Vers une baisse durable du prix du pétrole
Depuis plusieurs mois, les cours du pétrole ne cessent de chuter avec un recul de plus de 30 % en 2015, malgré une année 2014 qui marquait déjà un fort repli.
Cette baisse s'explique à la fois par des facteurs d'offre et de demande. Côté offre, la crise politique entre l'Iran et l'Arabie Saoudite et l'incapacité des pays de l'OPEP à s'entendre pour réduire la production, se traduisent par une offre trop importante par rapport à la demande et ainsi une forte baisse des cours.
Une surproduction durable à l'origine de la baisse des prix
Depuis plus d'un an, l'Arabie Saoudite refuse de réduire sa production alors que la levée de l'embargo sur l'Iran, suite à l'accord sur le nucléaire, s'est accompagnée d'un retour du pays sur les marchés internationaux. Les tensions géopolitiques entre l'Iran et l'Arabie Saoudite vont en s'amplifiant, accentuant la surproduction. Les tensions sont également très fortes au sein de l'OPEP et le 4 décembre, les pays membres ont décidé de supprimer le plafond de production, ce qui a encore accéléré la chute des cours.
Par ailleurs, les États-Unis ont accru de manière sensible leur production intérieure, par l'exploitation des hydrocarbures de schiste, et le Congrès a autorisé il y a quelques jours l'exportation de brut américain.
À ces facteurs structurels et géopolitiques s'ajoute la crise que traverse la Chine, le ralentissement de la croissance s'accompagnant de celui de la demande de matières premières, avec un effet négatif sur les prix.
Face à un tel contexte, les prix du pétrole resteront donc bas pour les mois, et même les années, à venir.
Pourquoi cette baisse ne bénéficie pas à la croissance française ?
Les effets pour les consommateurs sont aujourd'hui bien visibles, avec par exemple le prix du litre de gazole qui est passé fin 2015 sous l'euro symbolique, ou la baisse des prix du fuel domestique. De même, pour les entreprises, cette baisse se traduit par une réduction des coûts des matières premières nécessaires à l'activité. Ainsi, selon l'OCDE, ce sont près de 20 milliards d'euros qui ont été injectés dans l'économie française, 10 milliards pour les ménages et 10 milliards pour les entreprises.
Pourtant, malgré ces effets positifs, la croissance française ne semble pas repartir. Les entreprises continuent à maintenir un niveau faible d'investissement, alors que la baisse des cours du pétrole exerce un impact positif sur leur marge et donc le niveau des profits. Le taux de marge des entreprises s'est ainsi redressé, passant de 35,5 % au deuxième trimestre 2014 à 37,2 % au troisième trimestre 20151.
La consommation ne semble pas non plus repartir réellement à la hausse (+0,3 % au troisième trimestre 2015 après une stagnation au second). Face à un chômage toujours très élevé, les ménages tendent à favoriser l'épargne plutôt que la consommation. Surtout, la stagnation des salaires ne permet pas une réelle relance de la consommation. Accompagnée d'une très faible inflation, elle accroît le poids de l'endettement pour de très nombreux français.
Au niveau des entreprises, l'incertitude liée à la situation intérieure (état d'urgence) mais également extérieure (ralentissement de la croissance en Chine et globalement de l'économie mondiale) pèse sur l'investissement. Par ailleurs, le faible dynamisme de la consommation pèse sur l'activité des entreprises. Les taux d'utilisation des capacités de production restent inférieurs à leur moyenne de longue période, n'incitant pas à l'investissement.
Enfin, à plus long terme, la faiblesse du prix du pétrole peut avoir des effets ambigus sur la stratégie de transition énergétique. D'un côté, elle peut permettre aux entreprises de dégager des marges pour financer les investissements liés aux économies d'énergie. Elle donne également à l’État la possibilité de récupérer des ressources supplémentaires, en accroissant la fiscalité sur les produits pétroliers sans pénaliser le pouvoir d'achat, afin de financer la transition énergétique. De l'autre, les travaux de rénovation énergétique deviennent moins intéressants financièrement, avec des effets négatifs pour le secteur du bâtiment, mais également à plus long terme pour changer de modèle énergétique.