GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Que faire, après ce vote du budget ?

Nous publions ici une tribune de notre ami Liêm HOANG NGOC, qui est membre du Bureau national du PS et co-auteur de « La gauche ne doit pas mourir » (éditions Les Liens qui Libèrent).

Le vote sur la loi de finance 2015 est hautement symbolique. En pérennisant le pacte de compétitivité et mettant en œuvre le pacte de responsabilité, ce budget consacre la politique de l’offre dans lequel le président de la République et son Premier ministre ont décidé d’engager la France.

Cette politique n’est pas une politique de gauche. Elle organise un transfert de 2 points de PIB (41 milliards) sans contrepartie en faveur des profits. Elle amputera 10 milliards de dépenses sociales, dont 4 milliards de dépenses de santé. Elle réduit notamment les dotations des collectivités territoriales de 3,7 milliards et condamnera celles-ci à mettre en suspens ou à réduire leurs investissements publics. Elle bricole des mesures fiscales et familiales illisibles, faute d’avoir mis en chantier la révolution fiscale que toute la gauche attendait. Elle entretient le gel des salaires qui s’est d’ores-et-déjà diffusé dans les négociations salariales du secteur privé.

Cette politique est inefficace pour juguler la déflation s’abat sur la zone euro. La déflation est une situation typique d’insuffisance de demande, c’est-à-dire de dépenses consacrées aux biens d’équipement et de consommation. Malheureusement, en accroissant le taux de marge, la politique de l’offre aura pour effet de gonfler l’épargne : 85% des bénéfices des entreprises non financières sont en effet redistribués sous forme de dividendes. Ce n’est pas le coût du travail, mais le coût de rémunération des actionnaires qui plombe l’investissement. Au cours des trois dernières décennies, les noyaux durs de nos entreprises stratégiques ont été détricotés et leur contrôle a été transféré à des groupements d’actionnaires internationaux, minoritaires, instables et aux préoccupations court-termistes. Là réside le véritable « problème d’offre » de notre économie. La poursuite des cessions actifs, d’ores-et-déjà annoncée par le ministre de l’économie, augure de la poursuite de cette logique suicidaire.

La légère reprise du 3e trimestre est exclusivement due à la bonne tenue de la dépense publique, que le budget 2015 va sabrer. La réduction de 21 milliards de dépenses en partie consacrées aux amortisseurs sociaux et à l’investissement public engendrera inévitablement un effet récessif. L’objectif de croissance affiché pour 2015 ne sera pas atteint. Le chômage et la dette publique poursuivront leurs ascensions.

La France a négocié un nouveau délai auprès de la Commission européenne pour s’affranchir du pacte de stabilité jusqu’à la fin du mandat. Accordé avec la bienveillance de la chancelière allemande, ce délai de complaisance n’a qu’un but : permettre à la France de financer son pacte de responsabilité. Les « efforts » demandés aux salariés (50 milliards d’austérité jusque 2017) ne seront, par contre, aucunement négociables ! Pire, la Commission, sous la pression de l’Allemagne, demande d’ores-et-déjà des coupes supplémentaires de 3,6 milliards dès 2015. Aucune latitude ne fut laissée aux députés pour amender le budget.

L’action parlementaire se heurte désormais aux frontières de la cinquième République. Les députés « frondeurs », pas plus que les députés verts, n’on voulu provoquer de crise politique. Ils se sont donc abstenus, pour adresser un signal à l’exécutif, sans pour autant rejeter le budget. En s’abstenant, les « frondeurs » ont par ailleurs souhaité se montrer « ouverts » aux yeux de leurs camarades pour tenter de prendre le parti lors du prochain congrès. Malheureusement, aux yeux de nos concitoyens, l’abstention aura permis l’adoption d’une loi de finance qui ouvrira toutes les vannes pour le déploiement des « réformes structurelles » que la droite rêve déjà de mener à terme.

Le scénario politique des trois années à venir paraît dès lors écrit. En l’absence de changement de cap, le PS réalisera, lors des scrutins départementaux et régionaux, des scores proches de ceux du PASOK grec. Il disparaîtra du second tour de l’élection présidentielle et verra, dans la foulée, son groupe parlementaire réduit à portion congrue. Le cycle d’Épinay serait définitivement clos. Pour la gauche du parti, la bataille du congrès mérite évidemment être menée. Le signal envoyé à l’exécutif par ce débat interne le conduira-t-il à changer de cap ? Rien n’est moins sûr. Dès lors, pour éviter le pire, un Syriza à la française, fédérant toutes les forces anti-austéritaires, émergera-t-il au cours de cette séquence ? Une telle hypothèse ne doit pas être exclue par la gauche socialiste qui y trouverait naturellement sa place. Elle rendrait attractive cette nouvelle force aux yeux de la masse des anciens électeurs socialistes, formant le cœur de l’armée des abstentionnistes.

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