GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Pour les droits du peuple palestinien

Les massacres du 7 octobre ont à bon droit horrifié le monde. La violence aveugle de la riposte israélienne est quant à elle absolument intolérable. Face à ces deux barbaries, la seule issue viable se trouve, pour les deux peuples en deuil, dans Netanyahoula conclusion d’un cessez-le-feu immédiat, puis dans l’ouverture de négociations permettant de reconnaître les droits du peuple palestinien.

Le 7 octobre fut une irruption sauvage, brutale, pour terroriser la partie du peuple israélien qui se trouvait à portée des commandos terroristes du Hamas. Ces derniers n’ont reculé devant aucune horreur : ils ont tué des civils, dont des femmes et des enfants, et ont kidnappé plus de 200 otages, pour frapper l’opinion d’Israël et du monde entier. Ils s’en sont délibérément pris, non aux seuls militaires, mais à tous les citoyens israéliens – y compris à ces centaines de jeunes qui participaient à un festival. L’ampleur du massacre perpétré (1 200 morts) a pour but de briser tout espoir de paix. L’ampleur de la condamnation que cette abomination suscite, ainsi que l’indignation considérable qu’elle provoque, isolent la question des droits légitimes du peuple palestinien. Le Hamas renforce de fait Netanyahou, et lui donne le prétexte idéal pour fixer comme objectif de « raser Gaza ».

Le martyr de Gaza

Le pire, c’est que ces terroristes se paraient d’une cause fondée depuis 75 ans : la reconnaissance des droits du peuple palestinien. Mais comme cette juste cause est brandie par l’extrême droite la plus obscurantiste, la plus fanatique et la plus violente, ce n’est pas un soulèvement populaire qui a eu lieu, mais un sinistre pogrom, mis en œuvre avec des moyens d’action terrifiants.

Le peuple de Gaza subit un blocus féroce depuis plus de 25 ans. Il n’a aucun contrôle sur son eau, ni sur son air, sa nourriture, son énergie ou encore son approvisionnement. Aucune liberté non plus : 2,5 millions de Gazaouis, dont la moitié d’enfants, sont étouffés dans des zones tampons, avec un no man’s land de 100 à 300 mètres, des doubles barrières, 700 kilomètres de mur en béton de 9 mètres de haut, des miradors, des drones et capteurs, des tours d’observation, des check-points qui suscitent une attente aussi interminable qu’humiliante, des files de camions d’approvisionnement, pourtant en nombre insuffisant, inspectés chaque jour...

Tout cela fait de Gaza une cocotte-minute sociale et nationale. Ceux qui ont imposé une telle prison à ciel ouvert ne pouvaient ignorer qu’elle allait exploser. Pire ils ont facilité le financement par la Qatar du Hamas, le « préférant » aux mouvements de libération palestiniens laïques groupés dans l’OLP. En 2019, Netanyahou déclarait : « Quiconque veut contrecarrer la création d’un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas, et transférer de l’argent au Hamas. Cela fait partie de notre stratégie ». Tout est dit là : depuis son arrivée au pouvoir, l’extrême droite suprématiste et raciste israélienne a opté pour la politique du pire, et le piège tendu à l’ennemi s’est retourné contre la population civile, le 7 octobre.

La « paix » armée

Netanyahou savait-il qu’une attaque du Hamas était imminente ? De nombreuses sources affirment que oui. L’ancien Premier ministre israélien Yaïr Lapid, dans un tweet publié le dimanche 29 octobre, affirme avoir averti Netanyahou, dès le 20 septembre de l’imminence de l’agression islamiste. Les services égyptiens aussi. Comment, avec tous leurs drones et autres moyens de contrôle de Gaza, la préparation d’une attaque aussi massive que celle du Hamas a-t-elle pu échapper aux dirigeants israéliens ? Peut-être étaient-ils trop affairés à soutenir, à l’Est, des colons bien décidés à chasser tous les Palestiniens de Cisjordanie, pour veiller à protéger la population israélienne du sud du pays.

La colonisation est l’œuvre principale de la politique de Netanyahou et force est de constater que les massacres du 7 octobre lui donne l’occasion d’avancer ses pions encore plus loin. En Cisjordanie depuis le 1er janvier 2023, 243 Palestiniens ont été tués dans des opérations illégales d’expulsion. Au total, selon l’ONU, de 2008 à 2020 dans ce genre d’opérations condamnées par l’ONU à plusieurs reprises, il y a eu 2781 tués côté palestinien contre 61 victimes israéliennes.

L’Autorité Palestinienne élue en Cisjordanie était affaiblie et discréditée par ses compromis et son impuissance à résister aux brutalités des colons et des militaires israéliens. Elle, qui avait abandonné la lutte armée, voyait la haine de son peuple monter contre les spoliateurs et les occupants. Comme disait John F. Kennedy, « à vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes ». C’est donc le Hamas, arguant de sa légitimité électorale de 2006, alors qu’il est sans doute minoritaire dans la population de Gaza, qui a pris le dessus et imposé son programme et ses méthodes.

Choisir entre deux barbaries ?

Hamas contre Netanyahou, c’est extrême droite contre extrême droite. Les deux peuples sont livrés à leurs pires défenseurs.

La Charte du Hamas (1987) refuse toute négociation, s’oppose à toute perspective à deux États et écrase tous les opposants. Elle est marquée du sceau d’un antisémitisme viscéral (amalgame juif-sioniste, liens supposés entre les juifs et le monde médiatique... et avec la franc-maçonnerie, référence explicite aux Protocoles des sages de Sion, cet odieux faux de l’Okhrana tsariste...). Elle est aussi caractérisée par un sexisme et, plus généralement, un obscurantisme affligeants.

Netanyahou prétend pour sa part qu’il mène une « guerre de civilisation », une « guerre de la lumière contre les ténèbres » en massacrant, pnon pas tant les cadre du Hamas que des milliers de Palestiniens. L’extrême droite israélienne fait indéniablement concurrence aux islamistes les plus réactionnaires dans leurs récentes déclarations sur Gaza. Yoav Gallant, ministre de la Défense, a lancé : « Nous combattons des animaux, nous agissons en conséquence ». Toute la population est visée, puisque Daniel Hagari, porte-parole de l’armée israélienne, a affirmé que l’accent militaire était « mis sur la destruction, non sur la précision » (10 octobre). Selon l’officier israélien Eliyahu Yossian, à Gaza, il n’y a de toute façon « pas de civils, mais 2,5 millions de terroristes ». Une des dirigeantes du Likoud, Tally Gotliv, a exhorté les soldats à « écrase[r] et rase[r] Gaza sans pitié » (9 octobre 2023), faisant ainsi chorus à Netanyahou qui annonçait la veille qu’il fallait « faire de Gaza un champ de ruines ».

Et pendant que les Gazaouis ploient sous les bombes en dépit de l’indignation de la planète entière (nonobstant le refus de Joe Biden d’appeler au cessez-le-feu, et les méprisables circonvolutions de Macron), en Cisjordanie, les colons en profitent pour attaquer les Palestiniens, voler leurs terres et leurs maisons, boucher leurs puits et tuer sans pitié toutes celles et tous ceux qui se défendent. En quelques jours, les soldats israéliens ont emprisonné, à la plus grande joie des colons, plus de 1 000 Cisjordaniens qui ont rejoint en prison les 4 500 autres prisonniers politiques palestiniens.

L’isolement palestinien

Ces dernières années, la question palestinienne paraissait fragilisée aux yeux de toutes celles et de tous ceux qui voulaient l’enterrer. Les 15 millions de Palestiniens étant soit exilés, soit privés de droits, soit en passe de l’être, les États arabes ayant quasiment tous, lâchement, abandonné leur cause, les « accords d’Abraham » allaient être signés et étendus pour entériner cette tragédie.

Les « accords d’Abraham » tirent leur nom du patriarche des trois religions monothéistes, qui ont pour berceau la région de Jérusalem. Ces traités, conclus à l’initiative de l’administration Trump, ont accéléré un réalignement géopolitique dans le dos des Palestiniens. Le 15 septembre 2020, les Émirats arabes unis, Bahreïn et Israël ont en effet signé à Washington des traités de paix, suivis par le Maroc et le Soudan. C’était un « tournant de l’histoire » selon Netanyahou, toujours soucieux de contrecarrer la reconnaissance d’un État palestinien dont il ne veut à aucun prix. En 2019, 138 des 193 États de l’ONU reconnaissaient l’État palestinien, soit la presque totalité des États africains, asiatiques, sud-américains, de l’ancienne URSS et de l’Europe de l’Est. En revanche, les « puissances occidentales », dont les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et le reste de l’UE (la Suède exceptée), ainsi que la Corée, le Japon, l’Australie ou encore la Nouvelle-Zélande ne reconnaissent pas l’État palestinien. C’est un enjeu international majeur.

Comment 15 millions de Palestiniens (3,5 en Cisjordanie, 2,3 à Gaza, 1,7 en Israël et plus de 7,5 millions de réfugiés essentiellement dans les pays arabes voisins) peuvent-il être oubliés et même rayés de la carte ? Aucune guerre ni manœuvre diplomatique – fussent-elles inspirées d’Abraham – n’y sont totalement parvenu depuis la création de l’État d’Israël, il y a 75 ans.

Archéologie d’un conflit

Le 2 novembre 1917, les Britanniques ont publié une lettre ouverte annonçant l’établissement en Palestine d’un « foyer national pour le peuple juif ». De l’aveu de Churchill, cette proclamation était faite pour assurer à l’Entente l’appui de la communauté juive dans le conflit l’opposant à l’Allemagne et à son allié ottoman, qui contrôlait la Syrie-Palestine depuis 1516. Selon l’homme d’État conservateur, la déclaration Balfour de 1917 ne devait pas « être regardée comme une promesse faite pour des motifs sentimentaux », mais comme « une mesure pratique prise dans l’intérêt d’une cause commune à un moment où cette cause ne pouvait se permettre de négliger aucun facteur d’assistance ».

Les effectifs juifs dans cette Palestine mandataire, passée sous contrôle britannique par la grâce du Traité de Sèvres qui acta le démembrement de l’Empire ottoman, ne dépassent pas la barre des 85 000 individus en 1922. Ils représentent à cette date 11 % de la population totale, majoritairement arabo-musulmane, mais qui compte également en son sein des Druzes, des Soudanais, des Grecs ou encore des Circassiens.

Cette installation progressive (20 % en 1931, et 30 % en 1939) rencontre l’hostilité des populations arabes de Palestine. Les années 1930 sont d’ailleurs le cadre de la grande révolte de 1936-1939, qui avait pour mot d’ordre la fin de l’immigration juive, mais surtout celle du mandat colonial britannique. Ce soulèvement fut durement réprimé par l’occupant anglais.

Entre 1939 et 1945, la Shoah voit l’extermination de cinq à six millions de juifs. L’émotion et la compassion envers les rescapé.es des « camps de la mort » est immense. Dès 1944, les vainqueurs du second conflit mondial (les États-Unis, la Grande-Bretagne, mais aussi l’Union soviétique et même la France) choisissent de promouvoir la création d’un État juif en Palestine.

Le mouvement d’installation en Palestine s’accélère et, en 1948, on y dénombre 650 000 juifs, soit 40 % de la population totale. C’est alors que différentes milices juives telles que l’Irgoun, la Haganah ou encore le groupe Stern, s’attellent à chasser les Palestiniens de leurs terres, si bien qu’au moment du vote de la fameuse résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, le 29 novembre 1947, les juifs revendiquent et obtiennent 54 % du territoire (en comptant le désert du Negev). Un million d’arabes, correspondant à 60 % de la population, n’en conservent que 46 % et 400 000 d’entre eux sont poussés à l’exil dans des camps de toile, ce qui va initier un cycle infernal de guerres et de déplacements de populations pendant des décennies.

Vu l’exode forcé des Palestiniens qui affecte chacun des pays voisins et les réactions hostiles des populations arabes à la perte de territoires considérés comme des « terres d’islam », le vote de l’ONU est obtenu par 33 voix pour, 10 abstentions et 13 voix contre, émanant majoritairement de pays arabes et/ou musulmans.

Prise d’avantage

Les organisations juives ultras ne sont pas non plus satisfaites de la répartition onusienne, puisque l’État juif embryonnaire abrite 42 % de Palestiniens. Ces derniers sont jugés encore trop nombreux par les dirigeants israéliens. Pas étonnant qu’au lendemain du 14 mai 1948 – jour où l’État israélien fut officiellement proclamé par Ben Gourion –, Israël refuse de reconnaître les frontières de 1947 et continue les expulsions. C’est en réaction à cette agressivité foncière que la première guerre éclate avec l’Égypte, la Syrie, la Jordanie et l’Irak.

Israël, qui s’appuie sur des troupes entraînées et bien équipées, l’emporte aisément face à des armées arabes désorganisées et isolées. Profitant de la défaite arabe, Israël étend son territoire qui passe de 54 à 78 % de celui de l’ancienne Palestine mandataire. Des armistices sont rapidement conclus avec l’Égypte, qui gouverne Gaza, et la Jordanie, qui, elle, annexe la Cisjordanie et Jérusalem-Est. La « Ville sainte », placée jusque-là sous contrôle international, est coupée en deux par la « Ligne verte ». 400 villages arabes sont rayés de la carte. Sur leurs ruines, on assiste à la construction de nouveaux établissements juifs. Le conflit se conclut sur l’expulsion de 800 000 Palestiniens de leurs terres : c’est la Nakba (la « catastrophe »). Ces exilé.es cherchent l’asile dans les pays voisins et sont massé.es, faute de mieux, dans des camps de réfugiés, censés être provisoires, mais qui seront malheureusement amenés à durer et à peser sur le conflit. Seuls 130 000 Palestiniens restent sur le territoire d’Israël.

Résolution n° 181 de l’ONU (29 novembre 1947) : la Palestine est divisée en deux États indépendants, l’un arabe, l’autre juif, et Jérusalem est placée sous administration des Nations unies.

Résolution n° 194 (11 décembre 1948) : les réfugiés qui le souhaitent doivent pouvoir « rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et vivre en paix avec leurs voisins » – c’est le fameux « droit au retour » ; les autres doivent être indemnisés de leurs biens « à titre de compensation ». Une commission de conciliation des Nations unies pour la Palestine est créée.

De Six jours en Kippour

La guerre des Six Jours a opposé, du 5 au 10 juin 1967, Israël à l’Égypte, à la Jordanie et à la Syrie. Cette guerre fut déclenchée par Israël en réaction aux mouvements de troupes égyptiennes et à la suite du blocus du détroit de Tiran, lancé par Nasser le 23 mai contre les navires israéliens. Grâce à son armée moderne et à l’aide occidentale (les États-Unis, jusque-là discrets, viennent de prendre le relais de la France et de l’Europe orientale en termes de soutien militaire), Israël l’emporte triomphalement et élargit son emprise sur la région en occupant la bande de Gaza, la péninsule du Sinaï, le plateau du Golan au Liban, ainsi que toute la Cisjordanie et Jérusalem-Est. C’est l’acte de naissance des « territoires occupés ».

Résolution n° 242 de l’ONU (22 novembre 1967) : elle demande le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés, alors qu’Israël y lance la construction de colonies.

Résolution n° 252 (21 mai 1968) : le Conseil de sécurité déclare « non valides » les mesures prises par Israël, y compris « l’expropriation de terres et de biens immobiliers », qui visent à « modifier le statut de Jérusalem », et demande à l’État israélien de s’abstenir de prendre de telles décisions.

Résolution n° 267 (3 juillet 1969). Le Conseil de sécurité censure « toutes les mesures prises [par Israël] pour modifier le statut de la ville de Jérusalem ».

Cette absence de reconnaissance internationale de l’état de fait imposé en 1967 débouche sur la guerre du Kippour. Le 6 octobre 1973, l’armée égyptienne franchit le canal de Suez à la faveur de la fête juive du Yom Kippour, pendant laquelle se recueillent beaucoup d’Israéliens. L’Égypte, profitant de l’effet de surprise, prend un temps – et pour la première fois – le dessus sur le terrain, ses forces sont finalement repoussées par l’armée israélienne et un cessez-le-feu est vite conclu.

Résolution n° 340 de l’ONU (25 octobre 1973) : à la suite de la guerre de Kippour est créée la deuxième Force d’urgence des Nations unies (FUNU-II), chargée de « superviser le cessez-le-feu entre les forces égyptiennes et israéliennes » et d’assurer le « redéploiement » de ces mêmes forces.

Résolution n° 446 (22 mars 1979) : « Le Conseil de sécurité de l’ONU exige l’arrêt des pratiques israéliennes visant à établir des colonies de peuplement dans les territoires occupés et déclare aucune validité en droit. »

Destin du processus de paix

La lutte contre l’implantation des colonies et contre l’occupation militaire devient à partir de là, le centre de la lutte des Palestiniens organisée par le Fatah et l’OLP. Jusqu’à la fin des années 1950, les Palestiniens sont subordonnés aux dirigeants arabes des pays voisins. Ce sont eux qui parlent en leur nom. Le Fatah (« Conquête ») est fondé en 1959 par des militants palestiniens autour de Yasser Arafat. En 1966, on assiste à la création de l’OLP, qui regroupe autour du Fatah d’autres organisations laïques se réclamant du marxisme (FDLP, FPLP). Le Fatah, en lien avec ses alliés l’OLP, mène la lutte armée avec un objectif clair : « l’établissement d’un État unitaire, démocratique et non sectaire, où toutes les personnes et groupes auront des droits et des obligations égales indépendamment de leur race, de leur couleur de peau et de leur croyance ». S’il n’a pas l’intention de résoudre le problème palestinien en créant un « problème juif », il considère qu’il ne peut pas y avoir de paix réalisée aux dépens des Palestiniens.

En 1988, coup de théâtre : le Fatah abandonne la solution à un État, laïque et binational, reconnaît l’existence de l’État d’Israël et négocie une « solution à deux États », que les Israéliens n’accepteront jamais réellement. En 1988, l’OLP proclame l’État de Palestine qui est reconnu par 89 États. L’OLP obtient un siège à l’ONU en tant qu’État-observateur permanent sous le nom de « Palestine ». Cette réorientation profonde s’explique par deux événements survenus tous deux en 1987 : la création du Hamas et l’explosion de ce qui est resté dans l’histoire comme la « première Intifada ». Ce soulèvement généralisé dans les territoires occupés, notamment dans les rangs d’une jeunesse qui a grandi à l’ombre de l’occupant, a permis à l’OLP d’instaurer un rapport de force propice à la tenue de négociations.

Les négociations s’engagent donc et deviennent officielles après l’arrivée en 1992 d’un gouvernement de gauche en Israël avec Yitzhak Rabin à sa tête. Les « accords d’Oslo » sont finalement conclus en 1993 et constituent le premier vrai processus de paix avancé avec promesse de reconnaissance mutuelle et l’objectif de deux États ayant droit de vivre en paix et en sécurité. L’Autorité palestinienne basée en Cisjordanie et à Gaza organise en conséquence l’élection d’un Parlement palestinien. Transitoirement, la

Cisjordanie est découpée en trois zones :

- la Zone A, qui correspond aux villes palestiniennes sous contrôle de l’Autorité palestinienne (18 % du territoire) ;

- la Zone B qui englobe les villages sous contrôle conjoint de l’armée israélienne et de l’Autorité Palestinienne (22 % du territoire) ;

- la Zone C sous contrôle total d’Israël (60 % du territoire)

Dans les accords d’Oslo était prévue une période de six ans jusqu’à des négociations finales censées se tenir en 1999. Mais, en novembre 1995, l’assassinat de Rabin par un extrémiste juif met un coup d’arrêt au processus de paix. D’autant qu’en 1996, Netanyahou arrive au pouvoir pour la première fois et annule la décision prise sous Rabin d’empêcher le développement des colonies. La confiscation des terres et la colonisation reprennent en force, sous la supervision du gouvernement israélien.

Le retour de la colonisation

En 2000 a lieu la deuxième Intifada. À partir de cette date, il n’y a plus de négociations de paix. En 2011, il y a bien la demande d’adhésion de l’État de Palestine à l’ONU. L’Assemblée générale vote pour, mais les États-Unis mettent leur veto... Ce camouflet a fini de fermer toutes les voies aux Palestiniens. Leurs terres continuent d’être grignotées illégalement, violemment, en dépit des résolutions de l’ONU. Quant à Netanyahou, il étouffe une à une toutes les chances de paix.

Cela débouche sur la situation actuelle. L’État d’Israël compte 9,2 millions d’habitants dont 21 % d’Arabes palestiniens qui ont un passeport israélien et le droit de vote. À Gaza, il y a 2,3 millions de Palestiniens (dont 1,5 de réfugiés) et, en Cisjordanie, ils sont 3,5 millions.

La situation des réfugiés palestiniens est catastrophique : ils étaient 700 000 en 1948-1949 ; ils sont aujourd’hui 5,7 millions ! Il y a 2,3 millions de réfugiés (sur 10 millions d’habitants) en Jordanie dont 400 000 répartis dans dix camps, même si la plupart ont la nationalité jordanienne. Au Liban, ils sont 480 000 et vivent dans douze camps, mais n’ont pas l’autorisation d’exercer certains métiers ; la Fonction Publique leur est par exemple interdite. En Syrie, il y a douze camps où sont entassés 560 000 Palestiniens, dont 82 % vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Quant à la Cisjordanie,

880 000 déplacés de 1948 y vivent dans 19 camps.

La colonisation de la Cisjordanie se fait impitoyablement : il y avait 17 colonies israéliennes en 1973, 36 en 1977, et 150 aujourd’hui. En 1967, il y avait 2 000 juifs en Cisjordanie ; on comptait 100 000 colons en 1992 et ils sont aujourd’hui plus de 700 000 (autorisés à porter une arme, qui plus est !). Sous Ariel Sharon, les Israéliens ont construit 712 km de murs pour compartimenter et contrôler le territoire avec 570 check-points humiliants à franchir pour les Palestiniens qui sont théoriquement sur leurs terres. À cela s’est ajouté le féroce blocus de Gaza et l’annexion de Jérusalem-Est, pourtant considérée par les Palestiniens comme leur capitale.

Le discrédit du Fatah

Du côté palestinien, de 1965 aux années 2000, l’OLP est le représentant incontesté de la nation, avec, à sa tête, le Fatah, et Yasser Arafat qui négocie les accords d’Oslo en 1992. Mais, à partir de 1987, l’OLP, qui s’oriente insensiblement vers la reconnaissance d’Israël, est donc contesté par le Hamas. C’est le bras politique et armé des Frères musulmans, qui compte aujourd’hui près de 30 000 combattants. Sa charte prône, malgré des aménagements récents faits pour berner les occidentaux, la destruction d’Israël et vise à l’instauration d’un État islamique sur tout le territoire de la Palestine mandataire.

Le Hamas refuse le processus de paix que l’OLP voulait et que les assassins de Rabin, puis Netanyahou, ont fait capoter. L’organisation islamiste ne se présente pas aux élections palestiniennes de 1996, mais participe à celles de 2006 qu’elle emporte avec 43 % des voix (contre 40 % pour le Fatah), et même un peu plus de 48 % dans la bande de Gaza. En 1996, le Fatah avait obtenu 68 des 88 sièges ; en 2006, le Hamas en arrache 74, le Fatah n’en conservant que 45 et le FPLP 3. Ismaël Haniyeh, un des dirigeants de la formation islamiste, devient alors Premier ministre de l’Autorité palestinienne, mais, très vite, un conflit violent s’ouvre avec le Fatah. Haniyeh est finalement limogé en 2007. La même année, le Hamas s’installe au pouvoir à Gaza par les armes, en assassinant des représentants du Fatah et en expulsant les autres. La démocratie palestinienne a vécu. Depuis cette date, plus aucun scrutin national n’a été organisé et même les élections prévues pour 2021 ont été reportées sine die, Israël refusant que les habitants de Jérusalem-Est aient le droit de vote. Dans les années 1990, l’OLP et le Fatah se confondaient avec l’Autorité palestinienne – d’où leur victoire aux élections de 1996 –, mais ils se sont discrédités par la corruption généralisée de leurs dirigeants, dont beaucoup sont d’anciens émigrés aux États-Unis, de retour au pays sans avoir participé aux luttes. Les accords d’Oslo confiant des pouvoirs de police conjoints à l’Autorité palestinienne et à Israël dans la zone B, la collaboration de cette dernière avec l’occupant mine également son prestige. Depuis la 2e Intifada, une nouvelle génération commence à émerger autour de la figure de Marwan Barghouti, mais il est emprisonné en Israël à partir de 2002. Il fonde, en vue des élections de 2021, Liberté, un nouveau parti qui est crédité d’environ 30 % des intentions de vote, et il est donné vainqueur du scrutin présidentiel (prévues la même année) contre Mahmoud Abbas et contre le Hamas..., scrutin annulé par Netanyahou, horrifié à l’idée qu’un militant laïque et populaire arrive à la tête du mouvement national palestinien, et déjà décidé à favoriser le Hamas.

Dérive israélienne

Côté israélien, 125 ans après le 1er congrès sioniste qui avait tracé la perspective de la construction d’un État apportant la sécurité et la tranquillité au peuple juif, force est de constater que cet objectif n’a jamais été atteint. Israël n’a connu que des conflits, avec les États arabes d’abord, puis avec le mouvement palestinien. Jamais il n’y a eu de paix ni de sécurité par l’écrasement des Palestiniens. La guerre larvée en Cisjordanie, marquée par des affrontements réguliers entre les colons israéliens soutenus par Tsahal, et les Palestiniens, est là pour le prouver. Tout comme les missiles lancés fréquemment depuis Gaza par le Hamas, malgré les quatre interventions armées israéliennes successives dans la bande de Gaza (2009, 2012, 2014, 2021). Gageons que le carnage actuel ne changera rien à l’affaire.

En Israël, deux partis principaux se sont succédé au pouvoir : le Parti travailliste de 1948 à 1974, puis le Likoud de Begin, Sharon et Netanyahou. Depuis 1977, la droite domine la scène politique israélienne sauf entre 1992 et 1996, puis entre 1996 et 2001, où gouvernait une coalition travailliste/Meretz (sorte de PSU). En 2023, seuls 35 % des Israéliens croient encore à la solution à deux États.

Suite aux élections du 1er novembre 2022, Netanyahou s’est allié ouvertement avec des partis d’extrême droite pour se maintenir au pouvoir. Belazel Smotrich et Itamar Ben Gvir, les deux ministres extrémistes les plus connus, sont des fanatiques suprématistes. Ils sont du même courant politique que l’assassin de Rabin, un courant aujourd’hui incarné par le Parti sioniste religieux (devenu Parti national religieux en août dernier), et croient en la suprématie de la loi divine et donc en celle du peuple juif, ce qui implique l’instauration d’une théocratie et l’éviction des « goys » palestiniens. Ce n’est là rien d’autre que le programme du Hamas en inversé. Il suffit de remplacer « musulmans » par « juifs », Torah contre Coran.

Une guerre sans fin ?

La politique du gouvernement israélien actuel est marquée :

- par la réforme de la justice qui a mis dans la rue des centaines de milliers d’Israéliens, la gauche, le centre et même certains partisans de la droite défilant ensemble contre le projet du gouvernement ;

- par une politique palestinienne favorisant, on l’a vu, le Hamas contre l’Autorité palestinienne ;

- par l’accélération de la colonisation en Cisjordanie avec le projet de Belazel Smotrich de doubler le nombre de colons.

Pour ce faire, Belazel Smotrich a obtenu la présidence de l’Autorité de planification des colonies. Ce choix de se concentrer sur la colonisation a été confirmé par le retrait de 23 divisions de l’armée de la zone sud (autour de Gaza), redéployées en Cisjordanie. Le parti de Smotrich, le PSR-PNR, vise l’annexion complète de la Cisjordanie et l’expulsion de ses habitants arabes. Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, milite lui aussi pour l’annexion et prône un politique de ségrégation des habitants arabes pour les inciter à l’exil.

On voit à quel point la lutte pour la paix et pour les deux États implique à la fois la chute du Hamas et le renvoi du gouvernement israélien actuel. Car Israël ne connaîtra jamais la paix ni la sécurité sans restaurer les droits légitimes du peuple palestinien. Sans cela, il y aura d’autres « 7 octobre » toujours plus inhumains, de générations en générations. La barbarie de la destruction de Gaza et de son peuple n’a pas de précédent à cette échelle. À l’heure où cet article est finalisé, il y a 11 000 morts dont plus de la moitié de femmes et d’enfants. Il est clair que plus l’agression durera, et plus elle laissera des séquelles irréparables à court et moyen terme. Seule une immense mobilisation partout dans le monde peut imposer le cessez-le-feu immédiat.

Les deux États ou la seule voie

Il faut fixer comme objectifs la libération des otages et l’ouverture de négociations. Au plan politique, seule la perspective de deux États est crédible. L’État binational, démocratique et laïque, auquel on peut rêver, est impossible au moins à court terme, après vingt ans de colonisation israélienne et cinq interventions à Gaza, tout comme après les terrifiants massacres du 7 octobre. Viser deux États dans les frontières de 1967, c’est autant une protection immédiate pour les Palestiniens que pour les Israéliens.

Deux États, ce n’est pas une abstraction : c’est un mot d’ordre politique concret. Et la seule issue réaliste pour la reconnaissance des droits légitimes du peuple palestinien.

Droit au retour ou à l’indemnisation pour les réfugiés ! À Gaza, fin du blocus mortifère ! En Cisjordanie, fin de l’occupation, restitution des terres illégalement occupées et arrêt du morcellement du territoire palestinien ! En Israël, égalité des droits entre Israéliens juifs et Israéliens arabes !

Ce long article historique est à retrouver dans le numéro de novembre de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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