GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Retraites : les très réactionnaires obsessions de Macron

S’il a abandonné sa réforme de la retraite par points1, Macron n’a pas renoncé à attaquer nos retraites. Après 1936, la droite et le patronat n’ont eu de cesse de revenir sur les 40 heures. Depuis 1981, l’obsession de toutes les droites, c’est d’effacer la retraite à 60 ans et revenir à un âge légal de départ fixé autour de 65 ans.

Macron, comme tous les réactionnaires qui l’ont précédé, estime que, si le pays rencontre des difficultés socio-économiques, c’est qu’en France, on ne travaille pas assez. À ses yeux comme à ceux des conservateurs de tous poils, Mai 68 aurait corrompu jusqu’aux « valeurs » d’effort et de travail. Décidément, Macron et Sarkozy : même combat !

Deux objectifs

Au-delà des aspects idéologiques de toute attaque contre les retraites, il faut mettre en évidence les deux principaux objectifs poursuivis. Alors que la proportion de retraités dans la population augmente, le premier but de cette nouvelle contre-réforme, c’est de réduire la part des dépenses de retraite dans le PIB. « Le gouvernement estime qu’il faut stabiliser la part des pensions dans le PIB à 14 % pour les cinquante années prochaines. Or, pendant ce temps, la proportion de retraités dans la population passera de 18,5 % aujourd’hui à 27,5 % en 2070 selon un scénario central de croissance démographique »2.

Le deuxième objectif, c’est de garder le plus longtemps possibles les personnes insérées sur le marché du travail : il faut travailler plus longtemps pour dégager de nouvelles recettes afin de faire face au besoin croissant de financement (pour la santé, la dépendance…).

Des gages à Bruxelles

Macron veut rassurer la bourgeoisie hexagonale mais aussi la Commission européenne, sur sa capacité à bien gérer le pays, et donc à maîtriser, comme l’exige l’orthodoxie néo-libérale, les dépenses publiques. Ce qui implique de fermer définitivement la parenthèse – fugace et à géométrie variable – du « quoiqu’il en coûte » !

Le président des riches s’est donc engagé auprès de Bruxelles à ce que l’ensemble des dépenses publiques n’augmente pas réellement de plus de 0,6 % par an. Or, sans nouvelle « réforme », la croissance spontanée de la masse des pensions serait de 1,8 %. « Comme il est prévu d’alléger les impôts de production des entreprises de 10 milliards par an, notamment par la suppression de la CVA (en plus de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés à 25 % et de la suppression de l’ISF), il faut “économiser” d’autant sur les retraites »2.

Le bouillon pour les salarié.e.s

Si cette contre-réforme passait, cela entraînerait une forte dégradation du niveau de vie des retraités dans les années à venir, et l’augmentation de dispositifs d’épargne3, pour celles et ceux qui en ont les moyens, naturellement ! Or, le taux de pauvreté des plus de 65 ans est déjà en hausse depuis 2018, puisqu’il est passé de 14,3 à 15,9 % (et 16,5 % pour les femmes). Et on ne peut que craindre une aggravation des inégalités femmes-hommes. Rappelons qu’en moyenne les femmes perçoivent actuellement une pension inférieure de 40 % à celle des hommes.

Les tenants du recul de l’âge de la retraite justifient souvent leur propos par l’allongement de l’espérance de vie. Or, le recul de l’âge de la retraite et l’augmentation de la durée de cotisation ont déjà « mangé » l’augmentation de l’espérance de vie. En outre, si l’on vit plus longtemps, notre espérance de vie en bonne santé reste stable : elle stagne autour de 63 ans pour les hommes et de 64 ans pour les femmes4. Contrairement à ce qu’affirment à l’unisson les éditocrates depuis plusieurs semaines, les centenaires en pleine forme ne courent pas les rues. Et il ne faut pas oublier les différences d’espérance de vie en fonction de la pénibilité des métiers ! Même s’il ne s’en vante pas, c’est bien Macron qui a supprimé en 2017 la prise en compte de plusieurs critères de pénibilité (manipulation de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux).

Actuellement, près de la moitié des plus de 60 ans est déjà hors emploi. Qui peut croire que le patronat va embaucher celles et ceux que l’on appelle les « seniors » pour les besoins de la cause ? La réforme de Macron va donc consister à faire travailler plus longtemps celles et ceux qui sont encore en emploi, et à maintenir les autres encore davantage au chômage.

Comme le signale Michaël Zemmour dans un article récent, après l’ère de l’universalisation de la Sécu et de la montée de la cotisation (1945-1987), puis la période de la « maîtrise des dépenses » (de 1987 aux années 2010) lors de laquelle l’amélioration des carrières a permis de compenser les rabotages successifs des droits (1993-1995, 2003, 2010, 2014), « un troisième moment semble commencer : celui de la déconstruction (partielle) du système de retraite, comme un objectif en soi »5.

Répartir autrement les richesses

Dans le programme de la NUPES, la gauche rassemblée mettait en avant la retraite à 60 ans pour 40 annuités de cotisation. Pour la GDS, le droit à une retraite à 60 ans à taux plein devrait s’accompagner de mesures spécifiques pour celles et ceux qui ont commencé à travailler un peu plus tard. Par exemple la prise en compte des années d’étude après le bac. En tout cas, le droit à la retraite à 60 ans sans décote devrait être un objectif social pour toutes et tous.

Pour ce faire, il faudra évidemment revenir sur la répartition de la richesse produite entre Travail et Capital, alors que la part salariale est « figée à un niveau inférieur de 3 à 5 points de pourcentage de PIB à celui qui était en cours avant la phase néolibérale »2. Ce refus obsessionnel de la part de la bourgeoisie de toute modification dans le partage des richesses explique l’opposition à toute augmentation du taux de cotisation de Macron et ses amis. Une nouvelle fois, les partisans de la « révolution » disruptive font chorus avec les Balladur, les Fillon, les Woerth et autres Sapin-Touraine…

Unir la population

Le seul progrès que nous connaissons, ce sont les luttes sociales qui l’ont permis, en baissant, pendant plus d’un siècle, le temps de travail (sur la journée, sur la semaine et sur la vie). C’est pour cela que, ne lui en déplaise, Macron incarne tout ce qu’il y a plus de rétrograde aujourd’hui. Il nous faut le mettre en échec. La première journée de mobilisation a été un succès. L’opinion, très majoritairement, est défavorable à ce projet. Aux organisations syndicales et aux partis politiques d’organiser, de convaincre et d’unir la population pour gagner.

1. Gérard Filoche, Anne de Haro et Éric Thouzeau, Les fourberies de la retraite par points. 10 questions - 10 réponses, Éditions Atlande, 2019.

2. Jean-Marie Harribey, « Les sept perfidies de la réforme des retraites 2023 », 19 décembre 2022, blogs.mediapart.fr/jmharribey

3. Stéphanie Treillet (webinaire sur la réforme des retraites du 13 décembre 2022, organisé par les Forums pour la NUPES), cln-tousensemble.fr

4. DRESS, « Les Français vivent plus longtemps, mais leur espérance de vie en bonne santé reste stable », Études & résultats 1046, janvier 2018.

5. Michaël Zemmour, « Bientôt la retraite à 70 ans ? », Le Monde diplomatique, novembre 2022, p. 1 et 16.

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