Bob Dylan à Paris
Au début du mois d’avril, le chanteur et
poète américain Bob Dylan était à Paris
pour deux concerts au Palais des Congrès. Le
passage en France de cet artiste mythique
est toujours un évènement, même si on peut
regretter le prix très élevé des places.
Les deux shows de Dylan ont néanmoins été
à la hauteur de sa réputation : magnétiques
et de haut vol ! Accompagné de cinq
musiciens au top, Bob Dylan s’est surpassé
pour montrer au public parisien toute
l’étendue de sa palette musicale : blues, rock,
jazz, bluegrass… Oscillant du piano à la
guitare (bien que trop brièvement à notre
goût…) en passant par son légendaire
harmonica, le chanteur a prouvé que son
génie et son sens musical restaient intacts.
Changeant de répertoire chaque soir,
retravaillant ses titres qui datent parfois du
début des années 60, Dylan refuse de se
soumettre au modèle des grands shows
commerciaux, conformistes et standardisés
auxquels trop de célébrités sur le retour nous
ont habitués. Peu communicatif sur scène
(certains le regrettent d’ailleurs…), Dylan s’en
tient à sa musique et à ses textes et il refuse
de se couler dans le moule facile du chanteursympa-
proche-de-son-public.
Dylan, c’est aussi et surtout le visage d’une
autre Amérique : celle de la lutte contre le
racisme d’État, pour les droits civiques et
l’égalité ; celle qui s’est levée contre la guerre
du Vietnam hier, d’Irak aujourd’hui et qui se
lèvera demain contre toute nouvelle aventure
impérialiste… Une guerre, même décidée par
le progressiste Obama, resterait une guerre
de domination et n’en serait pas plus
légitime pour autant ! Comment ne pas
songer aux paroles du titre Masters of War
où Dylan s’adresse aux marchands de
canons quels qu’ils soient pour les fustiger
en ces termes très durs : « Je souhaite votre
mort et qu’elle arrive bientôt. Je suivrai votre
cercueil et je resterai sur votre tombe jusqu’à
ce que je sois sûr que vous soyez bien
morts » ! De même, dans Chimes of freedom
(les Carillons de la liberté), il souhaite parler
« pour les réfugiés sur la route désarmée de
l’exode, pour les rebelles, les malchanceux,
les laissés-pour-compte… ». Impossible de ne
pas être touché par la verve du poète, par sa
sincérité et par sa quête d’un autre monde
débarrassé de la violence des puissants.
Chapeau l’artiste !
Julien Guérin