GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Unité, redistribution des richesses et refondation démocratique

Ces dernières semaines, l’Amérique

latine était à nouveau au centre de

l’actualité politique avec deux élections

présidentielles importantes en Uruguay

et en Bolivie. Depuis quelques années les victoires

de la gauche se sont succédé dans ces

pays ravagés par les dégâts du néolibéralisme

et des politiques antis sociales criminelles

conduites par les institutions financières

internationales : FMI, Banque Mondiale,

OMC…

L’Amérique du Sud est un continent

rebelle marqué par les grandes figures du

libérateur Bolivar, du socialiste chilien assassiné

Allende, du Che qui, avant de devenir

une simple icône commercial a fait souffler

un vent d’espoir pour tous les exploités. Ces

Etats gardent aussi en mémoire les innombrables

luttes paysannes et ouvrières pour le

partage des terres et la maîtrise des ressources

minières, les difficiles combats contre les dictatures

militaires des années 70 et 80… Tout

cela a laissé des traces profondes dans la

conscience de ces peuples politisés et désireux

de défendre leurs intérêts contre l’impérialisme

du puissant voisin Nord américain!

Les progrès de la gauche latino-américaine

sont une brèche dans l’ordre néolibéral et sont

autant de défis pour les possédants. Après

l’échec cuisant des recettes libérales, les

gauches latinos américaines ont dû s’atteler à

la construction d’alternatives susceptibles de

mobiliser les couches populaires et d’offrir un

espoir pour les salariés et les paysans de ces

Etats.

Partage des richesses et des terres, retour de

la puissance publique dans les secteurs clés

de l’économie, investissement massif dans

l’éducation et la santé, refondation démocratique

profonde, appui sur les mouvements

sociaux, voilà quelques-uns des ingrédients

du succès de la gauche au Venezuela puis au

Brésil, en Argentine, en Bolivie, en

Uruguay… Cet arc de forces progressistes

constitue déjà une alternative aux projets

impérialistes des Etats-Unis en mettant à

l’ordre du jour l’unification politique, économique

et sociale de toute l’Amérique latine

enfin débarrassée de l’ombre étouffante des

Yankees. C’est bien pour cette raison que la

séquence politique ouverte par l’élection présidentielle

uruguayenne revêt une importance

considérable. Des consultations démocratiques

suivaient immédiatement en Bolivie

puis ce sera le cas au Chili et au Brésil fin

2010.

Les gouvernements de gauche vont-ils

garder le soutien populaire dont ils bénéficient?

L’expérience progressiste qui allume

dans nos cœurs les flammes de l’espoir va-telle

continuer ? Dans une large mesure on

peut d’ores et déjà répondre oui. Que ce soit

en Équateur en avril dernier, puis en Uruguay

le 29 novembre ou en Bolivie le 6 décembre,

les urnes viennent de parler clairement : les

masses veulent poursuivre et approfondir les

processus à l’œuvre et ne veulent surtout pas

du retour de la droite libérale, corrompue et

vendue aux grandes multinationales.

En Uruguay après cinq ans de gouvernement

de gauche dirigé par Tabaré Vasquez, les électeurs

viennent d’élire triomphalement l’ancien

guérillero Pepe Mujica à la présidence.

Ce pays marqué par des années de dictatures

d’extrême droite est dirigée par la gauche

pour la première fois de son histoire depuis

2004. Vasquez a augmenté les salaires et les

petites retraites, lancé de grandes campagnes

d’alphabétisation et stoppé les privatisations.

Son successeur, leader de la coalition du

Frente Amplio (dans laquelle toute la gauche

s’est rassemblée), emprisonné de nombreuses

années sous la dictature, a promis de poursuivre

sur cette voie. Il a recueillit environ 52% des voix avec une participation de 90% !

Il a promis une lutte sans merci contre le chômage

et la poursuite des politiques sociales

tout en consolidant le lien avec les autres

régimes progressistes du continent.

En Bolivie, Evo Morales, premier président

indien du pays, a été réélu sans difficulté dès

le premier tour avec plus de 60% des voix.

Ancien syndicaliste paysan, Morales a su garder

la confiance de sa base sociale dans cet

État le plus pauvre d’Amérique du Sud marqué

par les grandes luttes pour la maîtrise

publique de l’eau en 2000 et du gaz en 2003

et par les combats acharnés des mineurs

depuis la grande grève de 1952 en passant par

les mouvements contre le dictateur Banzer.

L’arrivée au pouvoir du leader du MAS

(mouvement pour le socialisme) en

décembre 2005 a marqué une vraie rupture. Il

a rendu sa dignité à tout un peuple composé

majoritairement d’indiens, jusque-là relégués

comme citoyen de seconde zone, et dont les

nouveaux droits sont consacrés dans une

Constitution ratifiée par le peuple. La nationalisation

des hydrocarbures en mai 2006 a

permis de financer des programmes sociaux

(les Bonos) et éducatifs. Avec l’aide des

médecins cubains une ébauche de système

public de santé a commencé à voir le jour

mais il reste tellement à faire… Ces premières

réformes ont entrainé une mobilisation

violente de secteurs de l’oligarchie qui

avait vendu le pays aux firmes transnationales

et se trouvait affaiblie par cette politique nouvelle.

La droite a tenté d’entraîner les provinces

de Santa Cruz (dans l’est de la Bolivie)

riches en hydrocarbures, et majoritairement

blanches, à la sécession. Le président

Morales, accusé par ces adversaires d’être un

apprenti dictateur, a dû subir un référendum

révocatoire, qu’il a largement remporté, à

l’été 2008. Dans quel autre pays au monde

l’opposition aurait-elle pu organiser à mi-mandat

un référendum révocatoire contre le

président en place ? Certainement pas en

France ou aux Etats-Unis ! Morales devra

poursuivre sa politique en l’approfondissant

et en n’hésitant pas à s’appuyer sur le mouvement

social et la mobilisation des masses qui

lui donneront la force pour contrer la réaction

de la droite libérale, des patrons et des grands

propriétaires terriens ! N’ayant même pas

recueillis 40%, ces différentes oppositions

momentanément affaiblies n’hésiteront pas à

employer tous les moyens pour déstabiliser le

gouvernement de gauche.

Ces belles victoires dessinent en creux les faiblesses

et les échecs patents de la gauche

européenne et française et prouvent la pertinence

d’une ligne de rupture et d’affrontement

avec la mondialisation libérale. Ses

gauches nous invitent à relever le drapeau de

la solidarité internationale et de la République

sociale pour refonder un socialisme émancipateur

en Europe et dans notre pays !

Julien Guérin

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