GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Jeunes

Youpi, voilà la "Fac Academy!"

L’université est en phase de passer un cap. Il faut parler d’un "après Pécresse" tout comme l’on parlera d’un "avant Pécresse" aux allures des Trente Glorieuses. C’est la fin de la massification de l’université et du peu de démocratie qui survivait.

La loi LRU, maintenant en cours d’application, amorce la destruction de "l’université pour tous" pour en faire une "université pour ceux qui peuvent se le permettre". D’une part, il vous faudra les moyens d’étudier, intellectuels mais surtout financiers, et principalement que votre filière soit professionnalisante. Nicolas Sarkozy l’avait dit dans une interview accordée à 20 minutes : "Vous avez le droit de faire littérature ancienne, mais le contribuable n’a pas forcément à payer vos études de littérature ancienne si au bout il y a 1000 étudiants pour deux places". L’objectif n’est plus l’acquisition d’un savoir mais bien d’une compétence monnayable sur le marché du travail. Dès lors deux types d’universités vont se distinguer : celles qui professionnalisent et celles qui ne professionnalisent pas. Le gouvernement actuel s’engage à continuer de financer l’université mais seulement celle du premier type : rentabilité oblige !

A cela ajoutons l’arrivée du PRL (Plan Réussite en Licence), véritable avènement de la déqualification générale des diplômes avec en 1ère année de licence une terminale bis. Ceci n’est pourtant que le premier volet de la loi LRU. Le tout dernier venu n’est autre que l’Opération Campus : nom de code de la mission du commando spécial "Pécresse 007".

Objectif : former l’élite internationale pour la dispatcher dans les multinationales du monde entier et ainsi s’inscrire dans la mondialisation ultralibérale où votre formation sera directement financée par Coca-Cola ou MacDonald, à condition bien sur de s’acquitter des frais d’inscription exorbitants (voir la récente augmentation de 500€ à Paris Dauphine) et d’avoir quelques amis bien placés. Le but est de faire émerger en France 10 pôles universitaires d’envergure internationale. Vous remarquerez au passage que les propositions de Valérie Pécresse ne sont qu’un bis repetita du rapport Attali (ou inversement). Tout cela est mis en scène à la méthode "Star Academy" qu’il conviendrait de renommer en "Fac Academy". Un jury de 8 membres est chargé de sélectionner les projets (10 au final) de transformation des campus dits "archaïques" de l’enseignement supérieur en bêtes de compétitions internationales.

Petite digression sur le jury : il est composé de 8 personnalités dites "indépendantes". On pourrait épiloguer des heures durant sur l’indépendance des personnalités telles qu’Anne-Marie IDRAC ex-présidente de la SNCF, ou Gilles PELISSON directeur général du groupe ACCOR. On pourrait tout aussi bien épiloguer sur leurs connaissances en matière de pédagogie et sur leur attachement aux valeurs de l’enseignement supérieur ! Plus largement, les autres personnalités ont certes plus ou moins un pied dans l’enseignement supérieur, mais aucun ne représente les sciences humaines et sociales. Peut-être par oubli ? Ou par volonté politique d’oublier ? La rentabilité est-elle en cause ? Les sciences "dures" (physique, chimie, pharmaceutique, électronique, etc.) seront donc aux premières loges de la transformation de l’université face aux sciences "molles" (histoire, philosophie, lettres, etc...). L’enjeu est de mettre en place une copie du système universitaire anglo-saxon, très productif et innovant, mais si peu indépendant et très éloigné de la recherche sur les maladies rares par exemple (rentabilité toujours ?).

Revenons-en à "l’Opération Campus". Chaque campus candidat à l’opération devra fournir une note d’intention de 10 pages (il faut souligner que dans la notion de campus, la ministre ne voit pas de limite géographique, c’est-à-dire qu’il peut y avoir un morceau du campus à Lille et un autre à Lyon). C’est sur cette dizaine de pages que le jury va présélectionner les campus. Ridicule quand on pense qu’une dissertation normale d’un étudiant en histoire fait une dizaine de pages… sauf que lui n’a pas 5 milliards d’euros à la clé ! Et oui, cette somme vous dit sûrement quelque chose puisqu’il s’agit du gain de la privatisation d’EDF. On privatise un service public pour aider la privatisation d’un autre. Evidemment la sélection des notes d’intention est déjà faite à l’avance sur des critères bien connus comme le taux de professionnalisation, la renommée déjà existante, l’excellence des chercheurs, etc... Pour faire simple, les universités actuellement les mieux dotées se verront attribuer les financements car elles sont plus attrayantes et que l’apport financier est moindre pour les améliorer davantage.

La cerise sur le gâteau réside dans la démocratie universitaire : selon le rapport Attali et quelques allusions dans le cahier des charges de "l’Opération Campus", les campus d’envergure internationale (sans limite géographique rappelons-le) seront sous gouvernance unique. C'est-à-dire que plusieurs sites universitaires seront sous l’administration d’un seul conseil maintenant réduit à 30 membres au maximum avec une représentation étudiante de 15% et avec la représentation des personnalités extérieures (notamment du monde économique) de 25% nommées par le président du conseil que l’on peut dire dorénavant omnipotent !

Ugo Bernalicis


Le cahier des charges de l’Opération Campus

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