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Retraites : réponse au Medef

Depuis 1991 et le « Livre blanc » de Michel Rocard qui leur ouvrait tout grand la porte, les contre-réformes de nos retraites se sont multipliées : la loi Balladur en plein été 1993, la loi Juppé en 1995 que la mobilisation sociale avait obligé la droite à remballer, la loi Fillon de 2003, la réforme des « régimes spéciaux » en 2007, la loi Sarkozy de 2010.

À chaque fois, il s’agissait de la dernière réforme, la « der des ders », celle qui permettrait d’équilibrer à long terme notre système de retraite. A chaque fois, sauf en 1993, alors que les salariés étaient encore sous le coup de l’écrasante défaite de la gauche en avril, les salariés se sont massivement mobilisés pour défendre leurs retraites par répartition.

Aujourd’hui, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault subit une double pression pour tenter de lui imposer la mise en œuvre d’une nouvelle contre-réforme de notre système de retraite.

La pression de la Commission européenne exige que la France procède à des « réformes structurelles » en échange des deux années supplémentaires « accordées » pour réduire le déficit public à 3 % du PIB. Comme s’il y avait eu « échange » et comme si la Commission avait eu la capacité d’imposer un retour plus rapide aux 3 %. La calamiteuse politique d’austérité imposée par le TSCG interdisait toute réduction du déficit public dans les délais totalement irréalistes fixée par la Commission européenne et Nicolas Sarkozy.

La pression du Medef vise à faire d’une pierre deux coups avec la contre-réforme qu’il préconise.

Elle vise, d’abord, à ne pas augmenter les cotisations retraite alors que c’est le principe même d’un système par répartition d’augmenter les ressources quand les besoins augmentent. Le but du Medef est de préserver les dividendes des actionnaires.

Elle vise, ensuite, à pousser les salariés qui en ont les moyens à adhérer à un fonds de pension pour tenter de sauvegarder leur retraite. Le but est d’augmenter le montant des dividendes, ceux des actionnaires des fonds de pension.

Le « déficit abyssal » du Medef

À chaque fois depuis 1990, le Medef (ou son ancêtre le CNPF) brandit le même épouvantail : le « déficit abyssal » des retraites en 2000, 2020, 2040 ou 2060 !

Pour nous en tenir à 2020, le Medef annonce un déficit cumulé de 200 milliards d’euros.

Selon son habitude, le Medef confond « besoins de financement » et déficits

Il n’y aura un « déficit » de nos régimes de retraite en 2020 que si le besoin de financement de ces régimes n’est pas comblé. Il peut parfaitement l’être, comme l’affirme le Conseil d’orientation des retraites (COR) dans son rapport du 19 décembre 2012, au moyen d’une augmentation de 1,1 point du taux des cotisations retraite. Il est parfaitement possible d’imputer la totalité de cette hausse à la part patronale des cotisations retraite. Il n’y aurait alors aucun « déficit » en 2020. Le Medef serait-il pour autant satisfait ?

Un « déficit » cumulé de 200 milliards d’euros en 2020 signifierait une augmentation de 500 milliards du PIB à la même date.

Le Medef reprend les chiffres du COR d’un besoin de financement égal à 8 % du PIB en 2020 mais pour arriver à son chiffre de 200 milliards d’euros il faudrait que le PIB de notre pays atteigne alors à 2 500 milliards d’euros bien qu’il ne s’élève qu’à un peu plus de 2000 euros aujourd’hui !

En 2007, le PIB français atteignait 1887 milliards d’euros courants (sans neutraliser l’inflation) et 2028 milliards fin 2012, soit une augmentation de 141 milliards d’euros (7,5 % environ) en 5 ans.

Comment, alors que la France vient de rentrer en récession, sous le coup de la politique d’austérité salariale voulue par la Commission européenne et le Medef, serait-il possible d’augmenter le PIB de près de 500 milliards d’euros, c’est-à dire de 25 % en 7 ans ?

Cette augmentation du PIB serait bien sûr envisageable mais avec une politique de croissance, d’augmentation des salaires et de réduction du chômage, aux antipodes de celle préconisée par le Medef.

Avec une augmentation de 500 milliards d’euros du PIB, un besoin de financement des retraites de 200 milliards d’euros ne serait d’ailleurs plus un problème. Une fois comblé le besoin de financement des régimes de retraite, il resterait encore 300 milliards supplémentaires à partager entre l’investissement public, les salaires directs et, même, les profits.

L’argumentation du Medef est bancale. D’un côté, elle considère, pour les besoins de sa démonstration, que rien ne bougera sauf le « déficit » des retraites. De l’autre, elle est bien obligée de se référer au chiffre du COR pour parvenir au chiffre « abyssal » de 200 milliards d’euros de « déficit » en 2020 et donc de prévoir une augmentation de 500 milliards d’euros du PIB de notre pays en 7 ans.

Pourquoi nos régimes de retraites sont-ils en déficit ?

La loi Sarkozy devait, de nouveau, résoudre une fois pour toutes le problème de financement de nos retraites. Fin 2011, le déficit (le mot est exact puisque ce déficit est constaté) s’élevait pourtant à 14 milliards d’euros.

Pourquoi ? Parce que la croissance est en berne du fait de la généralisation de l’austérité dans l’Union européenne (notamment à cause du TSCG) et parce que le temps de travail légal n’a pas été réduit. Le chômage ne pouvait alors qu’augmenter. Si 2 millions de demandeurs d’emploi avaient retrouvé du travail, il n’y aurait plus aucun problème pour assurer l’équilibre budgétaire de nos retraites et revenir sur l’augmentation de la durée de cotisation, comme sur le passage de l’âge légal du départ en retraite de 60 à 62 ans.

En 2001, grâce à la croissance et aux 35 heures, la Sécurité sociale (qui inclut le régime général des retraites) était en excédent. La solution apportée au problème des retraites était celle que l’on pouvait attendre d’un gouvernement de gauche. Elle s’oppose point par point à celle préconisée, aujourd’hui, par le Medef qui exige le passage de l’âge légal de la retraite de 62 à 65 ans, l’augmentation du nombre d’années de cotisations, la mise à contribution des retraités.

L’âge légal du départ en retraite encore différé ?

L’ordonnance du 26 mars 1982 avait fixé l’âge légal de la retraite à 60 ans. Les lois Balladur de 1993 et Fillon de 2003 n’avaient pas osé y toucher. Le Medef n’était arrivé (en partie) à ses fins qu’avec la loi Sarkozy de 2010 qui fixe l’âge légal de départ en retraite à 62 et reporte l’âge butoir, auquel il est possible de bénéficier d’une retraite à taux plein, de 65 à 67 ans. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, malgré des mesures favorisant les salariés qui avaient commencé à travailler tôt, n’a pas modifié cet âge légal, il est toujours fixé à 62 ans.

Laurence Parisot, la présidente pour quelques temps encore du Medef, exige maintenant que l’âge légal de la retraite soit repoussé à « au moins 65 ans » à l’horizon 2040.

Le prétexte de cette modification de l’âge de la retraite est l’allongement de l’espérance de vie. Ce n’est qu’un prétexte, pour trois raisons.

D’abord parce qu’il n’y a aucune raison que cet allongement ne profite pas aux retraités.

Ensuite parce que l’espérance de vie en bonne santé stagne et ne s’élève qu’à 63 ans (en moyenne) dans notre pays.

Enfin parce qu’il y a plus de 5 millions de chômeurs en France et que prétendre maintenir des personnes de plus de 60 ans au travail alors que tant de jeunes sont à la recherche d’un emploi est une aberration.

Le nombre d’années de cotisation encore augmenté ?

Le Medef veut que la durée de cotisation passe à 43 années d’ici 2020. Cela représenterait 172 trimestres pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein. Avant la loi Fillon de 2003, il suffisait, dans le secteur privé, de 150 trimestres pour y parvenir.

Dans le secteur privé, 60 % des salariés qui prennent leur retraite ne sont plus au travail Ils sont soit en invalidité, soit en maladie, soit au chômage. Il faut aujourd’hui 166 trimestres pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein. Avec 172 trimestres de cotisation, comme le préconise le Medef, ce seraient sans doute plus des ¾ des salariés du privé qui ne seraient plus au travail au moment où ils prendraient leur retraite !

Il faut tordre le cou à cette absurdité néolibérale qui prétend qu’un salarié du privé aurait le choix de rester ou de ne pas rester au travail. S’ils ne sont pas malades ou invalides, l’immense majorité d’entre eux se font licencier dès qu’ils atteignent 60 ans et, souvent, dès l’âge de 55 ou de 57 ans.

Ce ne sont pas les « contrats de génération » qui pourront changer grand-chose à cette situation. À plus de 80 %, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ils entraîneraient un « un effet d’aubaine ». L’employeur garderait les « seniors » qu’il comptait garder, embaucherait les jeunes qu’il comptait embaucher mais empocherait, au passage, les primes prévues par ce type de contrat.

Les retraités mis à contribution ?

La désindexation des retraites

Le Medef, avec l’accord de trois organisations syndicales, a déjà mis en application la désindexation du montant des retraites sur l’inflation pour les retraites complémentaires de l’Arrco et de l’Agirc. Avec une inflation prévue de 1,8 %, les premières n’augmenteront que de 0,8 %, les secondes seulement de 0,5 % au 1er avril 2013. En 2014 et 2015 la revalorisation des unes et des autres sera inférieure de 1 point à l’inflation.

Avec la loi Balladur de 1993, l’indexation des retraites avait subi un premier recul puisque le montant des retraites n’était plus indexé sur la hausse moyenne des salaires mais sur l’inflation. Cette indexation est maintenant remise en cause : en valeur réelle, le montant des retraites complémentaires va donc diminuer. C’est la première fois depuis l’instauration de la retraite par répartition et c’est désastreux pour le salariat. Il serait pourtant étonnant que le Medef décide de s’arrêter en si bon chemin.

La remise en cause des « privilèges fiscaux » des retraités

La Cour des comptes, dans son rapport du 14 septembre 2012, allait dans le sens du Medef et de sa volonté de remettre en cause les revenus des retraités. Cette institution recommandait de remettre en cause les « privilèges fiscaux » des retraités qui ne se justifieraient plus, selon elle, puisque « les retraités sont dans une situation financière plus favorable que les actifs, notamment les jeunes ».

Elle avançait, pour y parvenir, deux préconisations.

La première était la suppression progressivement l’abattement de 10 % pour « frais professionnels » puisque les retraités n’ont pas de frais professionnels.

La seconde était l’alignement du taux de CSG appliqué aux pensions de retraite sur celui des actifs. Les 7,9 millions (49 %) de retraités aujourd’hui assujettis à une CSG à 6,6 % verraient ce taux s’aligner sur celui des salariés (7,5 % aujourd’hui).

Il est difficile de ne pas se poser la question : sur quelle planète la Cour des comptes siège-t-elle ? Comment peut-elle ignorer que la solidarité envers les enfants et les petits enfants existe dans toutes les familles ? Comment peut-elle ignorer que cette solidarité est d’autant plus nécessaire que les salaires des actifs stagnent, que la précarité et le travail à temps partiel est la réalité vécue par des millions de jeunes et moins jeunes salariés ? Comment peut-elle ignorer que toute une génération de retraités est pleinement solidaire non seulement de ses enfants et de ses petits-enfants mais aussi de ses propres parents, notamment lorsqu’il devient nécessaire de payer une part (de plus en plus importante) des frais de résidence en maisons de retraite ?

En réalité, si la fiscalité et CSG des retraités augmentaient, c’est la solidarité envers les enfants, les petits-enfants et les parents des retraités concernés qui en prendrait un coup.

Jean-Marc Ayrault a refusé de prendre en compte ces préconisations de la Cour des comptes lors du vote de la loi du budget de 2013 : la CSG des retraités n’a pas augmenté et l’abattement de 10 % n’a pas été touché. Ce fut une heureuse décision et il serait bon que notre gouvernement persévère dans son refus pour le budget de 2014.

Les « objectifs partagés »

Lors de la « Grande conférence sociale » des 9 et 10 juillet 2012, le gouvernement et les « partenaires sociaux » avaient dit « partager » plusieurs objectifs concernant les régimes de retraite par répartition.

L’un de ces objectifs est d’« assurer la confiance de nos concitoyens dans les régimes par répartition… »

Cet objectif ne pourrait pas être atteint si le gouvernement de gauche cédait aux exigences du Medef.

Les nouvelles générations auraient, dans ce cas, beaucoup de difficulté à garder leur confiance à un système de retraites qui les obligerait à cotiser pendant 43 ans alors que l’âge moyen du premier emploi stable est, aujourd’hui, supérieur à 27 ans.

Ceux qui auraient les moyens de le faire, au sein de ces générations, se tourneraient vers les fonds de pension « à la française » pour essayer de bénéficier, à un âge décent, d’une retraite en rapport avec leur salaire. Ils auraient pourtant pu constater le sort réservé aux fonds de pensions des salariés des États-Unis lors de la crise de 2007-2008 mais n’auraient guère le choix.

Nos retraites par répartition en sortiraient très fragilisées au profit des retraites par capitalisation. C’est, bien évidemment, l’un des objectifs majeurs du Medef.

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