Groupes de niveau : trier la difficulté scolaire ?
L’objectif déclaré du fameux « choc des savoirs », porté par Gabriel Attal lors de son passage rue de Grenelle, était de créer des « groupes de niveau » en sixième et en cinquième en français et en maths, dès la rentrée 2024, puis en quatrième et en troisième, en septembre 2025, pour, affirmait-il, relever le niveau général des élèves de collège. Le jeudi 7 mars, lors d’une réunion avec les organisations syndicales, puis dans un entretien accordé au Monde, Nicole Belloubet a paru exécuter sur ce point un rétropédalage en règle qui s’explique en grande partie par les mobilisations enseignantes des dernières semaines, à commencer par la combative grève du 93.
Malheureusement, Attal passe en force. Des groupes «constitués en fonction des besoins des élèves». Telle a été la formulation retenue dans l’arrêté publié au Journal officiel dimanche 17 mars portant sur la mise en place des «groupes» en mathématiques et en français au collège.
La recherche pointe presque unanimement les effets néfastes des classes et groupes de niveau pérennes. Seuls des groupes très ponctuels et évolutifs quant à leur composition pourraient avoir de l’intérêt.
Les alignements de classe nécessaires à la constitution de ces groupes de niveau imposeraient une progression commune, mais les élèves des groupes les plus en difficulté (les moins « compétents » ?) avanceraient forcément plus lentement que les autres, creusant inévitablement l’écart au fil des semaines. La flexibilité n’existerait donc qu’à la marge, surtout quand on intègre à l’équation l’absence de moyens supplémentaires confirmée par les annonces de Bercy sur les centaines de millions d’économies à faire…
Les chercheuses et les chercheurs mettent en avant depuis des lustres les conséquences négatives de la constitution de groupes de niveau sur l’estime de soi des élèves en difficulté, ainsi que le biais introduit par les professeurs à leur insu faisant que, dès qu’on étiquette des élèves comme faibles, objectifs et contenus d’apprentissage finissent fatalement par être revus à la baisse. Déjà en 1997, la sociologue Marie Duru-Bellat, dont le travail porte sur les politiques éducatives et les inégalités scolaires, écrivait que « la constitution de classes hétérogènes » était « sans doute la meilleure façon d’élever le niveau moyen de l’ensemble des élèves, au bénéfice des plus faibles et sans pénalisation notable des plus brillants ».
Ce dont a besoin l’École, dans le second degré comme dans le primaire, ce n’est certainement pas de faire le tri entre les enfants : ce sont de classes à effectifs drastiquement réduits, qui permettent aux enseignant.es d’assurer enfin remédiation et différenciation pédagogique. C’est la seule façon d’allier mixité scolaire et réussite éducative – tout en damant le pion au privé !
Des enseignants de Loire-Atlantique ont mis en ligne (voir ci-dessous) une chanson "le chaos de savoirs" (sur une musique d'Anne Sylvestre) pour exprimer leur juste opposition aux groupes de niveau.