GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme Écologie

Femmes et climat : vulnérables, mais responsables

Premières victimes de nombreuses catastrophes écologiques, les femmes sont souvent aussi les premières à se battre contre la destruction des milieux vivants menacés par des projets d’exploitation écocides.

Dans son dernier rapport, intitulé Changements climatiques 2022 : impacts, adaptation et vulnérabilité, le GIEC a alerté sur le nombre inquiétant des populations impactées d’ores et déjà par le dérèglement climatique1. À travers le concept de « population vulnérable » il a mis en évidence à quel point les inégalités sociales dessinaient les contours des personnes les plus exposées : parmi elles, les femmes. Le GIEC avait déjà établi dans son rapport de 2014 comment les inégalités de genre sont accrues par le dérèglement climatique et toutes ses conséquences.

Des femmes plus vulnérables

De manière assez terrible, le constat a été fait dans un rapport de l’ONU au niveau mondial : les femmes sont quatorze fois plus susceptibles de mourir lors d’une catastrophe « naturelle ». 80 % des victimes indonésiennes du tsunami de 2014 étaient des femmes. Lors de l’ouragan Katrina en 2005 il a été estimé que 80 % des adultes laissés pour compte étaient des femmes.

« Les inégalités économiques fondées sur le sexe font que les femmes, et en particulier celles qui sont chefs de famille, sont plus exposées à la pauvreté et se retrouvent plus souvent à vivre dans des logements insalubres situés dans des zones urbaines ou rurales de moindre valeur, sensibles aux incidences de phénomènes climatiques tels que des inondations, des tempêtes, des avalanches, des séismes, des glissements de terrain et autres aléas. [...] Les taux plus élevés de mortalité et de morbidité́ constatés chez les femmes pendant et après les catastrophes sont également dus aux inégalités auxquelles elles se heurtent en termes d’accès aux soins de santé, à l’alimentation et à la nutrition, à l’eau et à l’assainissement, à l’éducation, aux technologies et à l’information. En outre, la non-prise en compte de la problématique femmes-hommes dans la planification et la mise en œuvre des mesures envisagées en cas de catastrophe fait que les équipements et infrastructures de protection tels que les dispositifs d’alerte rapide, les centres d’accueil et les programmes de secours négligent souvent les besoins spécifiques en matière d’accessibilité propres aux divers groupes de femmes, notamment les femmes handicapées, âgées et autochtones. »2

Le dérèglement climatique a également pour conséquences une augmentation des violences de genre. Ces violences (viols, agressions sexuelles, prostitution forcée…), déjà subies lorsqu’il n’y a pas de crise, augmentent dans les situations post-catastrophes ainsi que lors de déplacements de populations et de migrations. En outre, la majorité des personnes déplacées par le changement climatique sont des femmes et des enfants.

Les femmes payent chaque jour la destruction des écosystèmes

Dans les pays les plus pauvres, les femmes et les filles assurent la majorité de l’agriculture de subsistance et de l’approvisionnement du foyer en ressources vitales (eau, nourriture, combustible). En effet, elles sont les productrices de plus de la moitié des denrées alimentaires dans le monde et représentent entre 50 et 80 % des petits agriculteurs. C’est pourquoi elles subissent de plein fouet les conséquences des sécheresses ou des captations faites pour de grandes exploitations privées. Le temps consacré à la collecte de l’eau, déjà très important pour une grande part des femmes dans le monde, est parfois rendu encore plus handicapant.

La santé des femmes est aussi particulièrement impactée par le réchauffement climatique, concernant notamment la malnutrition et la santé sexuelle et reproductive. Les femmes enceintes sont plus vulnérables aux effets du dérèglement climatique. Les études sont encore récentes et peu nombreuses, mais la chaleur aurait un impact sur les accouchements prématurés dont le taux passerait de 5 à 16 % en cas de vague de chaleur.

Celles qui disent non

Les femmes sont surexposées aux risques ; elles n’en sont sans doute que plus conscientes et parfois plus mobilisées pour mener les combats essentiels

Il est passionnant et indispensable de s’intéresser aux batailles exemplaires que mènent de nombreuses femmes à travers le monde. Alliant luttes pour la dignité, la justice, les droits à la terre et les droits des femmes, ces militantes montrent le chemin d’une agriculture ou d’une économie respectant le « vivant ».

Il faut connaître le parcours de Wangari Muta Maathai, cette Kenyane biologiste et militante politique, prix Nobel de la paix 2004. Dès 1977, alors que la déforestation obligeait les femmes à parcourir toujours plus de kilomètres pour récupérer du bois, Muta Maathai a lancé de grandes opérations de plantations ; plus de cinquante et un millions d’arbres ont été plantés et plus de trente mille femmes formées à l’agroforesterie ou l’apiculture. Ces plantations rendent le pays moins vulnérable au changement climatique, tout en sortant d’une économie de subsistance.3

Il faut lire les écrits de Vandana Shiva, philosophe, écrivaine militante écoféministe qui, elle aussi, a empêché avec d’autres femmes l’exploitation commerciale de leurs forêts en Inde et s’est mobilisée4. Il faut connaître le combat de l’activiste Eva Bande qui, sur l’île de Sulawesi, au nord de l’Indonésie, se bat depuis 2011 contre l’installation d’une compagnie d’huile de palme sur des terres agricoles5.

Il faut soutenir et entendre les voix de ces jeunes femmes qui s’élèvent dans le monde ; celle de la suédoise Greta Thunberg, mais aussi de la Sud-africaine Ayaka Melithafan, de Vanessa Nakate en Ouganda, d’Anuna De Wever en Belgique, ou encore de Ralyn Satidtanasarn qui en Thaïlande combat l’invasion du plastique.

Toutes combinent à travers le monde actions concrètes et interpellations des gouvernements, appels à la mobilisation de la jeunesse et organisation de grands marches pour le climat. Et surtout il faut mêler nos voix aux leurs et dire, avec Vandana Shiva : « Nous devons apprendre à sortir de la logique des marchés où tout a un prix et rien n’a de valeur et comprendre que la nature de peut pas avoir de prix ».

Cet article de notre camarade Claude Touchefeu a été publié (en version courte) dans le numéro de septembre (n°297) de démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

1.3,5 milliards de personnes sur un peu moins de 8 milliards sont déjà « très vulnérables»au réchauffement climatique.

2.Nations unies, Recommandation générale n° 37 (2018) relative aux aspects liés au genre, de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte des changements climatiques.

3. http://greenbeltmovement.org.

4.Vandana Shiva, 1 %. Reprendre le pouvoir face à la toute-puissance des riches, Rue de l’Échiquier, coll. Diagonales, 2019.

5.https://femmesautochtones.com/page-portrait-eva-bande.

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