GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

La xénophobie sous un masque écolo

Nous publions ici la chronique mensuelle de notre ami Jean-Claude Rennwald, militant socialiste et syndical suisse, ancien député (PS) au Conseil national suisse. Cet article est paru dans le numéro 219 de Démocratie&Socialisme.

Alors que l’acceptation de l’initiative de l’Union démocratique du centre (UDC, parti national-populiste) « contre l’immigration de masse », le 9 février dernier, a déjà eu l’effet d’une douche froide sur les relations entre la Suisse et l’Union européenne (UE), un soutien du peuple et des cantons à l’initiative Ecopop, le 30 novembre prochain, marquerait l’arrêt définitif des relations bilatérales entre la Suisse et l’UE. L’enterrement de l’accord sur la libre circulation des personnes aurait de graves conséquences sociales et économiques, sans compter qu’une telle issue sonnerait la victoire d’un courant politique qui masque sa xénophobie sous un vernis écologiste.

L’immigration presque stoppée

Sous prétexte de préserver l’environnement, l’initiative Ecopop veut limiter l’immigration de manière massive. Le solde migratoire ne devrait pas dépasser 0,2 % par année (16'000 personnes), soit quatre fois moins que l’an dernier ! Elle demande aussi que la Confédération consacre 10 % de son aide au développement – soit environ 200 millions de francs par année – à encourager la planification familiale volontaire dans les pays de l’hémisphère sud. Au lieu de lutter contre la pauvreté, la Suisse prêcherait ainsi un contrôle des naissances paternaliste, pour ne pas dire néocolonialiste. De plus, on ne voit pas très bien le rapport entre la distribution de moyens contraceptifs en Afrique ou en Asie et le nombre d’Italiens, de Français, d’Allemands, de Portugais ou de ressortissants des pays d’Europe orientale autorisés à venir travailler en Suisse !

Régression sociale

Ce texte contrevient à l’un des principes fondamentaux de l’UE, celui de la libre circulation des personnes. Mais l’initiative Ecopop est encore plus restrictive que celle de l’UDC, de sorte que la Suisse n’aurait plus aucune marge de manœuvre pour négocier avec l’UE. Les Helvètes prendraient le chemin d’un isolement politique et économique total, avec de lourdes implications au niveau de l’emploi, une détérioration des finances des assurances sociales (manque à gagner de plusieurs milliards pour la seule AVS, le pilier public du régime des retraites) et la probable disparition des mesures d’accompagnement visant à combattre le dumping social et la sous-enchère salariale. Dans ces conditions, on assisterait à un développement important du travail au noir et des emplois précaires, alors que nombre de branches économiques et d’entreprises seraient confrontées à de grosses difficultés de recrutement. Tout cela conduirait à un affaiblissement de la croissance, à une augmentation du chômage, à une pression sur les salaires et à d’autres reculs sociaux.

Encore plus de frontaliers

L’initiative Ecopop a aussi un côté pernicieux. Très logiquement, le solde migratoire réside dans la différence entre les migrants qui s’installent en Suisse et ceux qui retournent dans leur pays ; mais il ne tient pas compte des travailleurs frontaliers. Par conséquent, une partie des migrants qui n’arriveraient plus à entrer en Suisse « normalement » seraient tentés de s’installer dans l’une ou l’autre zone frontalière, comme la Franche-Comté ou les environs de Genève, avec une aggravation des problèmes que ces régions connaissent déjà dans les domaines du logement et des transports. Contrairement à ce que souhaitent les auteurs de l’initiative, ce n’est certainement pas de cette façon que l’on réduirait les émanations de CO2 et les atteintes au climat !

Un courant politique dangereux

Au-delà de ses aspects économiques et sociaux, Ecopop est l’expression d’un courant politique extrêmement dangereux qui, sous couvert d’écologie, prônent en réalité des thèses xénophobes, voire racistes. Des thèses qui rappellent celles défendues par Valentin Oehen, leader de l’Action nationale et précurseur de l’écologie de droite qui, dans les années soixante-dix, combattait la « surpopulation étrangère » au nom de la protection des paysages (initiative « contre le bradage du sol national »). Ecopop est donc une « vieille idée neuve ». qui n’est soutenue par aucun des grands partis politiques suisses et que les sondages donnent nettement perdante. Raison de plus pour s’en méfier et de se mobiliser pour la faire capoter !

Une taxe sur chaque migrant ?

Pour limiter l’immigration en Suisse, un professeur d’économie a lancé une autre idée, consistant à créer un fonds d’intégration de la main-d’œuvre étrangère qui aurait pu être financée par une taxe de 5'000 francs sur chaque nouveau migrant, pour que l’économie paie les « coûts » de l’immigration. Outre le fait qu’ils rompraient le principe d’universalité, ce fonds et cette taxe seraient, eux aussi, totalement contraires à la libre circulation des personnes. Ce qui n’a pas empêché certains responsables socialistes de reprendre cette idée à leur compte ! Fort heureusement, les militants socialistes l’ont massivement repoussé lors de la dernière assemblée du PS suisse, mais on l’a échappé belle ! Le débat n’est cependant pas terminé, car ce projet sera probablement repris par la droite xénophobe.

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