GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Economie Théorie Histoire

Inégalités extrêmes et solutions à la « crise »

Nous publions ci-dessous un article paru dans la revue Démocratie&Socialisme de février 2015.

Forum de Davos, sommet des grands exploiteurs riches du monde : l’Organisation Non Gouvernementale Oxfam republie ses études : « L’an prochain, le patrimoine cumulé des 1 % les plus riches du monde dépassera celui des autres 99 % de la population ». Les 80 personnes les plus riches du monde détiendront autant de patrimoine que 3,5 milliards d’humains.

L’an dernier déjà, il avait été calculé que les 85 personnes les plus riches possédaient autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale. Or, en 2010, le nombre était de 388 personnes…

Cette dénonciation de la concentration des richesses entre les mains de quelques-uns, cette explosion des inégalités devrait suffire à sonner le glas du capitalisme. On savait déjà que 3 hommes possédaient plus que les 48 pays les plus pauvres.

Ce système est le plus inhumain et le plus scandaleux de tous : on atteint là un paroxysme.

La source de toutes les barbaries, de toutes les guerres à venir

La faim, les pandémies, les guerres, les accidents du travail, l’obscurantisme frappent des centaines de millions d’humains, parce que quelques-uns sucent le sang, la sueur, le travail, pillent, volent et tuent impunément.

L’étude intitulée « Insatiable richesse », démontre que la part du patrimoine mondial détenue par les 1 % les plus riches est passée de 44 % en 2009 à 48 % en 2014, et devrait dépasser les 50 % en 2016. En 2010, la fortune nette des 80 personnes les plus riches au monde s’élevait à 1.300 milliards de dollars. En 2014, le montant atteignait 1.900 milliards, soit une augmentation de 50 % en l’espace de 4 ans.

En 2014, les membres de cette élite internationale possédaient en moyenne 2,7 millions de dollars par adulte. Parallèlement, les richesses des 50 % les moins bien lotis ont reculé en 2014 par rapport à 2009, souligne Oxfam qui, pour réaliser son étude, s’est appuyé sur les statistiques publiées chaque année par le Crédit Suisse et par le Magazine Forbes. Le document montre ainsi que, entre mars 2013 et mars 2014, la richesse de Warren Buffet a augmenté de 9 %, celle de Michael Bloomberg de 22 %, ou encore celle de Carl Icahn de 23%…

Le montant des dividendes versés par les 1 200 plus grandes entreprises mondiales va s'élever pour 2014 à 1 190 milliards de dollars.

Le revenu disponible des ménages a augmenté en moyenne de 1,6 % par an (hors inflation) dans les vingt à vingt-cinq années qui ont précédé la crise de 2008 dans l’ensemble des 34 pays de l’OCDE. Mais cette augmentation est allée de pair, dans les trois quarts d’entre eux, avec une forte hausse des inégalités de revenu. Jamais en trente ans, le fossé entre riches et pauvres n’a été aussi prononcé qu’actuellement dans les économies avancées. Aujourd’hui, le revenu des 10 % de la population les plus riches est en moyenne 9,5 fois plus élevé que celui des 10 % les plus pauvres. Dans les années 1980, ce ratio était de 7.

« L’ampleur des inégalités mondiales est tout simplement vertigineuse et, malgré les questions brûlantes qui font l’actualité, le fossé entre les grandes fortunes et le reste de la population se creuse rapidement », souligne Winnie Byanyima, directrice générale d’Oxfam.

Oxfam appelle donc les États à adopter un plan en sept points pour lutter contre ces inégalités.

En particulier, il faut mettre un frein à l’évasion fiscale des entreprises et des grandes fortunes, notamment en organisant cette année un sommet mondial sur la fiscalité. L’étude dénonce par ailleurs le fait que les activités de lobbying les plus prolifiques se concentrent sur les questions fiscales et budgétaires.

L’évasion et la fraude fiscale extrêmes :

Depuis des années, la droite disait « trop d’impôt tue l’impôt ». C’était histoire de protéger les riches et de ne pas leur faire payer les sommes énormes qu’ils siphonnaient aux salaires. Il en est resté l’idée bien cultivée par les médias aux ordres que « si on les taxe trop, ils vont partir ». Mais ils sont partis bien sûr ! Le journaliste Antoine Peillon affirme sans être contredit qu’il « manque 600 milliards à la France », et que ces 600 milliards d’avoirs français sont bel et bien dans les paradis fiscaux.

L’autre idée réactionnaire, c’est que « puisqu’ils sont partis » on n’y peut rien. Ce qui est totalement faux, puisqu’en fait tout cet argent est désormais « tracé » « localisé » « suivi » au centime près : « offshoreleaks » est une association de 154 journalistes qui, depuis des années, ont enquêté internationalement sur cette évasion fiscale de masse et mis à jour réseaux, virements, dépôts. Tout se sait, rien n’est plus secret, les ordinateurs sont bavards, les banques contraintes à la transparence de gré ou de force. Des « hackers », lanceurs d’alerte ou pas, se chargent de tout rendre public, de tout faire savoir, de publier, et les États qui ne veulent pas le savoir, ferment les yeux et sont complices.

Car la dernière thèse des pillards d’impôts, c’est qu’on ne peut pas les rattraper, que les paradis fiscaux sont inviolables, il existe d’artifices, de « combines », de façons de tricher. C’est bien sûr totalement faux : qui veut, peut les rattraper !

François Hollande au Bourget s’était écrié : « La délinquance financière, la République vous rattrapera »

Mais comme les autres promesses, cet espoir de gauche a été sacrifié. La forteresse libérale de Bercy a vite pris le contrôle des opérations, lequel consiste à inventer toutes les barrières légales, opaques pour protéger les riches pillards ! Et pour cela ils mentent !

Jérôme Cahuzac, le premier ministre du Budget du quinquennat, afficha sa volonté de « combattre la fraude fiscale » les yeux dans les yeux, et il n’en faisait rien, et pour cause, puisqu’il fraudait lui–même. François Hollande et ses ministres firent adopter tout un volet de lois sur la « transparence ». Le second ministre du Budget, Bernard Cazeneuve édicta la sentence selon laquelle les « entreprises n’étaient pas un lieu d’exploitation » (sic) et il annonça triomphalement qu’il allait traquer la fraude fiscale : il reconnut qu’elle s’élevait à 80 milliards, et fit rentrer… 1,8 milliards en l’an 2014. Soit un peu plus de 2 %.

Le troisième ministre, Emmanuel Macron, vient de tenter d’enterrer le problème, à peine deux ans après les fameuses lois sur la transparence, en faisant passer au forcing un amendement dans sa loi sur « le secret des affaires », visant à condamner les journalistes qui le divulgueraient. Il échoua de justesse, mais imposa que les entreprises de moins de 50 salariés aient le droit de ne plus divulguer leurs comptes. Or on sait que les holdings les plus riches s’efforcent, alors qu’elles contrôlent des dizaines de très grandes entreprises avec des dizaines de milliers de salariés, de se réduire elles-mêmes à moins de 50 membres pour échapper à toute contrainte.

Et quand on sait « qu’il est important de comprendre qu'une inégalité excessive ralentit la croissance économique d'un pays et affaiblit la demande globale », la lutte du ministre Macron pour que les riches soient plus riches, alimente en fait la récession, le chômage, et la crise. La « théorie du ruissellement » selon laquelle les riches, quand ils sont plus riches, aident les pauvres est une pure invention… de riches. Les riches veulent toujours être plus riches, ils ne ruissellent pas, ils siphonnent, ils siphonnent, ils siphonnent…

Les concentrations de richesse en France sont énormes

La France, l’Allemagne, la Grande Bretagne et l’Italie représentent près des trois quarts du patrimoine privé total du continent, mais c'est au Luxembourg que le niveau moyen de fortune par adulte est le plus élevé avec 400.000 euros, contre une moyenne européenne de 167 100 euros.

Le patrimoine privé des Européens a atteint la somme record de 56.000 milliards d'euros en 2013, dépassant le précédent sommet atteint avant la crise financière de 2007-2009. Ce classement montre qu’en Europe les "grandes fortunes actuelles sont issues, à quelques exceptions près, de la ’vieille économie’", et que "les secteurs des nouvelles technologies de l’information sont quasiment absents de ce palmarès".

Les 500 familles les plus riches détiennent environ 17 % du Pib. Elles détenaient 330 milliards en 2013. Leurs avoirs ont augmenté sous la gauche de 25 % en 2013 et de 15 % en 2014 pour atteindre 390 milliards. Il existait 67 milliardaires en 2013, il existe 78 milliardaires en 2014, le record d’Europe, sans précédent.

Les deux plus riches, Arnaud et Bettencourt détiennent autant que 20 millions de Français. Ces inégalités se creusent chaque jour : « quand le PDG de la Société Générale est augmenté de 75 %, le guichetier est augmenté de 1 % » écrit Ivan du Roy le 15 mai 2013.

Thomas Piketty et Gabriel Zucman ont longuement analysé et décrit cette concentration de fortunes abusives. (Nous avons publié un article sur Gabriel Zucman dans D&S n° 212 et nous commençons la publication d’une recension de Thomas Piketty dans le présent numéro de D&S).

15 pays concentrent 84,3 % de la richesse mondiale en 2014 et 5,8 % de cette richesse vient de France, 4° pays derrière les États-Unis, le Japon, et la Chine, mais premier d’Europe.

Les confortables plus-values ne sont pas seulement dues à la bonne santé des entreprises : pour relancer une machine économique qui tourne au ralenti, les banques centrales ont, depuis quelques années, fait tourner leur planche à billets et prêté à taux nul, ou même négatif. Conséquence : les économies sont submergées de milliards qui vont s’investir de préférence sur les actifs réels, comme les participations dans les sociétés, cotées ou pas, l’immobilier et… les biens de luxe.

Quelque 7 600 milliards de dollars, soit 8 % de la richesse mondiale, sont détenus par des particuliers dans des paradis fiscaux

Les ménages européens arrivent les premiers avec quelque 2.600 milliards localisés dans des États selon Gabriel Zucman. Derrière eux, les contribuables asiatiques (1 300 milliards) distancent de peu les Américains (1 200 milliards) suivis par les particuliers dans les pays du Golfe (700 milliards), affirme l’auteur de La Richesse cachée des nations. Enquête sur les paradis fiscaux (2013). L’étude ne prend en compte que les actifs financiers, et non les biens mobiliers ou immobiliers qui peuvent eux aussi être gardés à l’abri des fiscs nationaux. «  S’il semble clair que la richesse détenue offshore est en augmentation, la principale incertitude tient à la part qui relève de l’évasion fiscale », indique M. Zucman qui estime donc à « 190 milliards » par an la perte en recettes fiscales essuyée par les États, au profit « quasi exclusif » des contribuables les plus fortunés.

Mais il faut rajouter les multinationales qui font un usage croissant des paradis fiscaux pour réduire leurs impôts En 2013, 55 % de leurs revenus réalisés à l’étranger étaient localisés dans ces juridictions, notamment au Luxembourg ou à Singapour, contre un peu plus de 20 % il y a trente ans. La France est au 2e rang dans le monde derrière les USA en remise de dividendes (40,7 % au 2e trimestre 2014 soit + 30 %, à un total 56 milliards en 2014… pour le seul CAC 40).

La polémique sur l’optimisation fiscale des grandes entreprises explose avec les révélations LuxLeaks sur le rôle de plaque-tournante joué par le Luxembourg. 340 entreprises auraient « blanchi » 340 milliards d’euros pendant trente ans, et parmi celles-ci 58 multinationales françaises ont « blanchi » leur comptabilité avant de payer leurs impôts a notre République. Le député Yann Galut, en charge de la commission de lutte contre la fraude fiscale, estime cette perte dans notre budget d’État à 100 milliards par an.

Les paradis fiscaux sont au cœur de l’activité internationale des banques françaises

Un tiers des filiales étrangères des banques françaises sont situées dans des paradis fiscaux ou judiciaires, selon une étude de la Plate-forme Paradis Fiscaux. Elles génèrent près de 14 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Pour la première fois, en 2014, les grands établissements de la place de Paris - BNP Paribas, Société Générale, BPCE, Crédit Agricole et Crédit Mutuel - ont publié des données relatives à leurs filiales dans ces territoires opaques (nombre global, nombre de salariés employés et chiffre d’affaires). Une obligation qui découle de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires adoptée en 2013 dans l’Hexagone et qui devrait bientôt être effective au niveau européen. À partir de 2016, conformément à la directive CRD IV, toutes les banques européennes devront ainsi rendre publiques des informations concernant leur chiffre d’affaires et les impôts payés au titre de leurs activités dans les paradis fiscaux.

577 filiales dans les paradis fiscaux

Pour l’heure, les données mises à disposition par les banques françaises confirment leur présence massive dans ces territoires à la fiscalité et au droit du travail avantageux. 34 % de leurs filiales à l’étranger - 577 au total en 2014 (contre 527 en 2012) - sont en effet situées dans des paradis fiscaux ou judiciaires.

BNP Paribas est la banque française la plus présente dans les paradis fiscaux avec 170 filiales, devant Société Générale (139), Crédit Agricole (133), BPCE (91) et Crédit Mutuel (44). La banque de la rue d’Antin a toutefois réduit de moitié sa présence dans ces territoires depuis 2012, une évolution certes à mettre en perspective avec l’évolution globale du nombre de filiales du groupe, lui aussi divisé par deux. La Société Générale a, en revanche, accru sa présence en multipliant par trois le nombre de ses filiales dans les paradis fiscaux depuis 2012.

Au total, 26 % de l’activité internationale des banques françaises est réalisée dans des paradis fiscaux, soit un montant total de 13,7 milliards d’euros. A titre d’exemple, les banques françaises y réalisent un produit net bancaire (PNB) trois fois plus important que dans les BRICS. Là encore, BNP Paribas réalise le plus gros chiffre d’affaires dans ces territoires opaques : 8 milliards d’euros, soit 21 % de son PNB global. Viennent ensuite Société Générale (2,4 milliards d’euros), Crédit Agricole (1,9 milliard d’euros), Crédit Mutuel (876 millions d’euros) et BPCE (495 millions d’euros).

Le Luxembourg, destination préférée des banques françaises

Le scandale du « LuxLeaks » rend hommage a posteriori au courageux journaliste et enquêteur, Denis Robert qui a connu mille souffrances parce qu’il avait dévoilé le « trou noir » du blanchiment d’argent mondial, « Clearstream ».

Comment peut-on cerner la masse de l’évasion fiscale, en stock et en flux : les 600 Milliards français dans les paradis, les centaines de milliards des particuliers, les milliers de milliards des multinationales, les fuites annuelles, les spéculations de longue durée ? Les 108 milliards estimés en Suisse ? « Offshoreleaks », « swissleaks », « luxleaks », « HSBCleaks » : tout cela donne le tournis.

Les banques françaises disposent au total dans le Grand-Duché de 118 filiales et près du quart du chiffre d’affaires qu’elles réalisent dans les paradis fiscaux y transite. Les autres destinations privilégiées par les banques françaises, en termes de nombre de filiales, sont la Belgique, les Pays Bas, l’Irlande et la Suisse. Quant au chiffre d’affaires généré dans ces territoires, Hong Kong, la Suisse et Singapour se classent dans le top 5.

Le cas des Bermudes ou des Iles Caïmans alimente toutefois les soupçons d’activité offshore. Total qui ne paie pas d’impôt en France dispose de 18 filiales dans les Bermudes. Les banques françaises détiennent de nombreuses filiales - une quinzaine aux Caïmans -, et pourtant aucune d’entre elles n’y a d’employés, les chiffres d’affaires affichés sont de plus très disparates, parfois négatifs. De même, Crédit Mutuel possède quatre filiales aux Bahamas dont le PNB ne pèse que 0,02 % du PNB global.

Le « scandale » HSBC éclate à point nommé

La banque HSBC est revenue sur le devant de la scène. Selon les informations publiées par plusieurs organes de presse le 9 février 2015, 180,6 milliards d’euros seraient passés, à Genève, par les comptes HSBC, entre le 9 novembre 2006 et le 31 mars 2007 (soit en moins de 5 mois !) |1|. Mohamed VI, roi du Maroc, des vedettes du monde du spectacle, de multiples sociétés privées, auraient confié à HSBC la mission de dissimuler au fisc et à la justice de leur pays une partie de leurs revenus.

Le sigle HSBC signifie “Hong Kong and Shanghai Banking Corporation”. Dès ses origines, la banque est mêlée au commerce international de drogues dures. En effet, elle a été fondée dans le sillage de la victoire britannique contre la Chine dans les deux guerres de l’opium (1839-1842 et 1856-1860). Celles-ci ont joué un rôle décisif dans le renforcement de l’empire britannique et dans la marginalisation de la Chine qui a duré environ un siècle et demi.

Après 1949 et la victoire de Mao, la banque se replie sur Hong Kong, resté territoire britannique. Ensuite, entre 1980 et 1997, elle développe ses activités aux États-Unis et en Europe. Elle ne déplace son siège social de Hong Kong à Londres qu’en 1993, avant la rétrocession du territoire à la République populaire de Chine réalisée en 1997. HSBC reste incontournable à Hong Kong dont elle émet 70 % des billets de banques (le dollar de Hong Kong). Hong Kong constitue un élément clé dans la chaîne du blanchiment d’argent accumulé par la nouvelle classe dirigeante chinoise. Le groupe mondial HSBC emploie 260 000 personnes en 2014, est présent dans 75 pays et déclare 54 millions de clients.

« Crimes financiers, blanchiment, manipulation, vente abusive et frauduleuse, évasion fiscale... HSBC a plus d’un tour dans sa manche ! En plus du blanchiment de l’argent de la drogue et du terrorisme. HSBC est impliquée dans d’autres affaires : la manipulation du marché des taux de change (l’affaire a éclaté en 2013 et porte sur un marché quotidien de 5 300 milliards de dollars) |4|, la manipulation des taux d’intérêt interbancaire (dont le Libor), la vente abusive et frauduleuse de dérivés sur les taux d’intérêt, ou de produits d’assurances aux particuliers et aux PME au Royaume-Uni (la FSA, l’autorité de contrôle britannique, a poursuivi HSBC dans cette affaire qui a révélé que la banque a vendu des assurances ne servant à rien ou si peu !), la vente abusive de Mortgage Backed Securities aux Etats-Unis, la manipulation du cours de l’or et du cours de l’argent (l’affaire a éclaté en janvier-février 2014) et l’organisation à une échelle massive de l’évasion fiscale des grosses fortunes. » (Éric Toussaint, du CADTM).

Hervé Falciani, le Edward Snowden d’HSBC ?

Hervé Falciani, un citoyen franco-italien, a copié 127 000 fichiers qui relient HSBC à des opérations massives de fraude et d’évasion fiscale dans laquelle elle joue un rôle souvent actif. Parmi les 127 000 fichiers se trouvent des exilés fiscaux français (8 231 selon Falciani), belges (plus de 800), espagnols (plus de 600 noms), grecs (la fameuse liste dite Lagarde, car la ministre française l’a remise aux autorités grecques en 2010, qui contient environ 2 000 noms), allemands, italiens, mexicains, états-uniens... L’oligarchie grecque aurait « planqué » » 400 milliards d’euros, soit davantage que le niveau attribué à la dette grecque.

Il faut souligner qu’en Grèce, la justice avait arrêté l’éditeur de la revue « Hot Doc », Kostas Vaxevanis, parce qu’il avait osé publier en octobre 2012 la liste Lagarde-HSBC-Falciani que les autorités grecques avaient « égarée depuis trois ans ». Suite aux réactions citoyennes en Grèce et sur le plan international, le journaliste a finalement été acquitté lors de son procès. Il n’est pas facile de dénoncer une banque et les riches fraudeurs qu’elle protège ou, ce qui revient à peu près au même, de dénoncer les riches fraudeurs qui protègent les banques et leur sacro-saint secret bancaire. Il y a bien une véritable symbiose entre les grandes banques et la classe dominante, comme existent des passerelles permanentes entre les gouvernants et les grandes entreprises, en particulier celles de la finance.

Éric Toussaint que nous citons abondamment ici explique que la banque HSBC devrait être fermée, sa direction licenciée sans indemnité et poursuivie en justice. Le mastodonte HSBC devrait être divisé sous contrôle citoyen en une série de banques publiques de taille moyenne aux missions strictement définies et exercées dans le cadre d’un statut de service public.

Nous avons là les clefs d’un puissant argumentaire contre les banques et les dettes

Car en cumulant les évasions fiscales des « particuliers » et les « optimisations » fiscales de multinationales d’une part, la totalité de ces milliers de milliards sont à comparer avec les dettes qui sont réclamées par ces banques privées aux États.

Le budget de l’État français n’est que de 300 milliards, (il est censé générer 78,5 % de la dette), celui des collectivités territoriales de 200 milliards, (il génère 11,5 % de la dette), celui de la protection sociale de 450 milliards (il ne génère que 10 % de la dette) !

La dette totale est présumée approcher 2000 milliards (soit 96 % du Pib). Le déficit tant décrié du pays est de 4,4 % et nous payons 52 milliards d’intérêts de la dette en 2014… sans rembourser la dette elle-même. En étranglant le pays pour rembourser les intérêts d’une dette qui ne le sera jamais, l’austérité nourrit la récession qui accroit la dette. Un peu comme un jardinier qui arroserait la rivière pendant que son jardin s’assèche.

Pourtant on sait que tout est là dans les banques : les quatre grandes banques disposent de 8000 milliards d’actifs. Pourquoi étrangler la Grèce pour une dette largement artificielle ? Pourquoi enlever 9 milliards cette année à la Sécurité sociale en France, à nos soins à nos hôpitaux, pourquoi enlever 7 à 11 milliards aux collectivités territoriales ? Pourquoi enlever 50 milliards aux besoins sociaux ? Pourquoi limiter les emplois publics, alors qu’on a tant de besoins et tant de chômeurs ? Pourquoi donner 41 milliards de CICE à ces grands entreprises qui siphonnent les plus petites et finissent par mettre leur argent… dans les iles Caïman, sans créer d’emplois ?

Même celles et ceux qui ne sont pas familiers avec les centaines de milliards peuvent comprendre que tout est là, et qu’il suffit de se donner les moyens de traquer les voleurs, la fraude fiscale, de faire les lois nécessaires pour empêcher les « optimisations » fiscales, faire rentrer les fonds…s’il faut vraiment « équilibrer » les budgets ! Embaucher 2000 inspecteurs des impôts, des milliers d’informaticiens, faire un pont d’or aux journalistes qui ont tout dévoilé, renégocier en urgence tous les accords bilatéraux avec tous les pays qui fraudent, faire un procès à Jean-Claude Juncker, premier blanchisseur d’argent d’Europe, soutenir les Grecs et Syriza, donner au parquet la possibilité de sanctionner durement et rapidement les « fraudeurs », les « optimiseurs, rattraper la délinquance financière !

Mais pour cela il faut s’appuyer sur les 99 % pour reprendre les centaines de milliards aux 1 %. Il ne faut pas gouverner comme Valls et Macron pour les 1 % contre les 99 %. C’est la seule voie.

Comment des Valls et des Macron auraient-ils le courage de conduire cette politique, eux qui appellent les jeunes à s’enrichir et à devenir milliardaires, eux qui ne soutiennent pas le seul gouvernement de gauche, celui de Syriza à Athènes, qui tente de s’engager dans cette voie ?

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