GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Jeunes

«La Gauche la plus bête du monde?»

C'est le titre du livre d'entretien que l'ancien président du Mouvement des Jeunes socialistes Razzy Hammadi vient de publier avec Claude Villers. Dans cet ouvrage R. Hammadi pousse un coup de gueule contre cette gauche qui vient de perdre trois élections présidentielles successives et contre tous ces responsables socialistes qui n'ont que le mot "rénovation" à la bouche après chaque défaite. Cette pseudo rénovation, qui trop souvent rime à leurs yeux avec droitisation et liquidation de l'identité profonde de la gauche, nous entendons nous aussi en dénoncer l'imposture. En ce sens, l'entreprise de démystification entreprise dans ce livre rejoint nombre de nos préoccupations et analyses sur l'avenir du Parti socialiste, de la gauche et du mouvement social.

Comment la gauche, portée par la force des mobilisations sociales de 2003 et 2006 et le discrédit du pouvoir en place, a-t-elle pu laisser échapper au printemps dernier une élection imperdable ? Pourquoi contre bling bling Sarko et sa politique agressive contre les salariés, les jeunes et les classes populaires, la gauche et singulièrement le PS, ne haussent-ils pas davantage le ton ? Nous pensons nous aussi que la gauche ne doit jamais mettre son drapeau dans sa poche. Nous pensons qu'elle doit d'abord être porteuse des intérêts et des aspirations du salariat face à la droite qui elle défendra toujours le capital et les actionnaires !

Si nous partageons bien sûr toute une série de constats établis par R. Hammadi dans le livre nous pensons qu'il faut, sur un certain nombre de questions politiques, aller plus loin et être plus précis pour que l'on retrouve enfin une gauche digne de ce nom.

Nous sommes d'accord pour affirmer que le PS reste, malgré toutes ses limites et faiblesses, l'instrument qu'utilise les électeurs de gauche pour battre la droite... Les récentes élections viennent de le confirmer. Il écrit : "malgré tout , le PS c'est tout ce qu'il nous reste", nous pourrions rajouter c'est ce qu'il reste aux salariés, à la jeunesse et à tous ceux qui veulent se débarrasser au plus vite de la clique à Sarko ! Nous pensons qu'il faut défendre l'héritage d'Epinay, qu'il faut préserver le parti de Jaurès et Mitterrand contre ses liquidateurs qui voudraient le transformer en un parti démocrate à l'américaine et lui faire couper définitivement les ponts avec le mouvement social, son histoire et ses racines populaires. Il faut pour cela défendre la proportionnelle, la représentation des courants comme seule expression de la démocratie militante !

Il a raison de dire que depuis 2002 le PS n'a pas travaillé à un vrai projet de rassemblement de toute la gauche, que la réflexion idéologique a trop reculé laissant ainsi le champ libre à la droite. Il est temps que le PS se remette au travail sérieusement pour offrir une vraie alternative à Sarko-Bush.

Nous aussi nous croyons en la capacité de révolte et pensons que jamais la gauche ne doit être le camp de la résignation et du pessimisme. Le socialisme est une idée neuve, il faut l'affirmer haut et fort. Jamais sa base sociale n'a été aussi large: plus de 90 % de la population active est salariée, plus de 50 % de ceux-ci gagnent moins de 1500 euros par mois. Cette idée il faut la marteler pour que la gauche en soit demain porteuse !

Cela manque dans le livre de R. Hammadi car là est bien l'essentiel. La gauche a besoin d'une boussole et d'un cap.

Sans unité du salariat rien n'est possible. Dans le chapitre intitulé "Qu'est-ce que la gauche?" nous aurions répondu, nous, qu'elle ne doit jamais perdre de vue qu'elle est l'expression organisée politiquement du travail face à la droite qui demeure celle du capital. Le PS doit être offenssif sur ces questions, il faut défendre le CDI, le code du travail et les 35 heures. R. Hammadi le fait en présentant les 35 heures comme un outil d'émancipation et une marche vers la société des loisirs, il a 100 fois raisons mais la RTT c'est aussi un moyen de rééquilibrer la répartition capital-travail. Pour nous il est clair que les 35 heures doivent nécessairement se faire en parallèle à une hausse conséquente des salaires.

Oui la gauche doit être aussi fidèle aux travailleurs et au mouvement social que la droite l'est aux riches et aux amis de Gauthier Sauvagnac! R. Hammadi a raison d'insister à plusieurs reprises sur la fiscalité et la redistribution des richesses. Historiquement la gauche c'est le camp de l'égalité, des "partageux" disaient les réactionnaires du XIXème siécle. La gauche doit en revenir à ses fondamentaux historiques. Il faut une grande révolution fiscale et une réhabilitation de l'impôt progressif et républicain, abattant les niches fiscales, baissant la TVA et tous les impôts indirects. Il faut taxer les profits du CAC 40 pour reprendre au capital les 10 points de richesse qu'il a volé au travail depuis 30 ans. Là est bien sûr la clé de toute politique de gauche. En reprenant ces milliards d'euros qui dorment dans les paradis fiscaux sur les comptes bancaires d'une poignée de spéculateurs oisifs la gauche se donnerait les marges de manœuvre nécessaires pour l'éducation, la santé et tous les services publics. De même sur la question des retraites, R. Hammadi a tort de ne pas défendre la retraite à 60 ans qui est un des acquis les plus précieux de la gauche au pouvoir. Là encore, la question des retraites n'est pas technique mais éminemment politique ! C'est encore une question de redistribution des richesses produites. Le système par répartition avec 37, 5 annuités de cotisation mis en place à la Libération dans une France en ruine peut tout a fait être restauré aujourd'hui. La gauche doit défendre plus que jamais cette idée dans la perspective de la nouvelle bataille des retraites qui s'annonce en cette année 2008.

Nous convergeons cependant totalement sur la nécessité de marcher vers une VIe République parlementaire allant à rebours du bonapartisme des institutions de 1958 et du présidentialisme qui sclérose la vie politique en la réduisant à un débat de personnes et non d'orientation. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que le changement de République, aussi nécessaire soit-il, n'est pas suffisant en soit. Cette dimension institutionnelle ne mobilisera le peuple de gauche, les jeunes et les salariés que si notre VI éme République est aussi sociale et laïque. A l'heure où libéralisme et repli communautaire avancent de pair et où chanoine Sarko veut remettre en cause la loi de 1905, la gauche doit défendre bec et ongles la laïcité. La droite voudrait réduire les Hommes à leur origine, leur religion, pour les isoler et ainsi faire oublier leurs convergences d'intérêts sur les plans social et économique.

Enfin nous partageons aussi les craintes exprimées sur la dérive libérale de l'Europe et sa nécessaire réorientation. Oui l'Europe doit aussi être celle des 35 heures, d'un SMIC européen, des services publics et pas seulement celle des banquiers, financiers et autres capitalistes.

Cependant nous regrettons de ne pas avoir avoir trouvé le courant dont est membre Razzy Hammadi (même si celui-ci s'était prononcé en interne du PS pour le non) dans cette maginifique campagne conduite pour faire vivre avec le non de gauche un authentique non socialiste lors du printemps 2005. Cette victoire du 29 mai a montré que le peuple ne voulait pas du libéralisme malgré les renoncements d'une partie de la gauche et le matraquage des médias dominants. Ce moment de politisation intense et de remise en cause des choix libéraux fait depuis 1983, la gauche ne s'est pas suffisamment appuyée dessus ensuite. Là encore, R. Hammadi ne dit pas assez clairement qu'il est temps pour les socialistes de refermer cette parenthèse ouverte en 1983... Là est pour nous une des conditions premières de la refondation d'une gauche qui soit enfin efficace contre la droite dans les urnes et les luttes sociales.

Malgré les réserves exprimées ici, le livre de Razzy Hammadi va dans le bon sens : celui de la défense d'une gauche décomplexée qui ne fait aucune concession à la droite et au libéralisme. De même il tranche dans le vif le débat avec les rénovateurs-liquidateurs qui veulent un PS recentré (à droite) donc impuissant et inefficace. Dans l'optique des débats qui vont occuper les socialistes dans les mois à venir nous souhaitons bien sûr le rassemblement de tous ceux qui veulent un PS ancré à gauche, vivant et démocratique, travaillant à un projet alternatif et capable de défaire Sarkozy et sa politique. Pour parler clairement, tous les socialistes de gauche doivent s'unir pour, au delà de leurs différences, réussir leur congrès, faire du PS un parti d'opposition farouchement opposé au projet politique de la droite et redonner enfin espoir au peuple de gauche dans notre capacité à prendre le pouvoir pour engager les grandes réformes qui répondront aux aspirations du salariat !

Julien Guérin

Document PDF à télécharger
L’article en PDF

Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




La revue papier

Les Vidéos

En voir plus…