GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme

Solidarité avec les femmes afghanes

Les Afghanes ont été parmi les premières femmes du Moyen-Orient à obtenir des droits civiques et sociétaux, entre les années 1920 et 1980. Depuis soixante ans, elles sont aussi les premières victimes des changements de régimes politiques successifs dans leur pays.

Dès la prise de Kaboul le 15 août 2021, les Talibans ont réinstauré un régime de terreur et ont fait tomber abruptement, douloureusement, sur les femmes une véritable chape de plomb.

Une avalanche de mesures liberticides 

Après avoir recréé le funeste « ministère de la promotion de la vertu et de la répression du vice », les nouveaux maîtres de Kaboul imposent aux femmes, par la brutalité et les violences, les mêmes interdits que lors de leur précédent règne de 1996 à 2001.

Au-delà de l’école primaire, l’accès aux collèges, lycées, universités a été immédiatement interdit aux filles et aux jeunes femmes. **

 Dans la plupart des secteurs, les femmes n’ont plus le droit de travailler, y compris dans la fonction publique où elles sont pourtant nombreuses.

Dans le secteur de la santé où leur présence reste indispensable, les femmes médecins et infirmières ne sont plus autorisées qu’à s’occuper des femmes.

La majorité des refuges accueillant les femmes victimes de violences conjugales ont été contraints de fermer leurs portes.

À nouveau, leur possibilité de se déplacer  a été restreinte : obligation d’être accompagnée d’un parent masculin dans les espaces publics, interdiction de prendre un taxi, d’utiliser les transports publics ou de se déplacer au-delà de 75km sans être accompagnée d’un homme, imposition d’un code vestimentaire strict, interdiction d’apparaître dans des émissions de télévision, de faire de la musique... Toute pratique sportive leur est aussi dorénavant défendue.

« En plus de limiter fortement leur liberté de mouvement, d’expression et d’association, ainsi que leur participation aux affaires publiques et politiques, ces politiques ont également affecté la capacité des femmes à travailler et à gagner leur vie, les enfonçant davantage dans la pauvreté », constate une mission de l’ONU.

L’effondrement de l’économie associé à l’arrêt brutal de l’aide internationale ont plongé les le peuple afghan dans une grande misère et les médias font état d’une résurgence importante de la pratique de vente de fillettes dans le cadre de mariages forcés, afin, est-il dit, de pouvoir continuer à nourrir les familles.

Le double langage des Talibans

Après leur retour au pouvoir, les fondamentalistes ont promis un assouplissement de l'interprétation dure de la loi islamique caractéristique de leur précédent gouvernement, au cours duquel ils avaient largement piétiné les droits humains.

Mais, si le nouveau régime a veillé à ne pas édicter de règles trop sévères à l'échelon national, les autorités provinciales ont pris le relais pour mettre en place des restrictions drastiques.

Aujourd’hui, 6 mois après leur arrivée à la tête de l’État, les Talibans continuent de chercher à donner des gages pour pouvoir accéder  à l’aide internationale.

Ainsi, depuis début février quelques universités publiques ont rouvert dans le pays, avec une nouvelle organisation pour répondre à l’obsession de cacher les femmes : les étudiantes doivent être vêtues de la burqa ou du niqab, elles ont cours le matin et leurs camarades masculins l’après-midi. Certaines femmes fonctionnaires ont été autorisées à reprendre le travail dans les mêmes conditions.

Toutefois, dans le même temps « fleurissent », sur les murs et les vitrines des commerces, des affichettes intimant aux femmes l’ordre de porter la burqa et non plus seulement le simple voile. Chaque jour, une nouvelle interdiction surgit : dans tel département, interdiction de se rendre au hammam pour les femmes, dans tel autre, pour les salariées des ONG, obligation de porter le tchadri et d’être accompagnées d’un homme, interdiction de prendre le bus ou un taxi. Chaque jour, des militantes féministes sont arrêtées, enlevées, emprisonnées, ou disparaissent.

La courageuse résistance des femmes

Dans ce contexte délétère, les Afghanes font pourtant preuve d'une résistance courageuse ; nombreuses sont celles qui résistent au péril de leur vie. Ainsi des écoles pour filles fonctionnent clandestinement, des manifestations de rue ont même été organisées, certes immédiatement empêchées, mais les images circulent sur les réseaux sociaux. Et grâce à Internet des manifestations « à la maison » sont organisées, filmées et diffusées. Les témoignages et cris de révolte se propagent à travers le monde. Nous devons les entendre et les soutenir.

Pour beaucoup de femmes députées, artistes, sportives, universitaires, juges, journalistes, pilotes de ligne et bien d’autres encore, l’exil a été la seule possibilité pour sauver leur vie et/ou continuer leurs activités.

Dispersées en Europe ou au Moyen-Orient elles cherchent à organiser la résistance. Ainsi, des dizaines de députées afghanes exilées en Grèce se sont rassemblées en un nouveau parlement. Depuis Athènes, elles défendent autant les droits des citoyennes restées au pays que ceux des réfugiées. En Italie, une équipe de femmes cyclistes s’est reconstituée, en Angleterre une équipe de foot. À travers le monde, des chanteuses, des poètes, des plasticiennes s’expriment.

Partout, les féministes doivent relayer la parole des femmes afghanes, celle qui nous supplie de ne pas les oublier et de ne surtout pas reconnaître le pouvoir Taliban.

La nécessité d’une aide humanitaire qui ne soit pas la porte ouverte à la reconnaissance de l’État Taliban

Depuis août, l’aide internationale, qui finançait environ 80 % du budget afghan, s’est arrêtée. Les États-Unis ont gelé 9,5 milliards de dollars d’avoir de la Banque centrale afghane. La faim menace aujourd’hui 23 millions de personnes, soit 55 % de la population, selon l’ONU.

Le déblocage de l’aide financière internationale devient donc un enjeu vital pour le pays, mais également un outil que les Talibans entendent utiliser pour faire progresser pour faire progresser la reconnaissance de leur gouvernement sur la scène internationale à l’heure où aucun pays ne la leur a attribuée.

C’est pourquoi les féministes appellent à la plus grande vigilance.

Ainsi, alors qu’une rencontre était organisée en janvier à l’invitation de la Norvège entre le pouvoir Taliban et des diplomates occidentaux, l’association « NEGAR-Soutien aux femmes d’Afghanistan » a vivement protesté et lancé un appel à une « mobilisation internationale, contre le processus de reconnaissance des milices terroristes talibanes »*.

Le 1er mars, la Banque mondiale a approuvé une aide humanitaire de plus d’un milliard de dollars (900 millions d’euros) pour soutenir le peuple afghan, par la réaffectation de financements émanant du Fonds spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan (ARTF). Cette aide financière se fera « sous la forme de subventions » accordées à des agences des Nations unies et à des ONG internationales, a précisé l’institution de Washington dans un communiqué. Et elle « restera hors du contrôle de l’administration intérimaire des Talibans », a-t-elle assuré.

Maintenons notre vigilance à ce sujet et relayons partout les paroles des femmes afghanes rentrées en résistance dans leur pays ou en exil.

*Pour agir :  https://www.negar-afghanwomen.org/2/

**NB/ Après avoir annoncé puis organisé le retour  des filles dans les collèges et les lycées, le 24 mars 2022, les Talibans ont fait volte face et, le jour même les jeunes filles ont dû rentrer chez elles. Des manifestations de protestation ont immédiatement eut lieu à Kaboul. «  Si elles restent fermées, nous les ouvrirons nous même » ont déclaré les militantes des droits des femmes réunies le dimanche suivant.

Cet article écrit par notre camarade Claude Touchefeu a été publié dans le numéro 293 (mars 2022) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS). Il a été actualisé le 13 avril 2022

 

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