R.Jehanin : "Et maintenant, que faire ?"
À l’issue d'un cycle électoral qui a vu l’extrême droite manquer de peu d’accéder au pouvoir, et la gauche de créer la surprise aux élections législatives anticipées, un constat s’impose : à gauche, l’union paye. C’est en partant de ce principe qu’il convient de reconstruire cette dernière. (Cette tribune de Romain Jehanin, porte-parole de Génération.s, pour Démocratie&Socialisme a été écrite début septembre, donc avant la formation du gouvernement Barnier).
Le Nouveau Front populaire a fortement contribué à empêcher l'accession du RN aux affaires, et a permis à la gauche d’arriver en tête de ces élections législatives. La division de la gauche, ses querelles, et la prééminence de stratégies « autocentrées » ont en revanche gravement entamé notre crédibilité et notre capacité à incarner une alternative sérieuse et porteuse d’espoir. Dernier exemple en date, le temps mis à s’accorder pour désigner notre candidate à Matignon a contribué à donner de l’eau au moulin d’Emmanuel Macron, dans son refus de laisser la coalition arrivée en tête des élections législatives gouverner, et à enrayer la dynamique qui aurait pu porter le NFP.
Éthique de la responsabilité
Que faire, maintenant, dans la séquence qui s’ouvre ? D’abord, faire preuve de responsabilité. Nous vivons une période historique, aussi anxiogène que porteuse d'espoir. Pour la première fois depuis 80 ans, l’extrême droite a eu et conserve une chance sérieuse d’accéder au pouvoir. Pour la première fois depuis des décennies, la gauche peut gagner, et sur une ligne de transformation. Pour autant qu'elle s'en donne les moyens. Plus que jamais, la gauche doit donc faire preuve de responsabilité et se montrer à la hauteur des enjeux dans cette période inédite.
Faire preuve de responsabilité, c’est d’abord être capable de régler autrement que par l’affrontement les incessantes querelles stratégiques et de leadership qui nécrosent la gauche. C’est surtout préserver notre unité pour préparer les prochaines batailles et protéger notre crédibilité.
Mener la bataille idéologique
Faire preuve de responsabilité, c’est aussi se consacrer pleinement, dans les médias et sur le terrain, à la bataille idéologique et culturelle indispensable pour préparer les futures échéances électorales. En effet, si l’unité de la gauche est indispensable pour espérer l’emporter, les élections législatives de 2022, et dans une moindre mesure celles de 2024, ont démontré qu’elle n’était pas suffisante.
La gauche a perdu ces dernières années la bataille idéologique et culturelle face à la droite et surtout l’extrême droite, en grande partie parce qu’elle ne l’a pas assez menée, ou qu’elle l’a mal fait. Or, les victoires idéologiques précèdent souvent les victoires électorales. Nous devons donc consacrer une part importante de notre énergie et de notre temps de parole médiatique à cette bataille idéologique. Dans ce cadre, il est impératif de prendre davantage en considération dans nos discours les attentes et les besoins des classes populaires et moyennes, comme des citoyen(ne)s des petites/moyennes villes et des territoires ruraux.
Structurer le NFP
Sur le plan organisationnel, l’une des urgences est de structurer le NFP, pour ne pas reproduire la même erreur qu’avec la NUPES. Pour préserver notre unité et installer des habitudes de travail, nous devons créer des cadres de discussion et de décision au niveau national rassemblant l'ensemble des forces composant le NFP, ainsi que les représentants des groupes parlementaires.
De même, la question d’une adhésion directe au NFP, et de la création d’assemblées locales du NFP dans les villes et les circonscriptions, permettant de rassembler tous les acteurs engagés se reconnaissant dans son programme, est cruciale. Surtout, il faut renforcer au sein du NFP la place et le rôle de la société civile. Une alliance constituée uniquement de partis politiques ne suffira pas, à l'heure où ceux-ci ont largement perdu leur capacité à faire infuser leurs idées au sein de la société.
Seule une coalition rassemblant toutes les forces et personnalités politiques, syndicales, associatives, engagées, permettra de constituer une tête de pont suffisamment solide pour remporter les batailles futures. De même, le dépassement des partis par la société civile permettrait de reléguer au second plan certaines querelles de leadership.
Préparer les prochaines batailles
Les prochaines batailles – notamment les élections municipales – seront primordiales, à la fois pour permettre l'élection d’un maximum d’élus locaux de gauche, mais aussi pour démontrer au niveau national que le NFP constitue bel et bien une alliance solide, capable de rester soudée dans la durée, d'incarner une alternative crédible à la macronie et au RN. Accordons-nous ainsi sur des listes unitaires du NFP dans toutes les communes, afin de porter et décliner localement le nouveau modèle de société que nous prônons.
Enfin, la création d’une nouvelle force, rassemblant sur une ligne de transformation diverses organisations et personnalités souhaitant œuvrer à jouer un rôle de trait d’union entre les différentes sensibilités de la gauche, sans être otages de certaines de leurs querelles, se posera nécessairement.
Cet article de Romain Jehanin, porte-parole de Génération.s, a été publié dans le n°317 (septembre 24) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).