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Macron affaiblit les syndicats et fragilise le service public

Ce n’est pas la première fois que des cheminots font grève en période de fêtes. À chaque fois, la droite et la presse aux ordres hurlent et en appellent à une limitation encore plus drastique du droit de grève dans les services publics. Ce qui a marqué la mobilisation des contrôleurs en décembre, c’est le fait qu’il ait été initialement impulsé en dehors des organisations syndicales.

Il faut dire que Macron a mené une politique volontariste d’affaiblissement des syndicats. À l’ère du numérique, il n’est pas étonnant que des salariés, en l’occurrence cette fois les contrôleurs, utilisent les réseaux sociaux pour échanger et revendiquer. D’autant que depuis de très nombreuses années, les différents gouvernements ont ignoré les revendications interprofessionnelles des syndicats de salariés. Cette situation entraîne un recul de la confiance chez un certain nombre de ces derniers dans la capacité des syndicats à obtenir des avancées.

D’où une tentation plus grande de se battre sur des revendications catégorielles, vécues comme plus accessibles que celles qui sont plus globales.

La Loi Travail pour affaiblir les syndicats

Les ordonnances Macron (Loi Travail) visaient à affaiblir les organisations syndicales de salariés. L’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 a créé le Comité social et économique dans toutes les entreprises ayant au moins 11 salariés, en fusionnant les précédentes missions confiées aux délégués du personnel, au Comité d’entreprise (CE) et au Comité d’hygiène, de santé et des conditions de travail (CHSCT). Depuis cette date, tous les chiffres indiquent une baisse de la présence syndicale dans les entreprises1. C’était le but recherché depuis longtemps par le Medef. Macron l’a mis en œuvre.

À la SNCF, cette politique anti-syndicale a entraîné une baisse d’environ 70 % du nombre de délégués en fusionnant les anciens CE et CHSCT en un Comité social et économique (CSE) unique2. Au passage, la direction de l’entreprise a imposé de passer d’un CE pour chaque territoire à des CSE par activités, 33 CSE ont donc été mis en place unilatéralement, selon une logique de découpage par activités, et secondairement par territoire. Cela entraîne un cloisonnement plus grand des services, et un éclatement voulu pour favoriser l’arrivée de la concurrence sur tout le transport des voyageurs (le fret est déjà ouvert à la concurrence…, ce qui n’a nullement entraîné une amélioration du service, bien au contraire !).

Un service public ferroviaire toujours plus fragilisé et éclaté

Les territoires sur lesquels les nouveaux délégués ont maintenant à intervenir sont immenses. Tout cela « conduit à un constat partagé : celui d’une proximité sacrifiée ». Plusieurs acteurs ont ainsi fait le lien entre ce constat et deux épisodes conflictuels « hors de contrôle des syndicats » qui ont eu lieu à l’automne 2019, et évoquent un risque de « “gilet-jaunisation” de la conflictualité à la SNCF », selon un récent article parue dans la revue Droit social3.

La SNCF connaît des restructurations permanentes, avec des effectifs qui ont été divisés par trois en 70 ans et par deux depuis 1980. Quant à la réforme de 2018, elle a divisé la SNCF en cinq sociétés : SNCF (la société mère), SNCF Réseau, SNCF Gares & Connexions, Rail Logistics Europe et SNCF Voyageurs. Pour Stéphane Sirot, historien du syndicalisme, cette mobilisation catégorielle des contrôleurs résulte du démantèlement de l’entreprise… La SNCF n’existe plus vraiment, c’est aujourd’hui une somme d’entreprises saucissonnées. L’une s’occupe de la vente, l’autre des droits de passage et d’autres font circuler les trains et gèrent le réseau ferré... À l’avenir, nous allons assister à une « fragmentation des mécontentements »4.

Les organisations syndicales à la SNCF ne sont pas pour autant moribondes. Elles ont dû faire preuve d’une capacité d’écoute de « la base », même quand celle-ci exprime une défiance vis-à-vis d’elles. Elles ont une tâche indispensable mais toujours difficile : fédérer la famille cheminote tout en considérant les spécificités de chaque métier.

Cet article de notre camarade Éric Thouzeau a été publié dans le numéro 301 (janvier 2023) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

1. https://www.clesdusocial.com/moins-de-presence-syndicale-dans-les-entreprises-depuis-2017

2. Le Monde, 24 décembre 2022.

3. Jérôme Pélisse et Elsa Peskine, « Proximité et nouvelles règles de représentation du personnel à la SNCF : chronique d’un bouleversement », Droit Social, 2022, 3, p. 232-238 (https://shs.hal.science/halshs-03640282/document).

4. Stéphane Sirot, « SNCF : vers une fragmentation des mécontentements », L’Humanité, 23 décembre 2022.

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