GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Fossoyeurs libéraux

L'Institut Montaigne n'est pas à proprement parler une école de philosophie plaçant le doute et les aspirations sociales au centre de ses préoccupations. N'en déplaise aux admirateurs de Michel de Montaigne, l'institut en question a pour but d'ancrer dans les consciences un modèle qui s'appuie sur des préjugés simplistes et décrit un ultralibéralisme qui est loin d'être humaniste. Se déclarant libre de toute attache partisane, ce Think tank, qui ressemble plus à un tank venu s'attaquer aux acquis sociaux dans une logique mercantile qu'à un laboratoire d'idées, se définit lui-même comme un nouvel acteur politique, bénéficiant d'une caution de neutralité. En réalité, la teneur de ses discours et réflexions s'inspire largement d'une idéologie bien connue, celle de l'UMP. D'ailleurs, l'intention de vote des membres de l'institut, à commencer par Claude Bébéar et Philippe Manière, rédacteur en chef de l'Expansion, n'est qu'un secret de polichinelle.

En août 2006, l'institut... Montaigne, aidé de l'institut ... de sondage IFOP,dirigé par Laurence Parisot, présidente du MEDEF, publie notamment un rapport sur l'un des piliers de notre démocratie, la presse. Ce rapport est intitulé sans modestie “Comment couler (pardon, sauver) la presse”, par ses non moins modestes auteurs, parmi lesquels J.-C Allevena, ancien DG de Lagardère Média, proche de M. Sarkozy, M. Esquirrou, vice-président aux relations extérieures de Thomson, ou encore F.Filloux, directeur de la rédaction de 20 minutes dont le journal, entièrement financé par la publicité n'a de manière évidente pas vocation à faire réfléchir le lecteur sur les grands problèmes du monde, et autres représentants de M6 ou Publicis. Tout ce beau monde étant censé avoir une légitimité à réfléchir et impulser des mesures sur la presse.

Les mesures miraculeuses proposées s'organisent autour de trois grands axes.

Le premier consiste à revoir l'organisation, le savoir-faire des quotidiens. Car le problème principal est bien le mode de fonctionnement de la presse, selon le rapport. La presse souffrirait d'un défaut de capitalisation et il faudrait donc en finir avec les lois anti-concentration de l'après-guerre, qui font du pluralisme et donc de l'indépendance de la presse des valeurs fondamentales. La seule façon de sortir les journaux de la crise qu'ils traversent est de permettre à de grands groupes de posséder plusieurs quotidiens et de les distribuer comme bon leur semble au détriment de petits titres qui bénéficient d'un système de solidarité dans la distribution et à l'impression depuis plus de cinquante ans. Des aides seraient ainsi données aux titres qui construiraient des imprimeries indépendantes ou désireraient imprimer à l'étranger. Les conséquences de cette mesure sont assez prévisibles. On veut faire rentrer la presse dans une logique de marché, ou de grands trusts monopoliseront les principaux supports papier d'information et diffuseront ainsi leur propagande sans réelle contradiction. Propagande qui défendra les intérêts de ces grands groupes, il va sans dire.

Ensuite, le rapport explique qu'il est nécessaire d'instaurer un plan d'urgence de restructuration et de modernisation des titres (comprenez plan de licenciements), en allouant des aides extraordinaires, sur trois ans, du triple de ce qu'elles sont en ce moment, pour les supprimer définitivement à la fin de cette période. Les titres survivants pourront alors se lancer dans le grand bain de la « concurrence libre et non faussée ». Les autres (Libération, l'Humanité, France-Soir ?..) auront entre-temps rejoint le cimetière où reposent déjà Combat, Le Matin de Paris, Le Quotidien de Paris, etc. “L'autopsie” précise que la convention collective des journalistes sera revue nettement à la baisse, notamment sur les droits d'auteurs et les statuts, rien que ça. Et que la présence de la CGT, partenaire obligée du paritarisme qui règle le fonctionnement des relations sociales en Presse depuis des décennies, devra être éradiquée. Notamment en démantelant les bureaux de placement, qui protègent encore un peu les salariés chargées de fabriquer les journaux.

Il ne restera finalement qu'à achever le travail par une mise à l'écart de la déontologie de l'information, placée sous l'autorité de la rentabilité, car il ressort surtout de cet anthologie du pire une mise à l'index de ce qui démarque une presse qui n'est pas encore totalement aliénée par l'impératif financier et bénéficiaire d'aides publiques qui vont en ce sens, d'une presse à la solde de grands groupes qui pervertiraient l'identité même de ce particularisme que nous défendons.

Ce rapport est loin d'être anodin. Car M. Sarkozy, a déjà repris certains des thèmes de l'institut tels que celui de la discrimination positive, accentuant le communautarisme et opposant des gens sur des critères infondés et absurdes. Si l'on considère que certains membres de cet organe sont des proches du président de l'UMP, on peut craindre que ce rapport ne soit mis en pratique dans le cas ou il serait élu. C'est exactement ce dont nous ne voulons pas.

Léopold Césaire

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