GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Printemps marseillais : la gauche unie est porteuse de changements

Pauline Delage et Renaud Cornand, deux militant.es d’Ensemble! impliqués au sein du Printemps marseillais, nous ont proposé d’établir, à mi-mandat, une esquisse de bilan de l’expérience unitaire menée à Marseille depuis 2020. C’est très volontiers que nous leur avons ouvert nos colonnes.

À l’occasion des dernières élections municipales en 2020, la droite qui gouvernait Marseille depuis 25 ans a été battue par le Printemps marseillais. C’est une gauche politique, unie et diverse, incluant notre mouvement Ensemble!, qui s’est retrouvée dans ce rassemblement inédit à Marseille aux côtés de nombreux collectifs citoyens et associatifs, de citoyen.nes non-impliqué.es dans des organisations, mais désireuses et désireux de faire advenir le changement dans leur ville.

Aux origines de la victoire

Les effondrements de la rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018, qui avaient ôté la vie à huit personnes, et d’autres scandales, comme l’état désastreux des écoles dans la 2e ville de France, avaient rappelé l’urgence de s’unir contre l’incurie municipale et la droite clientéliste*. Ce qui s’est passé à Marseille n’est sans doute pas reproductible à l’identique à d’autres niveaux, départementaux, régionaux ou nationaux, mais la démonstration est faite que les échéances électorales qui reconduisent les mêmes pour une même politique, catastrophique du point de vue social et écologique, ne sont pas une fatalité.

Résumé dans le slogan « Pour une ville plus juste, plus verte, plus démocratique », le programme autour duquel la campagne s’est construite a été produit par des commissions thématiques réunissant militant.es syndicaux, politiques ou associatifs et expert.es des questions traitées. Comme Lyon et Paris, Marseille est divisée en arrondissements, et les élections municipales ont d’abord lieu au niveau des huit secteurs (rassemblant deux arrondissements), chacun d’entre eux ayant un contingent d’élu.es en mairie centrale, qui à leur tour élisent le ou la maire de la ville. Les équipes de militant.es organisé.es au niveau des secteurs se sont donc appropriées les axes du programme en les déclinant localement.

Malgré le contexte sanitaire qui a conduit à une campagne exceptionnellement longue, l’implication de tout.es les colistier.es et de toutes celles et ceux qui souhaitaient contribuer à construire un projet de transformation pour Marseille s’est traduite par une action quotidienne de centaines de femmes et d’hommes pour populariser un projet répondant aux urgences sociales, démocratiques et environnementales.

Des chantiers multiples

La dynamique politique ne s’est pas arrêtée après les élections. Au lendemain de la victoire du Printemps marseillais, des associations réunissant des militant.es ayant contribué à la campagne se sont constituées. Elles sont aujourd’hui au nombre de six, recouvrent la quasi-totalité des arrondissements de la ville et comptent plus de 400 adhérent.es. Considérant que le temps était venu de ne plus laisser la gestion des intérêts des habitants à la seule charge de leurs élu.es, ces collectifs participent à populariser les actions du Printemps marseillais, mais sont loin de se limiter à un soutien inconditionnel de la politique municipale. Ils ont été amenés à produire à plusieurs occasions des interventions critiques sur les orientations mises en œuvre lorsqu’elles s’éloignaient des engagements du programme.

Marseille demeure un bon exemple rappelant que porter une gauche unie au pouvoir a des effets concrets. Une fois la majorité de gauche élue, le découpage des compétences entre notamment la ville et la métropole rend impossible de traiter tous les sujets – même s’ils sont tous prioritaires si l’on veut améliorer significativement les conditions de vie des classes populaires marseillaises. Par exemple, la voirie, la gestion des déchets et les transports – des enjeux particulièrement importants à Marseille – relèvent des compétences métropolitaines. Or, après les élections municipales, la métropole est restée dominée par la droite, et le rapport de force en son sein est largement défavorable à Marseille.

Outre un travail de longue haleine mené par la ville pour atténuer ce déséquilibre des compétences, structuré par un déséquilibre démocratique et financier, et faire en sorte que les élu.es de la majorité marseillaise aient voix au chapitre dans les décisions métropolitaines, les axes centraux du mandat se sont concentrés sur les compétences propres à la ville, en particulier les écoles. Lancé en octobre 2021, le plan école mis en place par la majorité concerne l’ensemble des 470 écoles de la ville, 170 doivent à terme être entièrement rénovées. La solidarité est également un enjeu fort, dans un contexte de crise sociale dans une ville jusqu’alors largement sous-dotée en équipements : des douches municipales ont par exemple été créées, la charte du relogement a été adoptée pour les personnes vivant dans des habitats insalubres, le budget dédié a été augmenté et le soutien au travail des associations s’est vu renforcé.

Les chantiers sont nombreux pour rendre la ville plus écologique, qu’il s’agisse de plantation d’arbres, d’entretien des parcs, ou de négociations avec la métropole pour limiter l’usage de la voiture et développer les transports publics. Parallèlement au déploiement de politiques publiques plus justes, la municipalité s’est également positionnée au côté des migrant.es en soutenant SOS Méditerranée, des personnes victimes du racisme en baptisant une avenue Ibrahim Ali, du nom du jeune homme tué par des colleurs d’affiche du FN en 1995, et en rebaptisant l’école Bugeaud du nom d’Ahmed Litim, un tirailleur algérien libérateur de Marseille.

Des défis à relever

Trois défis majeurs restent encore à nos yeux à relever par le Printemps marseillais : la prolongation et l’affermissement de ses choix politiques en faveur des opprimé.es ; son élargissement – malgré la présence de certain.es de ses militant.es, la France insoumise n’en fait aujourd’hui pas officiellement partie – ; le renforcement de la visibilité des politiques mises en œuvre par la majorité municipale qui passe notamment par un meilleur ancrage populaire.

Sur le modèle de ce qui s’est fait pendant la campagne électorale, il est urgent que le Printemps marseillais redevienne un outil investi par les militant.es et les habitant.es, notamment celles et ceux des quartiers populaires. Les formes que peut prendre la structuration du Printemps comme mouvement politique sont aujourd’hui en débat et doivent trouver une issue positive. L’unité de la gauche qui a permis une dynamique plus large et victorieuse doit encourager la mobilisation de toutes celles et ceux qui veulent faire de Marseille une ville plus juste, plus verte, plus démocratique !

Cet article de Pauline Delage et Renaud Cornand a été publié dans le numéro 304 (avril 23) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

* Voir, dans nos colonnes, Philippe Batoux, « Rue d’Aubagne : un drame évitable à plus d’un titre », Démocratie & Socialisme n° 260, décembre 2018, p. 6 (Ndlr).

Les auteurs

Pauline Delage, membre d’Ensemble! (Mouvement pour une alternative de gauche écologiste et solidaire), est élue du Printemps marseillais et adjointe au 4e secteur de la ville de Marseille.

Renaud Cornand, également membre d’Ensemble!, milite activement au sein de l’association Citoyennes et citoyens du 6/8 pour une ville plus juste, plus verte, plus démocratique.

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