GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme

Droit à l'avortement : solidarité avec les polonaises !

Mercredi 27 janvier, le gouvernement polonais du parti ultraconservateur Droit et Justice (PiS) a officiellement publié la décision prise par le Tribunal constitutionnel en octobre dernier, qui interdit l’avortement pour cause de malformation fœtale. C’était l’une des seules trois raisons légales pour avoir accès à l’IVG, qui ne reste donc autorisé qu’en cas de viol ou danger de mort pour la femme.

Le 22 octobre dernier, contournant la voie parlementaire, le gouvernement avait obtenu de la plus haute instance judiciaire cette interdiction quasi totale de l’avortement, le Tribunal déclarant la législation autorisant l’IVG en cas de malformation grave comme « incompatible avec la Constitution ».  Les  mobilisations avaient alors déferlé dans tout le pays amenant le gouvernement à geler la publication de la décision. Mais c’est sans modification qu’il vient finalement de la publier  fin janvier.

Un combat pour le droit des femmes

La situation en Pologne n’en sera que plus  dramatique. Autorisée jusqu’en 1993, la possibilité de recours à l’IVG a été restreinte, à cette date, aux trois cas cités précédemment. Selon les données officielles, la Pologne, un pays de 38 millions d’habitants, n’a enregistré en 2019 qu’environ 1 100 cas d’IVG, dont l’écrasante majorité était autorisée à cause de la malformation irréversible du fœtus.

Selon des associations, le nombre d’IVG pratiquées clandestinement en Pologne ou dans des cliniques étrangères atteindrait près de 200 000 par an, avec tous les risques qu’ils comportent pour la santé et la vie des femmes.

Au lendemain de cette « promulgation » le mouvement féministe conteste la légitimité même de cette décision. « Nous ne parlons donc pas ici d’une loi, mais seulement d’une annonce qu’ils prétendent présenter comme une loi. Bien sûr, elle a été publiée officiellement par l’État, mais cela ne signifie pas que la loi a changé », déclare Marta Lempart, l’une de des initiatrices de la « grève des femmes ».

Un combat pour le respect de l’État de droit

Elle poursuit : « Ce qui se passe en Pologne n’est pas seulement une question de droits de l’homme et de droits des femmes. Il s’agit de l’État de droit et d’une question d’indépendance judiciaire. Et voici la question : pourquoi voulons-nous l’indépendance du pouvoir judiciaire ? Car lorsqu’il n’y en a pas, toutes les questions de libertés civiles et de droits de l’homme peuvent facilement être balayées et éliminées en une minute. »

En effet, depuis fin 2015, le gouvernement polonais a engagé une réforme de l’appareil judiciaire organisant la main mise du pouvoir politique sur tous ses échelons. Le Tribunal constitutionnel a pu ainsi être remanié récemment par le pouvoir en place qui en a changé plus de deux tiers des membres.

Rappelons qu’en 2017 la Commission européenne a condamné ces réformes et décidé  d’activer l’article 7 du traité de l’Union européenne à l’encontre de la Pologne afin de constater « un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs de l’UE », les lois prises « bafouant l’indépendance de son pouvoir judiciaire » et « mettant en danger la séparation des pouvoirs ». Malheureusement – et une fois de plus –, malgré les prises de position de la Commission européenne et du  Parlement, les arrêts de  la Cour de justice de l’Union européenne, le Conseil n’a pas (encore ?) arrêté de position.

Le compteur d’apostasie s’affole ! 

Seule consolation dans cette situation, selon l’institut de sondage polonais CBOS, depuis l’arrivée du PiS au pouvoir en 2015, le taux d’opinions positives vis-à-vis de l’Église dans la société polonaise est tombé de 62 à 41 %.

Selon l’hebdomadaire français La Croix, « Le “compteur d’apostasie“, lancé sur le Web début décembre en Pologne ne cesse de tourner, recensant le nombre de personnes ayant choisi de renoncer publiquement à la religion catholique. [...] Si certains cas remontent au début des années 2000, la plupart datent de 2020, voire 2021. Cette année, des scandales pédophiles à répétition, largement relayés par les médias, et surtout la réaction enthousiaste de l’épiscopat à l’annonce de la quasi-interdiction de l’IVG ».

Je serais prête à prier pour que le compteur continue à tourner et que se desserre le poids de l’Église catholique dans la société polonaise !

Cet article de notre camarade Claude Touchefeu est à retrouver dans le numéro 282 (février 2021) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS). 

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