GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie

La forêt et l’eau : deux enjeux vitaux

Nous avons vécu un été historique : les épisodes de canicule à répétition accompagnés de températures sans précédents, la sécheresse qui s’aggrave, les mégafeux qui touchent l’Europe font désormais partie de notre réalité, palpables et dramatiques.

Au cœur de ces manifestions renouvelées de la crise climatique et écologique qui s’accélère – 30 jours de vagues de chaleur était un chiffre attendu pour 2030 –, il y a deux questions centrales : celle de l’eau bien sûr (sa disponibilité, sa gestion et son partage) et celle de la forêt (sa protection, son renouvellement, mais aussi sa gestion).

Face au réchauffement

Ces deux questions pointent deux nécessités : amplifier et accélérer la lutte contre le réchauffement climatique, et développer un programme d’adaptation à la hauteur de l’enjeu. Car il faut se rendre à l’évidence, tout va plus vite qu’attendu et il y a fort à craindre que la hausse des températures atteigne 3, voire 4 °C à l’horizon 2050, comme le dit le sénateur Ronan Dantec, président du Comité national d’orientation de l’Office national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc). Le réchauffement climatique n’est en effet pas homogène sur la planète, et la France et les régions tempérées vont le subir bien au-dessus de la moyenne mondiale.

Les différentes vulnérabilités locales et régionales mises en évidence dans la période doivent pousser – au-delà du cadre national indispensable pour une planification – à mettre en place des plans climat ambitieux et pertinents à l’échelle des intercommunalités et des régions. Et cela exigera des moyens financiers adaptés. Énergies, isolation des bâtiments, transports : ces chantiers sont incontournables. Mais il faudra également adapter, voire changer radicalement les modèles que nous connaissons, particulièrement en ce qui concerne l’agriculture. Sortir d’un modèle intensif, très dépensier en eau parmi d’autres problèmes. Mais aussi l’adapter aux différents territoires. La gestion de la forêt et de l’eau est au cœur de cette nécessaire mutation.

La forêt française en danger

Nous le savons désormais : la forêt est un élément central de régulation du climat, de préservation des écosystèmes et de la biodiversité. Des forêts étendues et en bonne santé sont essentielles pour lutter contre le réchauffement. La forêt française est certes en extension en termes de surface, mais est confrontée à de nombreuses difficultés.

La survenue d’incendies géants dans notre pays a mis l’accent sur des questions connues mais qui passaient sous les radars du grand public : la mise à mal des moyens de l’Office national des Forêts (suppression de la moitié des postes en vingt ans et 500 de plus prévues), l’insuffisance des moyens de lutte aérienne contre l’incendie pour les pompiers, l’inadaptation et la mauvaise gestion d’une bonne partie de notre patrimoine forestier. Un exemple récent : dès avant l’été, la Société botanique de France dénonçait la « politique d’introduction d’essences exotiques » prônée par le ministère en charge des forêts.

Les forêts souffrent des sécheresses à répétition, des canicules, des pluies torrentielles, des mégafeux, des maladies et parasites importés… Face à cette situation grave, le Programme national de la forêt et du bois (PNFB) « pour l’adaptation des forêts au changement climatique », initié par le ministère de l’Agriculture, préconise le remplacement des essences menacées par d’autres censées mieux supporter le manque d’eau ou les épisodes extrêmes. Dans cette liste de 129 espèces éligibles à subventions, dont 67 classées « exotiques », on en trouve une vingtaine dont le même ministère subventionne l’arrachage !

Espèces proliférantes et invasives (comme le robinier faux acacia), très vulnérables au feu et favorisant les incendies géants (comme l’eucalyptus), font de manière incompréhensible partie de cette liste.

Pour l’essentiel, l’approche développée oublie qu’une forêt a avant tout besoin de biodiversité, d’un peuplement diversifié, avec de nombreuses essences locales, d’un respect des cycles naturels, d’une préservation d’individus âgés, et de l’absence de coupes rases, très préjudiciables pour les sols. Ce qui est évidemment incompatible avec le modèle « d’exploitation » actuel des forêts, héritage des pratiques de reboisement du Fonds forestier national commencées dès 1946, fondées essentiellement sur des monocultures à croissance rapide (pour être rentables), l’usage de pesticides, les coupes rases…

Il est donc urgent de soutenir les actions des professionnels de la forêt, notamment ceux de l’ONF, pour obtenir des moyens humains et matériels à la hauteur des besoins pour l’entretien et le renouvellement du patrimoine forestier, et l’infléchissement de politiques de gestion court- termistes. Pour cela, il faut œuvrer à la reconstruction d’une filière bois complète dans nos régions, privilégiant les petites unités locales, l’artisanat de transformation et la qualité.

L’eau, un « commun » vital à préserver

La polémique sur les piscines privées ou les actions sur les golfs ont été les symboles d’un enjeu majeur, et ont le mérite de montrer les incohérences et aberrations d’un modèle.

Alors qu’ailleurs dans le monde les conflits autour de l’eau ont déjà commencé (Palestine, Rojava…), même en Europe et dans notre pays, la question de l’eau prend désormais une nouvelle acuité. La disparition des eaux de fonte des glaciers, l’assèchement de nombreux cours d’eau et les sécheresses à répétition, l’usage privatif abusif des nappes phréatiques (bassines, gravières…) et leur pollution par les pesticides, nitrates et autres produits chimiques, la pollution généralisée des eaux de pluie, l’usage ultra dominant de l’eau potable par l’agriculture intensive… sont autant de problèmes à affronter politiquement.

La sécheresse qui perdure depuis des mois révèle toutes les limites du modèle agricole actuel, avec la difficulté à alimenter et abreuver correctement les animaux d’élevage intensif, à irriguer des monocultures inadaptées aux territoires, comme le maïs dans le sud-ouest. Elle doit permettre de mettre en avant des alternatives, pour une agriculture paysanne économe, à échelle humaine, respectueuse du vivant, porteuse de qualité et productrice d’emplois. Dans ce domaine comme dans celui de l’énergie, le terme de « sobriété » prend désormais une force nouvelle.

Des mobilisations pour préserver et mieux utiliser l’eau ont commencé, parfois depuis des années, et nous devons les soutenir et les amplifier. Nous devons également nous impliquer dans les organisations qui structurent les batailles pour revendiquer le caractère public et « commun » de l’eau, sa « non marchandisation », pour exiger des régies publiques de l’eau.

Cet article de notre camarade Christian Bélinguier a été publié (en version courte) dans le numéro 297 (septembre 2022) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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