GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Bonne année 2010 à tous…

Bonne année 2010 à tous… (…) pardon, lapsus, 2016, mais le temps passe vite il faut dire chez nous autres socialistes, bonne année 2016 donc.

Il y a 5 ans à peine, en 2010, on combattait tous ici la proposition de Sarkozy d’introduire la déchéance de la nationalité, je tiens les nombreuses citations à disposition.

Et aussi : en décembre 2010, on célébrait le 100e anniversaire de la naissance du Code du travail, 1910-2010, on condamnait la droite qui l’avait « recodifié » et on appelait à le renforcer.

Voilà en 2016 qu’on dit et fait le contraire.

Qu’est ce qui nous a amenés à changer ainsi en 5 ans ? Pas le réel, comme dit Alain. Rien dans le réel ne nous pousse à ça ! Au contraire ! Ce qui nous pousse à ça, ce n’est pas la réalité ni le réalisme, ce sont de mauvais choix politiques et de mauvaises décisions qui nous font rompre avec la gauche et menacent l’existence de notre parti. Au point de perdre toutes les élections dans une France qui nous avait donné tous les pouvoirs, il y a seulement 3 ans.

Il faut se souvenir qu’on y allait fortement, carrément, dans un cas comme dans l’autre, en 2010, car il n’est pas vrai « qu’on était plus mous dans l’opposition qu’aujourd’hui », comme vient de le suggérer Daniel.

Non : à l’époque, Manuel Valls, comme tous nos dirigeants, François Hollande inclus, dénonçait vigoureusement avec des mots vifs « la déchéance de la nationalité » comme ne servant à rien, en aucun cas à éviter d’autres meurtres, disant que « c’était nauséabond et absurde », toutes les vidéos l’attestent.

Oui, Henri, à l’époque, on ne nuançait pas, on criait fort parce que c’était pour nous une question de principe, de PRINCIPE.

Et en effet, ce n’était pas une question d’opportunité, mais de fond.

Rien dans la vie réelle, depuis, ne nous a donné une sérieuse raison de changer sur ces principes : ce n’est pas le réel qui nous entraine, c’est l’irréel et un irréalisme commandé par… le pouvoir personnel.

Ce pouvoir personnel que nous n’avons jamais voulu, moi, comme toi Daniel, tu le rappelais pour toi, je l’ai combattu depuis 1962, ce fut même un de mes premiers balbutiements politiques, je sais qu’il s’impose, mais on n’est pas obligés de suivre toutes ses erreurs, d’aller dans le mur avec lui.

Les attentats du 13 novembre n’imposent en rien la « déchéance de la nationalité ». À quoi ça sert de menacer un terroriste de « déchéance de la nationalité française », il s’en fout, être Français ou pas, ce n’est pas une menace, ce n’est pas une crainte, ni une sanction, c’est un trophée, c’est une gloire pour lui.

Comment ça, tu dis que ce n’est pas pour dissuader les terroristes ?

Alors, ça a encore moins de sens.

C’est pour l’exemple ? Alors « on » ne cherche pas l’efficacité, c’est donc autre chose qui est en jeu. D’ailleurs tu as dit, Henri, qu’il y avait 14 cas de déchéance de nationalité (puisque c’est déjà permis par la loi actuelle) depuis 2004, moi j’avais le chiffre de 22 depuis 1989, peu importe, personne ne l’a su, ça n’a donc dissuadé personne. Ça ne sert à rien.

Alors, tu dis que c’est pour le symbole… envers les autres ; c’est un aveu.

Ne me dites pas que c’est pour plaire à l’opinion. Si l’opinion pensait ça, il ne faudrait pas la suivre. Mais elle ne le pense pas. D’ailleurs, les sondages, que valent-ils ? 96 % « pour » le premier, 86 % le second, 80 % le troisième, mais ce sont des sondages de réveillon ! Attendez que le débat passe en profondeur, et vous verrez que cette histoire de déchéance est minoritaire (ce sera comme le TCE de 2005, je n’encourage surtout pas à faire un référendum, d’ailleurs j’ai cru comprendre que cette prudence était partagée, en haut lieu, et ça indique bien le doute).

Rappelez-vous la réalité de l’opinion, le 11 janvier il y a un an ; il y avait 4 millions de personnes dans la rue, et pas un seul cri raciste, pas un seul slogan pour la peine de mort, pas une seule banderole anti-musulmane, pas une seule banderole pour « l’unité nationale », et c’est pareil depuis le 13 novembre ! Notre peuple est grand : pas la peine de lui prêter de noirs desseins, de nourrir des craintes.

Le symbole, le 11 janvier, ça a été « je suis Charlie » et des crayons.

Le symbole après le 14 novembre, ça a été « je suis Paris », puis « je suis en terrasse », et des fleurs, des bougies, de la fraternité.

Notre peuple veut vivre, pas faire des pogroms. Le 13 novembre, c’est l’humanité qui a été touchée, pas le nationalisme, c’est l’humain, des humains de 21 nationalités d’ailleurs, qui ont été menacés et assassinés, pas seulement des nationalistes à « conforter ». C’est même une erreur de dramatiser là-dessus, ça crée, alimente, un mal qui n’existe justement pas spontanément.

Ce n’est donc pas l’efficacité anti-terroriste qui commande ça, ce débat lunaire, c’est une manœuvre politique, c’est une contrepartie donnée à la droite pour qu’elle applaudisse au Congrès de Versailles, c’est une manœuvre pour empiéter sur la droite, marcher sur ses plates-bandes, et ça, ce n’est pas contre le terrorisme, c’est pour 2017.

C’est un plan politique pour « trianguler » à l’occasion des attentats, comme vous dites, pour essayer de doubler LR et FN sur leur terrain, au nom de la « nation », mais ça ne marchera pas, les électeurs préféreront l’original, la droite à la copie qu’on tente d’en faire ; ce n’est pas ainsi que François Hollande passera deuxième à la présidentielle, il sera troisième et perdra. On perd toujours quand on va contre ses principes. Pour gagner, il faut défendre ses principes, pas ceux des autres.

Alors ce serait cohérent, vient-on de nous dire, avec « l’unité nationale» sur le terrain de la droite, comme en parle Christophe, mais si c’est ça (ou un autre front républicain), c’est encore pire, c’est un non-sens, une impasse, c’est perdant ; on ne peut pas gagner en remplaçant le social par des mots creux sur les valeurs de la République, la main dans la main avec LR, en croyant qu’on va leur piquer leur électorat. On perdra celui de gauche, on ne gagnera pas ainsi celui de droite. Pareil pour la casse du Code du travail : tout le monde sait que ça ne sert à rien, ça ne fera pas un emploi, au contraire ça les détruira ; c’est pour plaire au Medef en espérant qu’il nous en récompense, ce qu’il se garde bien de faire depuis qu’on lui fait des cadeaux de ce genre. Pour faire de l’emploi, il faut contrôler les licenciements, pas les faciliter.

Parce que c’est ça que certains préconisent : personne ici n’est chaud, ça s’entend, pour cette déchéance de la nationalité, personne !

Tout le monde est hostile, et cherche une issue, mais, nous dit-on, sans « affaiblir » le président ; il faudrait le « conforter ». En bricolant des « indignités » ou des « déchéances républicaines » ou autres. Mais c’est à celui qui nous a placés dans cette nasse d’en sortir ; il ne nous a pas consultés car s’il l’avait fait, on l’en aurait dissuadé ! En matière de déchéance de la nationalité comme en matière de Code du travail.

Qu’il trouve les mots pour s’en sortir, il le faudra bien, car il n’y aura jamais 3/5° des voix au congrès, la droite ne marchera pas dans la combine, ça échouera, ça va sombrer dans une impasse (comme en 2004).

Le plus sûr pour gagner en 2017 puisque telle est la question derrière, c’est défendre nos principes, ce n’est pas de les brader. Pour choisir et conforter un candidat, il vaut mieux, il faut des primaires, une plateforme et des vrais choix de gauche ; c’est plus sûr que de «conforter » un candidat en instaurant une « déchéance de la nationalité» et en cassant le Code du travail ». Car alors, ce candidat serait battu d’avance.

Impossible de « conforter » le président en cassant nos principes par prétendu réalisme. Et si vous voulez des propositions contre le terrorisme, une vraie issue, je vous le dis, ce n’est pas un problème de Constitution, ni de nouvelle loi d’exception, d’urgence, ni de Patriot Act, ni de « symbole », mais de moyens, de beaucoup de moyens : il faut embaucher des milliers d’enquêteurs, de policiers, de juges, des fonctionnaires, et surtout des éducateurs, des enseignants, développer la culture, lutter contre le chômage des jeunes en banlieue, et leur donner à tous les moyens d’agir, il faut une société humaine, sociale, une République fraternelle, sans inégalités criantes. On me dit que les policiers ont déjà deux millions d’heures supplémentaires impayées, il faut régler ça, c’est dans cette voie qu’il faut aller et pas dans la course aux symboles, en compétition avec LR et le FN.

Et qu’est-ce que vous allez faire ensuite avec votre raisonnement ? On va voter le 18 janvier en BN sur la déchéance ou une solution technique de remplacement, mais le 18 on aura aussi le rapport Combrexelle sur la casse du Code du travail.

Et là ça va recommencer et ce sera encore plus massif et lourd, car il ne s’agira plus de menacer de sanctionner des terroristes, mais de faire reculer les droits de 18 millions de salariés.

Non seulement j’ai lu ce matin dans Les Échos qu’il s’agissait de ne plus majorer les heures supplémentaires, et donc de casser les 35 h, de travailler beaucoup plus en gagnant beaucoup moins. Mais j’ai lu aussi qu’il s’agissait de remettre en cause la durée maximale du travail, la semaine de 48 h maxima, confortée par la directive 93-104, dans l’UE (excepté l’article 18 qui permettait l’opt-out en Grande-Bretagne). Il serait prévu qu’il n’y ait plus de demande de dérogation préalable auprès de l’inspection du travail pour faire travailler les salariés plus de 48 h hebdo, ce serait les digues ouvertes, et on revient au XIX° siècle ; évidemment ça nuira autant à la santé, qu’à l’emploi.

Et qu’est-ce que vous allez dire, si le pouvoir personnel et son Premier ministre vont dans ce sens ? …

Qu’il ne faut pas s’opposer pour ne pas les affaiblir, pour les «conforter » ? Mais en acceptant cela, vous irez contre tout ce qu’a défendu notre parti en 2010, comme je le rappelais. Je me souviens, je tiens à votre disposition le communiqué du BN à cette époque, pour dénoncer la « recodification », la loi TEPA sur les heures supplémentaires, pour renforcer le code et les contrôles et les sanctions de l’IT. Car en 2010, on s’est tous opposés à la recodification du Code du travail : pourtant Combrexelle l’avait déjà passé à l’acide, « simplifié », réduit de 10 %, enlevé 1,5 millions de signes, supprimé 500 lois, et il avait crié victoire affirmant que le code simplifié, lisible allait créer de l’emploi. C’était en 2008 et bien sûr ça n’a pas marché.

Et ça recommence : cette fois, c’est le gouvernement Hollande Valls qui nomme à nouveau ledit Combrexelle pour agir encore plus brutalement contre tous nos principes, contre toute notre histoire. François Hollande a annoncé qu’il fallait « adapter le Code du travail aux entreprises » alors que depuis 1910, au contraire, on adaptait les entreprises au droit du travail !

Qu’est-ce que vous allez faire, encore emboiter le pas ? Laisser faire pour ne pas nuire à 2017 ? Pour conforter le président et ne pas l’affaiblir ? Mais c’est une logique folle, c’est ça qui tuera 2017 !

Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas fait signe aux Français – à nos électeurs – depuis le 5° désastre électoral des 6 et 14 décembre ? Il y a là une forme de mépris, d’ignorance, de refus de prendre en compte la situation. Or, quand même, aux régionales, c’est plus qu’une déroute : 388 élus conseillers régionaux du FN et seulement 355 du PS.

Est-ce que les réponses, c’est de rejeter encore plus ce que nous disions en 2010, et en 2016, d’aller encore plus à droite en instaurant une «déchéance de nationalité » et en cassant le Code du travail ?

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