200 000 salariés chaque année devant les prud'hommes
Sans remplacer l’absence d’organisation syndicale, les prud’hommes
sont le seul rempart contre l’arbitraire et la
délinquance patronale. Ses jugements sont incontestés
dans 80 % des cas, et ont un réel caractère dissuasif. Il suffit
d’entendre Laurence Parisot affirmer qu’ils « insécurisent les
employeurs » pour en comprendre l’importance et les raisons
pour lesquelles patronat et droite veulent les supprimer. Surtout
après que 5 millions de travailleurs aient voté le 3 décembre
2009 et placé en tête la CGT avec 34 % des voix tandis que le
Medef ne recevait qu’un score groupusculaire. Déjà la droite
sarkozyste (Rachida Dati) a supprimé 62 conseils sur 271,
imposant à des dizaines de milliers de salariés des frais supplémentaires
et des pertes de temps pour saisir un conseil éloigné
de leur domicile et déjà surchargé de dossiers.
Aujourd’hui ils persistent à rogner l’efficacité des prud’hommes.
Ils ont pris soin préalablement dans le Code du travail
recodifié entre 2005 et 2008, de remplacer les lois
réglementant les prud’hommes par des décrets, sans passer par
le Parlement.
Un décret a imposé un temps limité aux conseillers pour étudier
et rédiger un jugement alors que le droit du travail a été recodifié
de façon complexe. Bockel et Alliot-Marie veulent remplacer
la « conciliation » qui est gratuite et plus rapide, par une «
procédure participative » préalable qui serait obligatoirement
menée avec des avocats, donc payante. Alors que la procédure
est orale, sans formalisme, et se déroule en présence des partis
elles mêmes, un décret prévoit une procédure écrite, avec des
échanges de conclusions préalables ce qui rendrait obligatoire
l’avocat même pour des petits litiges… Cela dissuaderait un
grand nombre de salariés de recourir à ce tribunal composé
d’employeurs et de salariés syndicalistes, garantie fondamentale
du respect des droits et des libertés au travail.
Il faut, au contraire, élargir les pouvoirs des conseils qui
devraient pouvoir réintégrer un salarié victime d’un licenciement
abusif, jouer un rôle préventif et suspendre les sanctions
contre le salarié jusqu’à jugement définitif. Il faut, au contraire
réduire les délais de procédure, actuellement de 14 mois en premier
jugement. Le « départage » par un juge professionnel de
plus en plus provoqué par les blocages du Medef peut prendre
jusqu’à deux ans alors que la loi prévoit un délai d’un mois !
La rédaction et la notification des jugements sont souvent retardées
par l’insuffisance des moyens mis à disposition des
conseillers et des greffes. 60% des jugements sont déférés à la
cour d’appel (délai supplémentaire pouvant atteindre 15 à 24
mois), le plus souvent par des employeurs pour qui «le temps
travaille » et dont les frais sont pris en charge par l’entreprise.
La Cgt propose une pétition pour entraver les projets de destruction
de ce qui reste une très belle justice.
Darcos a entrepris de casser les prochaines élections prud'hommales de 2013
Par lettre de mission, datée du 28 octobre, le ministre du
travail Darcos poursuit l’un des objectifs du Medef : casser
les élections prud’hommales qui ont lieu tous les cinq
ans. Il mandate pour cela un certain Jacky Richard, conseiller
d’état et lui demande explicitement une « réflexion sur le mode
désignation des juges prud’hommes »
.Pour bien préparer le terrain, Darcos ment en peignant en noir
les actuelles élections. Il souligne que le dernier scrutin du 3
décembre 2008 n’a bénéficié que d’un taux de participation de
25,5 % et il prétend que pourtant tout a été fait pour améliorer
la participation : 1. implantation de bureaux de vote dans les
entreprises, 2. expérimentation du vote électronique à Paris, 3.
simplifications des modalités de vote par correspondance, 4.
campagne de communication significative, 5. dépense globale
de 95 millions d’euros.
Rien de tout cela n’est vrai : la composition des listes est toujours
largement incomplète et les erreurs d’adresses et d’envoi
d’informations sont considérables, les bureaux de vote restent
mal implantés, mal connus et ce ne sont pas les votes électroniques
ou par correspondance qu’il faut faciliter, mais l’information
des électeurs eux-mêmes de leur droit et de leur intérêt
à voter. Qui sait que tout salarié peut voter, même un jeune de
moins de 18 ans ? Les jeunes ne le savent pas, on ne leur dit pas
dans les écoles où ils sont pourtant en alternance. Qui sait qu’un
chômeur peut voter ? On ne les informe pas comme il faudrait
et c’est un gymkhana pour s’inscrire quand on est au Pôle
emploi. Qui sait qu’un immigré peut voter ? En effet, il suffit
qu’il ait un contrat de travail pour aller élire les juges de la république
! Dans ce pays où l’on discute encore du droit de vote des
immigrés aux élections locales, ce n’est pourtant pas rien : mais
aucune information ne leur est faite. Qui sait qu’un salarié peut
quitter son entreprise, aller voter et ne pas perdre de salaire pour
cela ? En tout cas, pas les patrons d’un million de petites entreprises
de moins de dix salariés qui ne facilitent pas le vote, c’est
le moins qu’on puisse dire : lorsqu’un inspecteur du travail fait
sa permanence ce jour-là, il reçoit de nombreux appels du genre
« Allo, mon patron ne veut pas me laisser sortir pour aller voter,
il dit qu’il me retient la demi-journée si je fais cela »
. Enfin lesspots télévisés sont rares, tardifs, indigents, tristes et non explicatifs.
Aucun grand média n’explique aux 17 millions de salariés
concernés ce que sont les prud’hommes, à quoi ils servent
et peuvent leur servir. Il n’y a eu aucun débat télévisé sur aucune
chaîne de service public entre les syndicats de façon à ce
qu’ils présentent leur programme, leurs orientations et candidats.
A la fin, on rencontre des millions de salariés qui ne
SAVENT PAS ce que sont les prud’hommes. C’est donc un
miracle s’il y a eu quand même 4,5 millions de votants !
Ainsi, ils étouffent l’intérêt des électeurs, ce qui hausse le
nombre des abstentions et il ne reste plus, ensuite, comme dans
une République bananière qu’à supprimer l’élection elle-même.
Il suffit aussi de s’appuyer sur quelques syndicats qui perdent
dans ces élections, les seules qui indiquent encore une représentativité
nationale, et le tour est joué.
Ils avaient déjà ainsi supprimé les élections aux Caisses de
sécurité sociale, avant tout simplement d’ôter aux syndicats la
gestion pourtant légitime de ce qui est le salaire mutualisé des
travailleurs ! Une fois qu’ils auront supprimé l’élection des prud’hommes
ce sera plus facile de supprimer l’institution elle-même
: rêve de Medef !
Au lieu de cela, luttons pour que, une fois tous les 5 ans, le jour
de vote soit férié, et que ce soit l’occasion d’une campagne éducative,
participative, massive, sur les syndicats et les droits
sociaux en jeu, un vote groupé pour les prud’hommes, les
caisses de protection sociale, la représentativité nationale des
syndicats !
Gérard Filoche