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Vote électronique : un déni de démocratie

Le 29 mai 2005, cinquante municipalités avaient déjà abandonnées le vote dans l'urne transparente. Pour voter, il fallait appuyer sur une touche ou un écran tactile. Lors des prochaines élections, le nombre de ces machines aura plus que doublé.

Pourquoi ces machines à voter ?

Parce qu'il y aurait de moins en moins de volontaires pour dépouiller les scrutins. Parce qu'il faudrait payer des heures supplémentaires aux employés municipaux qui assistent au dépouillement : en quatre élections, le prix des machines à voter serait, paraît-il, amorti. Parce que, enfin, cela permettrait de donner aux médias le résultat des 20 heures !

Parce que, aussi, d'autres pays ont installé de telles machines à voter. Certes, mais face aux protestations indignées des citoyens, beaucoup de ces machines se retrouvent maintenant au rebut.

Il reste une dernière raison, évidente : c'est le progrès ! Pourquoi passer des heures à compter des suffrages quand une machine peut le faire quasi instantanément ?

Ces machines ne sont pas fiables

Elles sont à la merci d'un " bug ", d'un dysfonctionnement du programme ou du matériel informatique. A la suite d'un versement sur un compte bancaire, il est possible de vérifier la validité de la transaction initiée par ordinateur. Il n'en va pas de même pour un vote qui est par définition secret et donc invérifiable.

Elles sont à la merci d'un piratage : aux USA, des " pirates " informatiques ont détourné une machine à voter en deux minutes.

Surtout, ces machines ne présentent aucune garantie contre la fraude

Comment, répond-on à ceux qui redoutent que ces machines puisse un jour permettre un vote frauduleux : vous nous accusez de vouloir frauder ?

Avec ces machines à voter, c'est donc l'électeur qui est mis en accusation alors qu'il demande simplement que le vote se fasse en toute transparence. Pourtant, qui accepterait, dans un bureau de vote ordinaire, que le vote puisse s'effectuer dans une urne en bois dont on refuserait de montrer aux yeux de tous qu'elle est bien entièrement vide de tout bulletin avant le début du vote ? Or, c'est exactement dans cette situation que nous nous trouverons avec les machines à voter : personne ne sera en mesure de dire si le programme qui comptabilise les votes est frauduleux ou non, si l'urne a ou n'a pas de double-fond.

Mais nous est-il répondu : les entreprises privées qui ont fabriqué ces machines ont testé les programmes. Certainement, mais nous n'avons aucune raison de faire confiance à ces entreprises. Et, de toute façon, nous ne saurons pas, au moment du vote, si c'est bien le programme mis au point par le constructeur qui est dans la machine à voter.

Les médias rapportent que les gens qui ont voté grâce à ses machines sont persuadés qu'aucune fraude n'est possible. La preuve, selon eux, serait que quand ils votent pour le candidat x, par exemple, c'est bien le nom de ce candidat qui s'affiche sur l'écran... Certes, mais l'électeur n'a aucune garantie qu'une fois ce nom affiché, son vote n'aille pas imputer le total du candidat y. Ou, pour empêcher que la fraude soit détectée, que cette opération frauduleuse ne s'opère que tous les 5 ou 10 votes en faveur du candidat x. Le programme peut, en effet, donner des instructions de ce type à la machine : " Quant un vote est effectué en faveur du candidat x, afficher le nom de ce candidat sur l'écran puis aller, tous les 5 votes, additionner ce vote à ceux du candidat y ". Ces programmes ne seraient vérifiables que par des experts : ils comptent plus de 25 000 lignes de code source. Et encore n'y aurait-il aucune certitude que ce soit bien le logiciel expertisé qui soit bien dans la machine au moment du vote.

Aujourd'hui, ce ne sont pas des " experts " (qui seraient désignés par qui ?) qui vérifient la démocratie du vote mais l'ensemble des citoyens présents dans le bureau de vote.

Chantal Enguehard, maître de conférence au Laboratoire d'informatique de Nantes Atlantique affirme ("Sciences et Vie" de février 207) : "Il faut imaginer qu'à la place de citoyens, ce soit une entreprise privée qui emporte les bulletins pour en réaliser le dépouillement, sans que quiconque puisse avoir un droit regard". Ce n'est bien sûr pas acceptable.

Certains constructeurs ont même le cynisme de proposer des logiciels de vérification de l'authenticité de leur logiciel de vote. C'est une véritable supercherie. Imaginons qu'une entreprise ait mis en place un programme frauduleux : qui pourrait croire que le logiciel de vérification pourrait répondre affirmativement à la question de savoir si ce programme est effectivement frauduleux ?

Un long et difficile combat

La bataille pour le suffrage universel a été un long et difficile combat : du vote censitaire au suffrage universel, du suffrage " universel " réservé aux hommes au suffrage vraiment universel des hommes et des femmes.

Le vote dans l'isoloir, l'existence de listes d'émargement, le dépouillement sous le regard de tous les citoyens ont, également, été le fruit d'un long combat.

Ne nous laissons pas dépouiller de ces acquis démocratiques fondamentaux. Un processus de vote ne doit entraîner aucune suspicion. Il doit être parfaitement transparent. Autrement, c'est la fin vote démocratique qui est programmée.

Jean Frévent

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