GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Johnson et les Brexiters radicaux désavoués

Boris Johnson a entamé son ministère par une tactique anti-démocratique consistant à suspendre la session parlementaire en cours durant un mois. Johnson espérait ainsi démontrer qu’il allait jouer des coudes face à la chambre des Communes et cherchait à installer un récit politique cher à l’extrême droite, selon lequel les parlementaires s’opposeraient à la volonté du peuple, puisqu’ils n’avaient avalisé aucun accord pour permettre le Brexit tout en s’opposant à une sortie sans accord.

Mais voilà que Johnson s’est tiré lui-même une balle dans le pied. D’abord, les parlementaires ont réussi à adopter en un temps record, avant la suspension de la session parlementaire, une loi enjoignant à l’exécutif de demander une prolongation de la date de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (prévue pour le 31 octobre). Entre temps, l’exclusion de 21 députés conservateurs qui ont approuvé cette loi a fait voler en éclats la courte majorité parlementaire de Johnson, qui se trouve désormais en minorité de 43 sièges.

L’échec de Johnson

Par conséquent, Johnson est devenu le premier Prime minister à perdre ses cinq premiers votes aux Communes. Peut-être plus grave encore pour sa stratégie, le 24 septembre, la Cour suprême du Royaume-Uni a jugé illégale la suspension du parlement par l’exécutif. Elle a, en outre, jugé que les motifs invoqués par l’exécutif dans sa demande écrite de suspension envoyée à la reine étaient mensongers et que, par conséquent, l’exécutif était coupable d’avoir manipulé la reine, ainsi que l’opinion publique. Dans un pays qui plébiscite toujours l’institution royale, qui plus est chez l’électorat conservateur, cette accusation pèse lourd pour Johnson et la bande des Brexiters radicaux qui l’entourent et le conseillent.

Rappellons ici que, le Royaume-Uni n’ayant pas de constitution écrite, la constitutionnalité de l’action du gouvernement Johnson était sujette à débat. Par conséquent, le jugement de la Cour suprême est également une consécration du principe démocratique de la souveraineté du Parlement britannique et un coup d’arrêt à la tentative de l’exécutif de Johnson de s’accaparer des pouvoirs au détriment du pouvoir législatif.

Et la suite ?

Bien entendu, l’objectif inavoué de Johnson était de provoquer des élections anticipées qu’il entendait mener sur le thème « le peuple contre le Parlement ». Les sondages montrent une remontée du Parti conservateur depuis l’arrivée aux manettes de Johnson et, dans l’état actuel des choses, il se pourrait bien que le Trump britannique l’emporte haut la main.

L’opposition a par conséquent décidé de ne pas provoquer des élections anticipées tant que le scénario du Brexit sans accord ne sera pas définitivement écarté et refuse pour le moment de voter une motion de censure contre Johnson. Ce scénario est également écarté pour le moment par le refus des libéraux-démocrates et des députés conservateurs exclus de leur parti d’envisager un gouvernement intérimaire emmené par Jérémy Corbyn, dont le seul objectif serait de s’assurer de la prolongation de la date de sortie, avant d’organiser des nouvelles élections.

Par conséquent, le scénario qui se profile est le pire qui soit pour Johnson : contraint par la loi de demander à l’UE une prolongation de la date de sortie – et d’accepter celle que l’Union voudra bien lui accorder –, il est désormais fort possible qu’il devienne le Premier ministre sous le mandat duquel le Brexit aura encore une fois été différé alors qu’il avait promis qu’avec lui à la barre, le Brexit aurait lieu d’une manière ou d’une autre. Rien de pire pour l’électorat conservateur qui – selon les sondage  – déserterait en masse son parti aux élections anticipées qui suivraient, au profit du nouveau parti de Nigel Farage (le Brexit Party).

Ce scénario serait idéal pour le Parti travailliste qui promet désormais de négocier un nouvel accord de sortie de l’UE, puis de le soumettre à référendum par la suite avec la possibilité que le Royaume-Uni se maintienne dans l’UE. Mais le parti est très divisé sur cette tactique. À sa conférence annuelle, fin septembre, un vote très serré a eu lieu pour savoir s’il fallait dès maintenant mener campagne pour le maintien dans la perspective d’un tel référendum ou s’il convenait de trancher plus tard. Une grande partie de l’appareil syndical (qui détient la moitié des votes lors des conférences du parti) a n effet peur de s’aliéner des électeurs pro-Brexit si le parti opte franchement pour le maintien.

Cette lecture n’est pourtant pas validée par les enquêtes d’opinion et le résultat des élections européennes qui montrent que le risque d’une position ambigüe est que les électeurs pro-remain (qui constituent à peu près trois quarts des électeurs du parti et près de neuf dixièmes de ses adhérents) se détournent du parti au profit des libéraux-démocrates et des Verts qui affichent, eux, une opposition catégorique au Brexit. En amont de la conférence, près de cent organisations locales du parti ont d’ailleurs fait remonter des motions réclamant une position claire en faveur du maintien dès maintenant. Dans la pratique, la position adoptée permet au Labour à la fois de se présente comme le seul parti capable d’organiser un second référendum – car le mieux placé pour former un gouvernement –, tout en rassurant sa base militante par la voix des principaux alliés de Corbyn (John McDonnell, Diane Abbott et Keir Starmer) sur le fait que le parti fera campagne pour le maintien le moment venu.

Cet article de notre camarade Christakis Georgiou est à retrouver dans le numéro d'Octobre 2019 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

 

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