aux personnes handicapées,

Les résultats des élections reflètent les rapports de forces entre les classes sociales, et ce de façon plus ou moins déformée. C’est le cas pour l’élection des représentants à l’Assemblée constituante au Chili les 15 et 16 mai 2021, mais aussi pour les résultats du référendum du 25 octobre 2020 qui en balisait le chemin. Finalement, les 155 délégués y représentaient assez fidèlement les rapports de forces politiques d’alors.

Un processus inédit

Ce sont les mobilisations, la révolte d’octobre 2019 qui imposent à l’époque ce processus constituant. La mobilisation initiée le 7 octobre était sans précédents. Au point de départ l’augmentation du tarif du ticket de métro à Santiago met le feu aux poudres dans la capitale. La mobilisation fait tache d’huile rapidement dans tout le pays et en moins de deux mois, elle impose au gouvernement de droite de Sebastian Pinera de négocier un agenda social et de provoquer un processus constituant, une des revendications centrales des partis et de l’opposition dans la rue.

Le référendum sur la Constituante ouvre la route à cette représentation inédite des organisations sociales et des représentants des mouvements sociaux : le 25 octobre 2020, les Chiliennes et les Chiliens ont voté à une majorité de 79 % pour la mise en place de l’Assemblée constituante et dans une même proportion pour une Convention élue à 100 % au suffrage direct, refusant l’option proposée d’une assemblée mixte, composée pour moitié de parlementaires.

Sur les 155 délégués à l’Assemblée constituante, au moins 65 sont « indépendants » des listes présentées par les partis politiques et leurs coalitions. Cependant, ils sont issus du mouvement social. Les socialistes, le Parti communiste chilien, les Verts et le Front large totalisent 43 délégués, la droite et l’extrême droite, ensemble, en ont 37, la Démocratie chrétienne deux, les huit autres appartiennent à de petites formations de centre-gauche ou de centre-droit.

C’est donc une assemblée dans laquelle la droite et l’extrême droit sont très minoritaires et n’atteignent pas le seuil de la minorité de blocage. Les partis de gauche et les organisations sociales sont dominants.

Le social en force

Ces dernières donneront au texte de la nouvelle Constitution pour le Chili, soumise au vote ce 4 septembre 2022, une tonalité et des couleurs particulières avec peu ou prou l’inscription dans la Charte fondamentale d’un volumineux catalogue de revendications venues de toute la société. De fait, le centre de gravité de l’Assemblée est du côté des revendications sociales et des partis de gauche.

Ses deux présidences successives, désignées à la majorité simple, en témoignent. Se sont en effet succédées deux femmes : la première (du 4 juillet 2021 au 4 janvier 2022) est une représentante du peuple Mapuche, Elisa Loncón. Puis, Maria Elisa Quinteros, du groupe indépendant Mouvements sociaux constituants, qui se définit comme féministe, écologiste et anticapitaliste, et qui prône une souveraineté populaire par les mouvements sociaux, a été élue pour la période du 5 janvier au 4 juillet dernier.

Elle a remis officiellement ce jour-là le texte final soumis au référendum au président Boric, un texte à l’image de cette Assemblée reflétant bien les principales revendications de la société, avec pour objectif de les graver dans le marbre.

Un contenu ambitieux

Dans ce texte qui proclame le Chili comme un État laïque, social et démocratique de droit, plurinational, interculturel, régional et écologique, le Sénat est remplacé par une Assemblée des régions élue au scrutin proportionnel, comme la Chambre des députés. La Constitution institue la parité aux élections et à tous les niveaux de l’appareil de l’État, des entreprises publiques et semi-publiques, elle garantit l’investigation, la sanction et la réparation intégrale des violations des droits de l’Homme. Elle établit que l’État garantit une éducation à l’environnement, pour permettre de former une conscience écologique, l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, le droit à l’interruption volontaire de grossesse, et interdit la peine de mort.

Elle reconnaît le droit au logement et à la santé ; l’État garantit la sécurité alimentaire, le droit à l’eau et son accès à tous, de même que pour l’énergie.

Elle établit des droits pour les prisonniers et interdit toute discrimination y compris pour les migrants ou les réfugiés.

Les peuples et nations indigènes y sont titulaires de droits fondamentaux collectifs. Ils ont le droit à la terre et aux ressources, à leur propre gouvernement, à leurs tribunaux dans leurs territoires ainsi qu’à leur médecine naturelle et leurs pratiques de santé, à la conservation des composants naturels sur lesquels elle s’appuie.

La Constitution garantit une Inspection du travail « qui doit assurer la protection efficace des travailleuses, travailleurs et organisations syndicales ».

Elle reconnaît le droit de grève, le droit de négociation collective à travers exclusivement les organisations syndicales, à tous les niveaux, y compris secteurs, branches et territoires. Le droit à la libre syndicalisation et sans limites, sauf pour la police et l’armée. Le système de cotisations sociales est inscrit constitutionnellement et ses ressources ne pourront être destinées à d’autres fins que la protection sociale.

Le texte prévoit des réformes structurelles de l’État, du pouvoir judiciaire et un rôle diminué des forces armées.

Un scrutin serré

La Constituante approuvée serait le point de départ d’une nouvelle période de débats et de mobilisations que devrait provoquer ce nouveau cadre constitutionnel. Cependant, avant le scrutin, la droite et l’extrême droite utilisent tous les moyens pour que le référendum rejette la proposition soumise au vote en investissant des dizaines de millions de dollars pour contrer le vote Apruebo, (le vote en faveur du texte).

Les hésitations du nouveau gouvernement d’union de la gauche et une proposition de dernière minute d’amender la Constitution si le vote était positif, dans le sens d’un octroi des garanties à la classe dominante, participent de la confusion et mettent en danger le vote du 4 septembre.

Si ce dernier était négatif, le chef du gouvernement, le président Gabriel Boric, a déjà annoncé qu’il proposerait une nouvelle Convention constitutionnelle.

 Cet article de notre camarade Jean-Alain Mazas a été écrit le 1er septembre 2022.

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