PSE chez Danone : la logique capitaliste comme guide
Le 23 novembre, Danone annonce un nouveau plan appelé « Local First », ainsi que la suppression de 2 000 emplois dont 400 à 500 en France. Drôle d’étrennes de fin d’année pour les salariés !
Danone, c’est une multitude de marques. En 2019, ce sont des produits laitiers frais, des produits d’origine végétale (52 % du chiffre d’affaires, n°1 mondial), de la nutrition spécialisée (30 % du chiffre d’affaires, n°1 européen de la nutrition médicale, n°2 mondial de la nutrition infantile), mais aussi des eaux conditionnées (18 % du chiffre d’affaires, n°2 mondial).
La multinationale Danone
Les produits Danone sont présents dans plus de 120 pays et 67 % des ventes se font hors Europe (aux USA, puis en Chine, la France n’arrivant qu’en 3e position). Danone, enfin, c’est plus de 100 000 salariés (environ 9 000 en France) dans plus de 55 pays. Le chiffre d’affaires s’élève à 25,3 milliards d’euros.
Danone se donne aussi bonne conscience en investissant par exemple dans une start-up luttant contre le gaspillage alimentaire, en prenant treize mesures pour lutter contre le réchauffement climatique (ODD 13). Danone adopte le cadre juridique d’Entreprise à mission (loi PACTE), c’est la première entreprise cotée à le faire.
En mars 2020, son PDG s’était engagé, en cas de recours à des mesures de chômage partiel à couvrir « la totalité du revenu jusqu’au salaire ». Emmanuel Faber le jurait alors la main sur le cœur : « C’est Danone qui compensera et fera en sorte que les salariés ne perdent rien », en versant à tous les salariés sur le terrain « une prime d’urgence alimentaire à l’échelle mondiale, qui en France prendra la forme de la prime de continuité de production d’approvisionnement pour un montant de 1 000 euros ».
Le plan « Local First »
Le motif de ce plan est clairement annoncé : il s’agit d’un plan d’adaptation pour renouer avec la croissance et la rentabilité. Bref, pour rassurer les actionnaires. En effet, l’action Danone a perdu un quart de sa valeur depuis le début de l’année. L’objectif affiché par le PDG est éclairant : un objectif d’une croissance des ventes de 3 à 5 % à moyen terme et une marge opérationnelle comprise entre 15 et 20 %. La rentabilité est seulement de 14 % en 2020 (contre 15,2 en 2019) au lieu des 16 % attendus ! Pour Emmanuel Faber, ces résultats décevants favorisent les concurrents Nestlé, Unilever, Kraft Heinz au niveau des investisseurs.
L’objectif est de faire un milliard d’euros d’économie d’ici à 2023. Ce plan succède à un programme d’un montant similaire, « Protein », lancé en 2017 et qui vient de s’achever. Danone a même prévu un projet (« Future Skill ») pour accompagner et former pendant deux ans les salariés dont les postes sont menacés.
Le milliard d’économie porte sur deux axes principaux : 700 millions sur les frais généraux avec la suppression de 25 % des effectifs dans les sièges mondiaux du groupe et 300 millions sur le volet industriel (logistique, rationalisation du portefeuille de produits). Pour mémoire, 1,5 milliard d’euros de dividendes ont été versés par Danone à ces actionnaires en avril 2020.
À l’écoute… des actionnaires !
Avec ce plan, le PDG prévoit environ 2 000 suppressions d’emplois, mais assure à ce stade que les emplois industriels à ce stade ne sont pas visés. Il annonce le développement de la robotisation et de la digitalisation en passant d’une « demi-douzaine d’usines fortement digitalisées » à quarante en 2023. Emmanuel Faber ajoute : « Nous avons raisonné trop global. Pas assez local. Il nous faut prendre de la distance avec l'héritage pyramidal commun à tous les grands groupes au XXe siècle ». Il entend donc réorganiser le groupe « en se mettant à l'écoute de chaque marché ». Voilà comment un porte-parole de la finance mondialisée récupère l’idée du local et de l’autonomie alimentaire : par « l’écoute des marchés » !
L’action Danone cotait 50,84 euros le 23 novembre et 53,86 le 30 novembre… Le constat est malheureusement clair : en sept jours, elle a enregistré une hausse de près de 6 %, après une forte chute sur un an de 26,5 % (ensemble du CAC 40 : - 4,63 %). L’annonce de ce nouveau plan et de la suppression d’emplois a donc des effets positifs sur le cours de l’action !
Danone remplit toutes les cases de l’entreprise exemplaire en bonne logique capitaliste… Comme le titrait Jérôme Ripoull dans une tribune publiée par Les Échos, le 24 novembre : « Danone : de la RSE au PSE ? ».
Une lutte difficile
Dès l’annonce de Danone, la CGT (fédération agroalimentaire et forestière) a appelé à la mobilisation générale. Un Comité de groupe mondial s’est tenu le 25 novembre, organisé concomitamment par Danone et l’UITA (une internationale professionnelle agricole et alimentaire). Ce qui n’a « rien de fortuit » pour la CGT qui y est intervenue « pour affirmer ses positions et ses exigences ». La centrale a par ailleurs appelé « à une assemblée générale des militantes et militants CGT du groupe le 26 novembre au siège [...] à Montreuil. »
Pour sa part, la FGTA-FO, dans sa déclaration au Comité international Danone du 25 novembre, déplore « qu’une fois de plus, les seules variables d’ajustement en cas de difficultés sont l’humain et l’emploi, alors que d’autres alternatives auraient pu être déployées ». La fédération condamne naturellement le plan social et rappelle « que Danone, entreprise qui se prétend engagée socialement, bénéficie des aides de l’État français avec l’activité partielle pendant cette crise sanitaire ».
La période de crise sanitaire n’aide pas, mais il semble que la mobilisation apparaisse difficile. Cet exemple est très instructif sur la logique des grandes entreprises, y compris dans cette période. Il montre aussi la difficulté de s’opposer à de telles entreprises internationales.
Cet article de notre camarade Didier Lassauzay a été publié dans le numéro de décembre 2020 (n°280) de démocratie&Socialisme, la revue de la gauche démocratique et sociale (GDS).