GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie

La végétalisation des villes : l’arbre qui cache la forêt ?

Il faut végétaliser les villes. Les scientifiques le rabâchent, les maires des grandes villes et métropoles l’intègrent petit à petit dans leurs schémas d’urbanisme. Rendre obligatoire la plantation d’arbres ou une toiture végétalisée dans les nouvelles constructions, c’est permettre que, demain, la vie soit supportable en ville. Car, au-delà de la baisse alarmante de la biodiversité, la question de la pérennité de la vie citadine reste en suspens.

Nous en sommes malheureusement là, à nous demander simplement s’il sera possible de vivre dans des métropoles minérales, étouffantes. La canicule estivale en a été une des illustrations.

Métropolisation

Paradoxalement, les mêmes métropoles épuisent les ressources naturelles des territoires voisins. La centralité se verdit tandis que sont grignotés des terrains agricoles. En France, tout le monde connaît ce chiffre : on artificialise l’équivalent d’un département tous les sept ans. La majorité du mitage des terres agricoles vient de la production de logements.

Ensuite, viennent les besoins en termes d’infrastructures et les créations et extensions de zones d’activités. Autour des métropoles, ce sont des vastes zones qui ont été prélevées pour construire des maisons individuelles, avec jardinets. Ce sont des centres commerciaux démesurés qui ont été autorisés par des élu∙e∙s appâté∙e∙s par les promesses d’emplois à la clé. Ce sont des infrastructures routières qui ont été construites.

Le râle des villes...

L’écologie urbaine est nécessaire, vitale. Les habitants des villes l’ont bien compris. Les marches pour le climat sont majoritairement le fait de jeunes urbains très diplômés (*).Dans les manifs parisiennes, 60 % ont déclaré avoir au moins bac +5. Ils sont sensibles au tri des déchets, à l’achat de produits sans emballage. Ils fréquentent assidûment les boutiques estampillées bios. Ils sont observés par les élus qui savent combien ils sont des électeurs et des électrices potentiels. Alors, on verdit les programmes électoraux et on végétalise des places, on encourage les jardins de quartiers, érigés en parangons de la modernité (comme si les jardins ouvriers n’avaient jamais existé !).

Mais comment penser l’écologie urbaine sans regarder les territoires autour ? En 2014, le gouvernement Hollande avait mis en route des contrats de réciprocité, dont l’esprit était de mettre autour d’une même table métropoles et campagne avoisinante pour discuter des sujets qui les engageaient collectivement. Cinq ans après, seuls quatre contrats ont été signés. Et pour quels résultats ?

Partout autour des grandes villes, et souvent à cause d’elles, on autorise des mises en deux fois deux voies de routes. Pour les rejoindre plus rapidement. On étend les bourgs des communes jusqu’aux hameaux, qualifiés autrefois « d’écarts ». Pour permettre à celles et ceux, financièrement incapables de vivre en ville, de trouver un logement un peu plus loin. On incite fiscalement à la construction immobilière, que ce soit pour les communes comme pour les investisseurs immobiliers. Alors même qu’existent des locaux vides et des logements vacants en plein cœur des villes. On assouplit les règles de construction en milieu littoral et on ne remet jamais en question le modèle agricole dominant. Bref, la ville, pourtant très encline à promouvoir en son sein des modèles vertueux et écologiques – et c’est tant mieux ! – ne regarde que peu la lente dégradation de la campagne.

Partir du réel

Près de chez nous, la Wallonie vient d’annoncer qu’elle renonçait à construire six nouvelles autoroutes, partant d’un postulat simple : il faut limiter les infrastructures routières pour limiter le trafic routier. En effet, il n’est pas possible de continuer à construire des routes tout en espérant que les personnes n’utilisent plus leur voiture ou que les sociétés de transport de marchandises préfèrent le train. C’est de politiques structurantes radicales dont nous avons besoin.

Pour cela, il faut d’abord sanctuariser les terres agricoles et créer des zones naturelles protégées partout. C’est seulement ainsi que l’on imposera la densification dans les bourgs et la fin de l’étalement urbain, en particulier dans les zones peu tendues ; que l’on stoppera les implantations de centres commerciaux nouveaux alors même qu’il existe de plus en plus de friches en France. C’est aussi de choix budgétaires univoques dont nous avons besoin afin que les économies réalisées, par exemple par l’arrêt de chantiers routiers, servent à accompagner les personnes les plus socialement et géographiquement affectées par ces changements.

(*) Les données sont issues du travail du collectif de chercheurs∙ses en sciences sociales « Quantité critique ».

Cet article de notre camarade Marlène Collineau a été publié dans le numéro d'octobre de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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