GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

A l'assaut du Code du Travail... et de l'Inspection du travail !

« Simplification » du droit du travail, « modernisation » et « recodification » du code du travail, « réforme » de l'inspection du travail, voilà le dernier des travaux d'Hercule du quinquennat Chirac-Raffarin-Sarkozy-Villepin. Apres les retraites, la Sécu, les 35 h, il leur reste cela à détruire. Ils sont à l'œuvre.

Après l'allègement des procédures relatives aux licenciements, l'assouplissement des règles sur la durée du travail, (maintien des heures à 10 % entre 35 et 39 h, contingent annuel porté à 220 h, rachat à taux zéro des compte-épargne-temps, possibilité de forfait-jour pour tous les salariés, décompte des temps de trajet non payés vers les chantiers) après la loi Fillon du 4 mai 2004 qui inversait la hiérarchie des sources de droit, brisait les accords majoritaires, permettait les dérogations par le bas à l'ordre public social, le gouvernement ré-écrit entièrement le Code du travail pour la plus grande joie du Medef.

De multiples mesures ont été adoptées depuis 2002 remettant en cause l'ordre public social :

  • suppression du « registre de l'inspection du travail »
  • nouvelles normes comptables Ifrs, au plus proche des établissements, au plus loin des « groupes »
  • élection des délégués du personnel (Dp), des délégations du personnel unique (Dup) et des Comités d'entreprise (Ce) tous les quatre ans.
  • “Contrat nouvelles embauches” période d'essai de 2 ans au cours de laquelle le salarié peut être licencié sans procédure et sans motif.
  • Exclusion du décompte des effectifs des jeunes de moins de 26 ans (le Conseil d'Etat vient de la suspendre).
  • Possibilité de faire travailler les jeunes de moins de 18 ans le dimanche, les jours fériés et la nuit.
  • Elargissement du chèque-emploi aux entreprises jusqu'à 5 salariés exonérées de la rédaction du contrat de travail et du bulletin de salaire.
  • Création du « travail à temps partagé » qui autorise le prêt de main-d'œuvre à but lucratif.
  • Repos hebdomadaire par roulement accordé à de nouvelles activités et établissements pouvant désormais faire travailler leurs salariés le dimanche.
  • On est loin de la gauche et des 35 h : avec Chirac se sont les 45 h sans gain de salaires... Tout cela conduit non pas à « la liberté de travailler plus pour gagner plus » mais à « l'obligation de travailler plus en gagnant moins »...

    C'est en cohérence avec les dispositions précédentes et pour satisfaire le Medef pour qui le code du travail trop rigide est un frein à l'emploi.

    Le 16 février 2005, Gérard Larcher, Ministre délégué aux relations du travail, a installé une commission chargée de rédiger un nouveau code du travail dont l'entrée en vigueur est prévue pour le mois de juin 2006.

    Les 3851 articles du Code du travail et les 9 livres qui le constituent seront «remplacés » par 38 « chapitres » prétendument à « droit constant », en fait à « droits dégradés » : cela sera adopté par ordonnances en mai 2006. C'est la plus violente des offensives contre le droit des salariés jamais faite depuis un siècle...

    Une autre commission travaille à déréglementer le code des transports et le code rural alors que ces deux branches déjà fortement déréglementées,

    Quelques exemples décortiquées par la Cgt de l'inspection du travail (Unas Cgt Sete) :

  • 1. Jusqu'ici, il y avait d'une part les dispositions relatives au contrat à durée indéterminée et d'autre part, les dispositions relatives au Cdd et au travail temporaire encore considérés comme des contrats d'exception. Aujourd'hui, on introduit un Titre « Dispositions communes à la formation et à l'exécution de tous les contrats de travail. »
  • C'est la mise en œuvre de la volonté du Gouvernement et du Medef, d'imposer un contrat unique, précaire pour tous à la place du Cdi ; le contrat nouvelles embauches annonce cet objectif !

  • 2. La durée du travail est maintenant traitée dans la même partie que le salaire et l'intéressement et non plus dans le titre sur les conditions de travail. Il s'agit d'une revendication patronale ancienne qui entend traiter la durée du travail sous l'angle du coût du travail et non sous l'angle des conditions de travail.
  • 3. L'actuel Titre intitulé « Conflits collectifs » sera transféré dans la partie relative aux relations collectives du travail et notamment à la négociation collective. Par accord collectif il pourra être introduit des clauses dites de « paix sociale » ou clauses de service minimum alors que jusqu'à présent elles sont considérées comme illégales car le droit de grève est un droit inaliénable, inscrit dans la Constitution, qu'un accord collectif ne saurait supprimer.
  • 4. Une partie nouvelle sera créée intitulée « Dispositions relatives aux travailleurs temporairement détachés en France par une entreprise basée à l'étranger ». Cette partie se composera de 7 chapitres. Jusqu'à présent, les règles applicables aux travailleurs en activité en France sont les mêmes. Avec cette nouveauté, s'agit-il de créer de la place pour la Directive Bolkestein reconfigurée ? Oui.
  • 5. Enfin, si actuellement le Livre VI s'intitule « Contrôle de l'application et de la réglementation du travail », dans le projet, la Partie VII s'intitule « Administration du travail et services de contrôles », et c'est en toute logique que le futur Code du Travail prend en compte la réforme en cours de l'Inspection du Travail.
  • Moins de loi, moins de juge, moins de syndicat, moins d'Irp, moins d'inspection, plus de pouvoir au patronat, telle est la logique d'ensemble.

    En effet, pour qu'aucun rempart contre l'arbitraire n'ait été oublié, un plan de « modernisation de l'Inspection du Travail » est lancé.

    Lancée par l'aile la plus réactionnaire de l'UMP au printemps 2003 dans le cadre d'un projet de loi Madelin, (cf. D&S septembre 2003) les fondements de la réforme de l'Inspection du Travail et ses orientations ont été annoncés en juin 2005 par M. Larcher lors de son discours devant les Inspecteurs élèves du travail...


    Aperçu de quelques mesures :

  • Création d'un Conseil national - déclinée au niveau régional - de la politique du travail composé de représentants des organisations patronales et syndicales.
  • Le nouveau Code mettra donc sur le même plan les patrons et les salariés alors qu'au regard du Code du travail les salariés sont des bénéficiaires et les patrons des assujettis. Pourtant les salariés sont « subordonnés » juridiquement et il faut bien qu'il y ait des contre-parties à cette subordination sous forme d'obligations des employeurs. Le Code du Travail est né pour rétablir un équilibre là où il n'y avait pas un rapport de force égal : cela le Medef n'en veut plus, la ré écriture du Code vise à lui donner raison.

    Les nouvelles instances créées avec le patronat, pour limiter l'indépendance de l'inspection, seront associées aux questions de la “politique travail” et au contrôle.

    Aujourd'hui, chaque agent de contrôle de l'inspection définit son activité en fonction de ce qu'il constate sur le terrain et des demandes multiples et variées des représentants du personnel et des salariés. Aussi, il est clairement reproché à l'inspection du travail d'être trop proche des salariés et de manquer de « neutralité ».

    La mise en place de la “politique travail” vise à diriger l'action de l'inspection afin que celle ci soit en phase avec les priorités patronales et gouvernementales.

    Pour contraindre les agents de l'inspection à appliquer la politique travail, le ministre a réformé la notation et introduit l'individualisation et la variabilité des primes (c'est le système de la carotte et du bâton). Déjà la hiérarchie encourage certains collègues à supprimer leur permanence d'accueil au public.

    Demain, si la réforme était appliquée, qui répondrait à vos préoccupations et demandes ? On vous dira : « désolé, mais au 1er trimestre, on s'occupe de la conformité des presses hydrauliques et au 2e trimestre on doit contrôler les travailleurs étrangers ».

    Ce que veut le Ministre du travail, c'est une inspection qui soit aux ordres et n'entende pas discuter les orientations et injonctions du Ministre alors qu'une convention de l'OI.T. (n° 81) dispose que les agents de l'inspection du travail sont « indépendants de tout changement de gouvernement « et qu'ils ont pour « mission d'alerter les gouvernements en place sur le sort qui est fait aux salariés ». Exit donc l'indépendance de l'inspection du travail qui la garantit, et avec elle les travailleurs, de l'influence des pouvoirs politiques en place.

    L'inspection souffre déjà excessivement du manque de moyens lui permettant d'exercer pleinement sa mission de service public et de l'absence de volonté des gouvernements de faire respecter le code du travail et de cesser de le déréglementer.

    La circulaire Larcher du 29 juillet 2005 incorpore de force l'inspection du travail dans des actions, encore ponctuelles, sous contrôle de la police et/ou de la gendarmerie à des fins explicites de lutte contre l'immigration « irrégulière ». Comme si ce qui est en cause, ce n'était pas la mise en concurrence des peuples et des travailleurs entre eux pour des motifs d'abaissement du coût du travail au profit de grands groupes qui savent parfaitement utiliser tous les espaces de déréglementation ouverts par les gouvernements.

    Le Ministre Larcher veut instituer un «Conseil national de l'Inspection du travail ». Composé principalement de magistrats, ce Conseil traitera des pratiques et de la « déontologie », de l'indépendance des inspecteurs et contrôleurs du travail. Ce sera la sélection idéologique des bonnes et mauvaises pratiques, l'établissement de «normes qualité » des contrôles. C'est ce que veut le Medef et ce sera sous son contrôle puisque Larcher prévoit de nommer des patrons (Mme Pericault de Dassault) à l'Intefp de Lyon (institut de formation des inspecteurs). La présence de représentants syndicaux dans le conseil national de la politique travail ne sera pas une garantie face au bloc Medef - Gouvernement puisque, déjà, proposer aux employeurs de « superviser » l'action des services est une rupture sans précédent.

    L'inspecteur du Travail deviendrait un « manager » chargé de la “politique travail nationale” déclinée régionalement à la suite d'un « diagnostic » et «plan d'action » partagé avec notamment le Medef et de rendre des comptes dans ce domaine.

    Les rapports au Bit, les deux documents que viennent de consacrer les télévisions à l'Inspection du Travail, les réactions des agents après l'assassinat de deux inspecteurs, tout démontre qu'envers et contre tout, s'appuyant sur leur mission, sur les dispositions encore contenues dans le Code du Travail, et malgré la pression du patronat et d'une réglementation systématiquement mise à mal, les agents de l'Inspection continuent de contrôler et veulent continuer en toute indépendance. C'est contre cela que le ministre constitue un tel organisme qui crée un statut d'exception permanent.

    C'est donc sur tous les fronts que le gouvernement mène son offensive contre les garanties collectives. Tous secteurs confondus (ministère du travail, de l'agriculture et des transports), 1400 inspecteurs et contrôleurs du travail ont pour tâche de vérifier l'application du droit du travail dans 1,2 millions d'entreprises salariant 16 millions de travailleurs.

    Les agents de l'inspection du travail se battent mais ne peuvent gagner seuls.

    Le 16 septembre 2004 et le 2 septembre 2005, date anniversaire de l'assassinat de deux inspecteurs en Dordogne par un exploitant agricole, 400 inspecteurs et contrôleurs étaient réunis à la bourse du travail de Paris pour exiger :

  • le retrait de la réforme Larcher annoncée le 1er juillet 2005 à l'INT.
  • l'arrêt de la déréglementation et le retour d'un code du travail protecteur pour tous les salariés quelle que soit la branche d'activité.
  • le maintien de la section d'inspection du travail territoriale, garante de son caractère généraliste et indépendant ;
  • le doublement des sections d'Inspection du Travail avec les effectifs correspondant en IT, CT et agents de secrétariat et d'accueil.
  • Réforme de l'inspection du travail et casse du code du travail sont deux choses imbriquées qui impliquent une bataille commune des salariés.

    Des états généraux en défense du code du travail et de l'inspection se tiendront les 21 et 22 mars prochain à Paris à la Bourse du travail.


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