Héritage des JOP : on veut des actes !
Les JOP de Paris ont souvent été présentés comme une opportunité unique de promouvoir le sport et d’améliorer les infrastructures. Après leur réussite médiatique et sportive, il convient d’examiner de manière critique l’impact réel de cet événement sur le monde du sport hexagonal.
Contrairement aux promesses souvent véhiculées selon la logique de communication du président de la République, il existe des inquiétudes fondées concernant l’héritage laissé par les Jeux.
Un héritage populaire négligé
L’un des arguments principaux en faveur des JOP est l’effet positif escompté sur le sport populaire. Cependant, des études et des expériences passées montrent que l’héritage olympique ne profite pas toujours aux sportives et sportifs amateurs. À Londres par exemple, les Jeux de 2012 n’ont pas entraîné l’augmentation de la pratique espérée parmi la population britannique. Il faut accompagner cet élan olympique par des politiques sportives incitatives et puissantes.
Pour Paris 2024, les promesses de démocratisation du sport restent floues et incertaines. Les équipements sportifs de haute performance ont été conçues pour être démontés, et ceux qui resteront risquent de devenir des « éléphants blancs », coûteux à entretenir et sous-utilisés. L’accès à ces installations peut être limité en raison de coûts d’utilisation élevés, et d’une inadéquation avec la pratique quotidienne scolaire et amateur, au sein des clubs ou en libre accès.
Impact nul sur le sport à l’École
Le sport scolaire, pourtant fondamental pour la promotion de l’activité physique chez les jeunes, ne bénéficiera pas des Jeux de Paris 2024 comme on aurait pu l’espérer. À l’Union nationale du sport scolaire (UNSS), l’heure est aux économies et à la réduction des offres de pratiques et de rencontres sportives pour les élèves. La réforme du collège et celle qui l’a précédée au lycée fragilisent par ailleurs la pratique sportive en bouleversant les groupes classes, les emplois du temps, et en occupant les temps du midi et du mercredi après-midi pour des cours en concurrence avec les pratiques sportives.
L’accent mis sur l’élite sportive avant et pendant les Jeux par l’Agence nationale du Sport pourrait également marginaliser les besoins du sport scolaire, qui manque souvent de matériel et de soutien adaptés, notamment pour l’inclusion des élèves en situation de handicap. L’école est le seul lieu où on est sûr que tous les jeunes de 3 à 16 ans vont passer la majeure partie de leur semaine. Les professeurs d’éducation physique et sportive (EPS) jouent un rôle crucial dans l’encouragement à la pratique sportive de tous, dès le plus jeune âge. Cependant, leur situation professionnelle et les défis qu’ils rencontrent au quotidien sont insuffisamment pris en compte.
En parallèle de l’organisation des Jeux de Paris 2024, il n’a été prévu aucune mesure spécifique pour renforcer la place de l’EPS dans le cursus des élèves ou pour améliorer les conditions de travail. Pire, la formation initiale EPS des professeurs des écoles continue d’être réduite. Les enseignantes et les enseignants doivent également composer avec des classes toujours plus chargées, des équipements vieillissants et insuffisants et un manque de reconnaissance institutionnelle. Comme le revendique le programme du NFP, il est nécessaire que chaque élève puisse bénéficier de 4h d’EPS par semaine sur l’ensemble de sa scolarité et qu’un plan pluriannuel d’investissements dans les gymnases et aires sportives soit mis en place dans tout le pays.
Les bénévoles des clubs invisibilisés
Nous connaissons l’érosion du pool de bénévoles, le vieillissement de ces derniers et le mur administratif auquel ils doivent faire face pour trouver les subventions. L’engouement pour les Jeux olympiques se traduit par une volonté des jeunes et/ou des parents de s’inscrire dans les clubs, ce qui exerce une pression supplémentaire sur le milieu fédéral au point de devoir refuser des inscriptions. Sans offre de solutions concrètes pour soutenir les petits clubs de quartiers ou de villages, les effets positifs des JOP risquent de s’inverser, de créer des déçus, de manquer leur cible d’une « nation plus sportive », selon la formule consacrée.
Il faut garantir de nouveaux droits pour les bénévoles engagés dans les clubs, par un congé de citoyenneté sans perte de salaire à l’image de ce qui se fait pour le syndicalisme – une demi-journée par semaine par exemple –, par un congé de formation pour qu’ils améliorent leurs compétences dans l’encadrement, notamment des jeunes en situation de handicap, ou encore par l’obtention de trimestres de cotisation retraite. C’est l’objet du projet de loi déposé ces dernières semaines par François Ruffin, Marie-Charlotte Garin, Sébastien Peytavie ou encore Nicolas Sansu.
Bien que les JOP de Paris ont été présentés comme une opportunité « en or » pour promouvoir le sport en France, il est crucial de maintenir une perspective critique sur leur héritage réel. Pour le mouvement sportif populaire et le sport scolaire, les bénéfices promis sont loin d’être garantis. Une politique de gauche ambitieuse sur la place du sport dans la société doit être mise en œuvre pour éviter de perpétuer les inégalités existantes et de manquer l’occasion de réellement démocratiser la pratique sportive.
Cette tribune de notre ami Guillaume Ancelet, président de Picardie debout !, a été publié dans le numéro d'octobre de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).