GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Eau, énergie, transports, défendons nos biens communs

Exemplaire dans le plus mauvais sens, la privatisation du gaz et de l’électricité en France, débutée en 2008 par un Sarkozy en plein délire néo-libéral, avec la complicité active de gens qui y avaient des intérêts financier et politique, continue d’avoir des effets catastrophiques dans notre pays.

En 2008, GDF et Suez fusionnaient, la maison-mère GDF devenant Engie. Une filiale, Suez Environnement (rebaptisée Suez en 2015), poursuivait ses activités dans les secteurs de l’eau et des déchets. Depuis cette date, les choses ont empiré au grand dam des usagers de ces services. Il fut un temps, pas si lointain, où l’on vantait la gestion de l’énergie, gaz, électricité, telle qu’elle s’opérait en France, en la comparant à ce qui se passait par exemple aux États-Unis où une gestion capitalistique faisait passer l’intérêt général bien après les intérêts particuliers.

Vers une OPA inamicale ?

C’est la Commission européenne qui imposa, dès 2004, l’ouverture à la concurrence avec cette illusion – ou ce mensonge – qu’elle réduirait le prix à la consommation de ces énergies. On s’aperçut vite du contraire. En une dizaine d’année, le prix du gaz augmentait de plus de 60 % et celui de l’électricité de plus de 20 %.

L’actuelle tentative de fusion entre Veolia (ancienne Compagnie générale des eaux, 180 000 salariés) et Suez (90 000 salariés) s’inscrit dans la remise en cause des services publics de l’énergie tels qu’ils avaient été voulus par le Conseil national de la Résistance. Poussée par un appétit sans bornes, et contre toute logique industrielle, Veolia entend avaler Suez, d’abord en rachetant les parts détenues par Engie, puis en lançant une offre publique d’achat inamicale sur l’ensemble restant des actions Suez.

Rappelons qu’Engie, détenu à 23,6 % par l’État, détient lui-même 32 % de Suez. C’est dire que le gouvernement Macron n’est pas, dans cette affaire, tout à fait innocent, pas du tout même. Il choisit de ne rien faire, et même avalise l’opération sans avoir l’air d’y toucher, encourageant la casse de nos industries et de nos services, en les laissant à court terme à la merci de fonds d’investissement privés. Pour l’heure, et suite à un référé déposé fin septembre par le Comité social et économique (CSE) de Veolia, l’opération a été suspendue par la justice.

Opacité voulue

Il va sans dire que ces jeux capitalistiques, s’ils se concrétisent, ne manqueront pas d’être désastreux sur le plan social, accroissant la précarité des salariés de ces entreprises comme celle de leurs « clients ».

Tout cela paraît compliqué ? Ça l’est ! Nous sommes bien loin d’un pôle public de l’énergie, loin de l’époque où GDF s’occupait du gaz et EDF de l’électricité. Et ce alors que l’eau, l’assainissement comme les déchets pourraient directement être gérés par les collectivités locales, et non par des intermédiaires qui coûtent si cher à l’ensemble de la collectivité. Oui, tout cela est bien compliqué et finalement fort opaque en l’absence de tout contrôle des usagers de ces services pourtant essentiels. Cette opacité est voulue ; elle autorise et permet l’absence de la maîtrise publique.

L’enjeu est capital, il faut tout faire pour que la population s’y retrouve au travers de processus de gestion plus démocratiques et finalement moins coûteux. La fusion annoncée de Veolia et Suez, si elle parvenait à son terme, concernerait 50 % du marché de l’eau potable et 44 % de l’assainissement collectif.

Pas touche à nos communs !

Les opérateurs publics quant à eux – c’est-à-dire les communes et leurs établissements publics – gèrent encore aujourd’hui, par le biais de régies publiques, 35 % de l’eau et 46 % de l’assainissement. Parmi elles, des municipalités importantes comme Rennes, Nice, Brest ou encore Paris, qui gèrent directement leur réseau d’eau, de la production à la distribution.

On pourrait ajouter les transports publics que beaucoup d’autorités organisatrices, de la commune au département, gagneraient à gérer directement. En 2017, 84 % des réseaux étaient concédés à des entreprises et 16 % seulement étaient en régie directe. Il convient d’encourager toutes les collectivités à reprendre la main sur la gestion de leurs transports collectifs. De 2000 à 2012, une vingtaine d’agglomérations, parfois très importantes comme Nice, Toulouse, ou encore des départements tels que la Saône-et-Loire ou l’Ille-et-Vilaine ont fait le pas d’une gestion directe de leur réseau de transport (urbain ou interurbain). Il faut aller dans ce sens, y compris dans les collectivités de moyenne importance.

Les outils juridiques existent, pour ne pas laisser le privé, et en définitive des milieux financiers nocifs, s’occuper de ces bien communs, particulièrement dans un tournant de l’histoire humaine si crucial en matière environnementale. La balle est donc dans le camp des élus locaux (et de l’État qui devrait les y aider), en tout cas dans le camp de ceux qui jusqu’ici abandonnent leur responsabilité au profit d’entreprises qui font la part belle à des actionnaires avides de gains toujours plus grands. Il ne manque que la volonté politique et le courage, qui puissent conduire le plus rapidement possible à des actes de remunicipalisation ou de réappropriation de ces services.

Cet article de notre camarade Jean-Marc Gardère a été publié dans le numéro de janvier 2021 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

 

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