GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

La droite, la « manif pour tous » et les « violences policières »

Pour leurs organisateurs, les manifestations organisées par la « manif pour tous », la droite et l’extrême-droite, fin 2012 et début 2013, seraient le mouvement social le plus important des deux dernières décennies. Ces gens-là sont victimes du « syndrome du poisson rouge » qui leur fait voir la réalité du monde à travers le prisme de leur bocal. Leur affirmation est doublement fausse, du point de vue des chiffres de manifestants comme de celui des forces sociales mobilisées.

Les chiffres de manifestants

Les 300 000 à 600 000 manifestants des manifestations nationales du 17 novembre 2012, du 13 janvier, du 24 mars et du 26 mai 2013 n’ont rien à voir avec les millions de personnes qui étaient descendues dans la rue dans toutes les villes de France en 1995 contre la loi Juppé qui attaquait nos retraites et notre Sécurité sociale, en 2003 contre la loi Fillon qui s’en prenait de nouveau à nos retraites, en 2006 contre le CPE et en 2010 contre la loi Sarkozy qui s’attaquait de nouveau à nos retraites.

Les forces sociales mobilisées

En 1995, le gouvernement Juppé avait cédé parce que la grève bloquait les transports, l’Education nationale, la fonction publique, s’étendait et menaçait de gagner le secteur privé. En 2006, c’est la menace d’une grève du secteur public et du secteur privé qui avait obligé de Villepin a retiré la loi sur le CPE pourtant déjà votée. En 2003 et 2010, nous avons été à deux doigts de gagner pour des raisons similaires.

Si les 300 000 personnes qui défilaient le dimanche 26 mai s’étaient mise en grève le lundi 27, personne ne s’en serait aperçu. Les organisateurs de cette manifestation n’ont d’ailleurs jamais brandi cette menace : elle aurait suscité un éclat de rire général.

La force sociale des manifestants contre le mariage pour tous n’avait strictement aucun poids. Elle était parfaitement résumée sur la pancarte portée par une jeune manifestante : « PME : père, mère, enfant ».

La droite se plaint des « violences policières »

Le droit de manifester est une liberté démocratique qui doit être encadrée mais qui doit permettre aux organisations syndicales, aux associations, aux partis politiques de gauche comme de droite ou d’extrême-droite, de manifester librement.

Cette liberté a été entièrement respectée lors des manifestations organisées par la droite, l’extrême-droite et la « manif pour tous ». Il est même possible d’affirmer que les forces de police ont fait preuve d’une retenue assez rare en la matière.

Les accusations de la droite sont donc plutôt mal venues. Elles atteignent le sommet du ridicule quand Luca Volonté, président du groupe PPE (dont fait partie l’UMP) à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe se permet d’affirmer que les violences policières contre les adversaires du mariage pour tous sont une atteinte à la démocratie et que la situation, en France, est « pire qu’en Ukraine ou en Russie, car là-bas, on ne se fait pas arrêter pour port de tee-shirts valorisant la famille(1) ». Ce personnage a poussé la démesure jusqu’à saisir le Conseil des ministres de l’Union européenne d’une question écrite mettant en cause l’attitude du gouvernement français dans la « répression » des manifestations contre la loi Taubira. Dans sa lettre ouverte à ses « chers amis de la manif pour tous », il écrit : « Pourquoi aujourd’hui, dans cette Europe civilisée, les images de violence sans précédents contre les enfants, les parents, les jeunes et les prêtres en France ne sont pas fournies par la télévision publique et privée ? »

Le député UMP des Côtes d’Armor, Marc Le Fur, le 18 avril, n’hésitait pas s’en prendre à un gendarme et à lui faire sauter son calot, d’un coup de main rageur. Aucune suite n’a été donnée, semble-t-il, à cette agression pourtant filmée par BFMTV et passée en boucle sur les réseaux sociaux. Imaginons quel aurait été le sort d’un jeune de banlieue qui se serait permis un tel geste.

La droite a la mémoire courte

Qui a couvert avec une rare constance, si ce n’est les gouvernements de droite, les « bavures policières » de ces dernières années ? La plus tragique avait entraînée la mort de deux adolescents, Zyed, 17 ans et Bounia, 15 ans, à Clichy-sous-Bois en 2005. Le Cour de Cassation vient de casser le non-lieu des policiers accusés de ne pas avoir porté assistance à ces deux jeunes électrocutés par la bobine du transformateur EDF dans lequel ils s’étaient réfugiés.

C’est sous la présidence de Nicolas Sarkozy qu’en novembre 2007, à Nantes, un lycéen de 17 ans, avait perdu un œil des suites d’un tir de « flash-ball ». C’est sous la même présidence que, le 8 juillet 2009, un lycéen de Montreuil avait été grièvement blessé par un autre tir de « flash-ball ».

C’est sous la présidence de Jacques Chirac, en décembre 1986, que Malik Oussekine avait été tabassé à mort, dans le hall de son immeuble, par deux policiers « voltigeurs motorisés ».

C’est sous la présidence de Georges Pompidou que, en 1971, un policier avait tiré avec un lance-grenade, un projectile en tir direct, et fait perdre un œil à un jeune étudiant, Richard Deshayes.

C’est sous la présidence du même Georges Pompidou, en juin 1970, qu’avait été votée la « loi anticasseurs » qui instaurait une forme de « responsabilité collective » pour tout participant à une manifestation. Cette « responsabilité collective » avait été pourtant bannie par la République depuis la fin du régime de Pétain. Si cette loi était restée en vigueur, les 350 manifestants interpellés par la police le 26 mai dernier seraient peut-être encore sous les verrous. Heureusement pour eux, le gouvernement de Pierre Mauroy l’avait abrogée en octobre 1981.

C’est sous la présidence de Charles de Gaulle, en juin 1968, qu’un jeune lycéen s’était jeté dans la Seine pour échapper aux policiers devant l’usine de Renault-Flins. C’est durant ce même mois de juin mais à Peugeot-Sochaux, que deux ouvriers avaient été tués par les CRS, l’un par balle, l’autre par le souffle d’une grenade, alors que plusieurs autres ouvriers étaient blessés, l’un d’entre eux devant être amputé d’un pied, un autre d’un bras.

C’est sous le gouvernement du même Charles de Gaulle que 9 syndicalistes, hommes et femmes, avaient été assassinés par la police parisienne, au métro Charonne, alors qu’ils manifestaient pour la paix en Algérie.

C’est toujours sous le gouvernement de Charles de Gaulle, le 7 octobre 1961, que 50 à 120 Algériens(2) qui manifestaient pacifiquement dans les rues de Paris avaient été massacrés par la police parisienne. Cette police était alors dirigée par le Préfet de police Maurice Papon qui sera, en 1997, condamné par la Cour d’Appel de Bordeaux pour « crimes contre l’humanité » durant l’occupation nazie.

Quelle signification pouvait bien avoir, au regard de ces crimes odieux, la ballerine brandie, à l’Assemblée nationale, par le député UMP Philippe Meunier qui s’écriait : « Voilà ce que fait la police de France » ?

La droite ne supporte pas d’être « du mauvais côté du manche »

La droite n’a jamais protesté contre les violences policières qui frappaient les jeunes de banlieues, les syndicalistes, les ouvriers, les lycéens, les étudiants. Elle les a assumées sans état d’âme. Tant que cette violence n’est pas dirigée contre les « gens de bien » mais contre « les classes dangereuses » tout est, pour elle, dans l’ordre des choses. Lorsqu’elle se trouve à subir quelques coups de plumeau, la rage aussitôt l’étreint.

La droite, fondamentalement, ne supporte pas que la gauche soit au pouvoir et considère ce pouvoir comme illégitime, que ce soit en 1981, en 1997 ou en 2012.

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L’article en PDF

(1): « En Russie, on n’est pas arrêté si on valorise la famille » Le Figaro – 26/05/2013. (retour)

(2): Benjamin Stora « 7 octobre 1961 : Pour l’Etat français, le bilan officiel est toujours de deux morts algériens » - Le Point.fr – 17/10/2011. (retour)

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