GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

À Gauche

Pour une exception agriculturelle (tribune de Picardie Debout !)

Dans le cadre des échanges que nous menons avec Picardie debout !, la formation politique lancée par notre ami François Ruffin dispose d’une carte blanche mensuelle dans les colonnes de Démocratie&Socialisme. Ce mois de février, Guillaume Ancelet suggère une issue par le haut à la crise agricole que nous traversons.

Les paysan.nes sont des gens dont le métier, la passion, est de cultiver la terre, honorer les campagnes, habiter le pays. Oui, c’est une passion, héritée ou non, qui occupe la vie entière de femmes et d’hommes qui s’engagent pour le vivant, animal et/ou végétal.

Un métier pas comme les autres

Cette passion est au service d’un idéal : nourrir la société, tandis que l’exploitant agricole renvoie, lui, à l’image d’un entrepreneur prêt à essorer les sols et les bêtes jusqu’à la dernière goutte de production rentable. L’exploitant agricole dégrade les écosystèmes quand le paysan aggrade les sols, régénère les cycles du vivant. C’est de cette agriculture dont on a besoin et envie, et que l’on doit aider face au défi climatique.

Mais, paysan, c’est également un métier. Un métier trop mal reconnu aujourd’hui et un salaire largement insuffisant pour une partie des paysans. Les agriculteurs, comme toute personne vivant en France, doivent pouvoir vivre de leur travail. Bien le vivre, ce sont les conditions de travail et bien en vivre, c’est le salaire. D’autant plus, qu’avoir en France une agriculture familiale est de l’ordre de l’intérêt général : l’accès à une nourriture de qualité, produite près de chez soi, dans le respect du vivant, de l’air, de l’eau et des paysages.

« L’agriculture est une chose trop sérieuse pour être laissée aux seuls agriculteurs ». Cette phrase de François Ruffin signifie que les agriculteurs ont leur mot à dire, évidemment, mais les consommateurs, les citoyens, les politiques aussi. Leur travail,concerne nos terres et nos assiettes. C’est pour cela qu’il faut une exception agriculturelle, qui fasse sortir la production de nourriture des lois impitoyables du marché : concurrence, croissance, mondialisation. Au même titre que collectivement, nous avons construit une exception culturelle, il nous faut une exception agriculturelle. N’importons pas ce que l’on interdit en France !

Faillite macroniste

Quelle agriculture voulons-nous ? Il s’agit aujourd’hui de dénoncer les responsables de la crise du monde agricole, qui se cachent derrière les beaux discours, mais construisent, actent, signent des traités de libre-échange avec des pays moins-disants au niveau économique et écologique. Le syndicat majoritaire (la FNSEA), les gouvernements successifs ont livré les producteurs français au marché mondial via lequel arrivent sur notre sol l’agneau néo-zélandais à moins de 2 euros le kilo, les poulets brésiliens nourris aux hormones et aux OGM, le blé ukrainien produit dans des méga-holdings agricoles de 10 000 hectares… Le « en même temps », caractéristique du macronisme, est une fois de plus intenable. On ne peut pas, en même temps, demander à nos agriculteurs de produire de la nourriture toujours moins chère, et de grande qualité nutritive et environnementale.

Il nous faut choisir la montée en gamme de nos productions en adéquation avec les connaissances environnementales, et les rémunérer avec un prix plancher qui intègre les coûts de production et le salaire des paysans. Fixer des coefficients multiplicateurs qui assurent aux consommateurs qu’entre les producteurs et la grande distribution les prix ont été contenus. Aujourd’hui, payer cher son alimentation ne garantit pas de rémunérer correctement les paysans, mais augmente les marges des agro-industries. Définir des quotas de production pour éviter la volatilité des cours, éviter la surproduction, produire ce dont on a besoin pour nous nourrir avec des produits de qualité dont nous pouvons être fiers, nous semble une voie raisonnable pour maîtriser, protéger et réguler la filière du champ à l’assiette.

Des mesures de gauche

Ne nous trompons pas de cible. Par facilité, les écolos sont pointés du doigt par les médias ou les agriculteurs, comme les « emmerdeurs ». Mais les normes, les lois, les contraintes, la « paperasse », ce ne sont pas les écolos qui les définissent, ce sont les libéraux et la droite du PPE (Parti populaire européen) qui exercent le pouvoir depuis 25 ans au Parlement européen !

Dans l’imaginaire collectif et les sondages, l’agriculture est un monde de droite. Mais la gauche a instauré de grandes lois agricoles. En 1936, le Front populaire a fait voter la loi sur les coopératives qui structure encore le monde agricole aujourd’hui. Dans l’après-guerre, le ministre socialiste de l’Agriculture Tanguy-Prigent a mis en place une loi sur le fermage et le métayage, qui permet aux agriculteurs d’avoir des terres dans la durée et les avoir en location à un prix correct. La gauche est capable dans la durée d’apporter des réponses de régulation et de protection dont le monde agricole a besoin. Aujourd’hui, c’est par la sortie du libre-échange, les quotas de production, les coefficients multiplicateurs et les prix planchers que la Gauche doit s’imposer comme la force motrice du monde agricole. Appelons cela l’exception agriculturelle française et embarquons la société dans cette voix.

Cette tribune de Guillaume Ancelet (président de Picardie Debout !) est à retrouver dans le numéro 312 (février 24) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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