GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Jeunes

Pour l'allocation d'autonomie !

Martine Aubry s’est engagée, alors qu’elle était invitée

au discours de clôture du 9e congrès du MJS, à intégrer

dans le programme du parti Socialiste

l’Allocation d’Autonomie. Mais les contours de cette allocation

ne sont pas évidents et ce dispositif peut être plus ou moins

ambitieux selon le contenu qu’on lui donne. Seulement aujourd’hui,

les organisations de gauche, et même les organisations

politiques et syndicales de la jeune gauche, ont du mal à donner

du contenu à cette allocation.

Telle que nous la voyons,

l’Allocation d’Autonomie peut devenir une solution radicale à

la précarité très forte qui touche les jeunes en leur permettant de

faire le maximum d’études.

La « vieillesse » était la classe d’âge la plus touchée par la pauvreté

avant la guerre. Mais la sécurité sociale mise en place par

le CNR après 1945 à complètement changé la donne. Les retraités

bénéficient aujourd’hui de la retraite par répartition et la

pauvreté parmi les plus âgés à baissé (bien que cela soit remis

en cause par les réformes successives du régime des retraites).

En même temps, l’entrée des jeunes sur le marché du travail à

été peu à peu, mais durablement, repoussée. Cela est dû à l’allongement

de la durée des études, et aussi à cause de la crise

structurelle du capitalisme, depuis les années 70, qui génère un

taux de chômage particulièrement élevé dans la jeunesse et qui

augmente encore avec la crise actuelle.

CE QUI FAIT QU’AUJOURD’HUI

ON TROUVE LE TAUX DE PAUVRETÉ LE PLUS ÉLEVÉ

DANS LA CLASSE D’ÂGE DES JEUNES

Cela s’explique avant tout par le fait qu’il n’existe pas de statut

social spécifique de la jeunesse. Un salarié qui perd son travail

bénéficie du statut social de salarié ce qui lui permet d’avoir des

droits: allocation chômage... Un salarié qui est trop âgé pour

travailler bénéficie lui aussi du statut social de retraité, ce qui

lui donne droit à une pension de retraite. Il n’y a qu’une seule

tranche d’âge qui ne bénéficie pas de statut : la jeunesse. Les

jeunes n’ont donc droit à aucune protection sociale (à part la

mutuelle pour les étudiants).

Seule une fraction d’entre eux bénéficie du système des

bourses. Mais ce système est tout à fait insuffisant : il faut être

étudiant pour en bénéficier, ce qui ne concerne qu’une partie de

la jeunesse. De plus, ces bourses dépendent des revenus des

parents ; ce qui implique une dépendance des jeunes vis-à-vis de

leurs parents. Enfin, l’enveloppe globale attribuée à l’aide

sociale étudiante ne dépend que du bon vouloir de l’État, ce qui

fait de ce système un système d’assistance, dont l’enveloppe est

scandaleusement insuffisante, et qui s’oppose à celui que nous

voulons mettre en place: un système de solidarité.

IL FAUT DONC REMPLACER CE SYSTÈME

PAR UNE VÉRITABLE PROTECTION SOCIALE

DE LA JEUNESSE

La protection sociale vise à couvrir l’individu des « risques

sociaux ». Un « risque social » est une situation qui empêche

l’individu de travailler et donc d’avoir un revenu pour vivre.

Ainsi, quand une femme est enceinte, elle « subit » un « risque

social », appelé « risque grossesse » et est donc couverte par la

sécu. Il en est de même pour un salarié qui tombe malade

(risque maladie) ou pour un salarié qui est trop vieux pour travailler

(risque vieillesse).

Être en formation, c’est être en incapacité temporaire de travailler

et d’avoir un revenu, cela correspond donc à la définition

que donne la sécurité sociale d’ un « risque social ». Ceci appelle

donc la mise en place d’une nouvelle branche « jeunesse » de

la sécurité sociale chargée de distribuer l’allocation d’autonomie

pour toute la jeunesse en formation.

LES COTISATIONS SOCIALES FINANCENT

LA SÉCURITÉ SOCIALE. OR, CES COTISATIONS

PROVIENNENT AVANT TOUT DU TRAVAIL DES SALARIÉS

Les cotisations sociales sont dites salariales et patronales.

Certains économistes (comme J.P. Piriou) les qualifient de

salaire indirect ou encore de salaire socialisé. Le salaire versé

par les employeurs peut être appelé « super brut » (cela correspond

à l’intégralité de ce que les patrons versent pour payer les

salaires, ce qu’ils nomment le « coût du travail ») [voir illustration].

C’est sur ce salaire « super brut » que sont prélevées les

cotisations dites « patronales », ce qui forme le salaire brut. Et

c’est ensuite sur ce salaire brut que sont prélevées les cotisations

salariales, ce

qui forme le salaire

net. Donc, les cotisations,

qu’elles

soient salariales ou

patronales sont prélevées

sur ce que

versent les patrons

aux salariés.

Cela est extrêmement

important car

nous pouvons en

conclure deux

choses :

  • les cotisations
  • (salariales ET

    patronales) sont

    donc une partie du

    salaire qui est mutualisée. Et si c’est un salaire indirect, il

    appartient donc aux salariés et non au MEDEF de choisir ce que

    l’on fait de ce salaire. La gestion des caisses de la sécurité

    sociale devrait donc revenir aux assurés sociaux, ce qui veut

    dire que si l’on met une allocation autonomie, la participation

    des syndicats étudiants représentatifs dans la gestion des caisses

    de la sécurité sociale devient légitime.

    C’est donc aux salariés de choisir, pour ce qui nous concerne

    ici, s’ils veulent ou non qu’une partie de ce salaire indirect serve

    à financer une allocation d’autonomie. Le patronat n’a pas à

    intervenir sur ce choix comme il n’a pas à décider de ce que les

    salariés font de leurs salaires.

    Ce système d’allocation d’autonomie, puisqu’il est financé par

    les cotisations sociales, peut être considéré comme un salaire

    indirect, ou plutôt d’un pré-salaire versé aux jeunes en formation.

    Il repose sur la solidarité, et non sur l’assistanat ou la charité

    comme ce serait le cas si le système reposerait sur un ou des

    impôts. Le financement de l’allocation d’autonomie doit donc

    se faire par un prélèvement sous forme de cotisations sociales.

    Prélèvement mutualisé dans une caisse de la sécurité sociale

    crée ad hoc, et redistribué à tous les jeunes en formation.

    Un tel système est un vrai système de solidarité sociale car les

    jeunes auraient alors le statut de « travailleur en formation » et

    seraient couverts par la sécu. Les salariés actuels cotiseraient

    alors pour les futurs salariés comme ils cotisent aujourd’hui

    pour les anciens salariés. Enfin, les jeunes en formation sont

    eux aussi concerné par la solidarité sociale puisqu’ils sont euxmêmes

    de futurs cotisants comme les retraités sont d’anciens

    cotisants.

    CETTE ALLOCATION D’AUTONOMIE DOIT PROFITER

    À TOUS LES JEUNES EN FORMATION SANS EXCEPTION

    Quel que soit les revenus des parents, car tous sont de futurs

    actifs, et donc potentiellement de futurs cotisants. Le montant

    pourrait être le même pour tous, car à la différence des retraites,

    nous ne pouvons pas estimer le montant des cotisations future

    des jeunes qui dépend de leur futur salaire...

    Pour en estimer le montant, il faudrait calculer combien rapporterait

    un certain pourcentage d’augmentation des cotisations

    sociales, et déterminer un niveau d’augmentation qui soit à la

    fois acceptable (question de rapport de force MEDEF/salariés

    en réalité puisqu’il s’agit d’un salaire indirect), et qui en même

    temps permette de financer l’allocation; ce qui n’est pas simple.

    Cela dit, le montant de l’Allocation d’Autonomie doit être inférieur

    au salaire minimum. Pour un ensemble de raisons:

  • le premier argument est purement libéral : si son montant est
  • supérieur au salaire minimum, cela pourrait désinciter le travail...

    -pour une question de justice sociale: il ne serait pas juste à

    mon avis que les salariés qui occupent les emplois les plus difficiles

    (qui sont les moins bien rémunérés) gagnent moins que

    les jeunes en formation;

    -enfin parce que cette mesure pousserait énormément de jeunes

    vers des formations. Ce qui est une excellente chose du point de

    vue social comme du point de vue économique.

    L’ALLOCATION AUTONOMIE COMME VECTEUR

    DE L’ÉCONOMIE DE LA CONNAISSANCE

    Dans une économie industrielle traditionnelle, comme dans les

    pays développés jusqu’à une période récente ou dans les « nouveaux

    pays industrialisés », la production et la consommation

    reposaient sur les biens industriels. L’essentiel de l’investissement

    était donc industriel. Or, selon certains économistes, nous

    serions passés à une « économie de la connaissance » reposant

    essentiellement sur deux aspects:

  • d’une part sur une demande de services croissante de la population
  • (ce qui n’est vrai qu’en partie car l’industrie est toujours

    le principal secteur de la production, de la consommation et de

    l’emploi);

  • et d’autre part sur le progrès technique (nouvelles formes de
  • production énergétiques...) et les nouvelles technologies de l’information

    et de la communication (NTIC).

    Ce nouveau type de production et de consommation transforme

    l’investissement. D’investissement dans le capital technique

    (machines outils...), l’investissement se tourne vers les services

    et les nouvelles technologies, et est donc centré sur la formation

    de la main d’oeuvre, ce que les économistes nomment l’investissement

    dans « le capital humain ». Les économies les plus

    développées sont celles qui investissent le plus dans ce « capital

    humain », c’est-à-dire la formation et la qualification des

    salariés.

    L’allocation d’autonomie, parce qu’elle permettrait d’une part à

    tous de faire des études et d’autre part à faire les plus poussées

    possibles, aurait pour effet d’augmenter considérablement le

    niveau de qualification des salariés. Elle peut donc être considérée

    comme le degré le plus élevé possible dans l’investissement

    « dans le capital humain » et serait un choix d’avenir pour

    l’économie et l’ensemble de notre société.

    CELA DIT, LA MISE EN PLACE

    D’UN TEL DISPOSITIF POSE UN ENSEMBLE

    DE PROBLÈMES ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

    "Une telle allocation d’Autonomie ferait augmenter fortement

    les cotisations sociales."

    C’est vrai, mais n’oublions pas

    pas que les cotisations sociales sont un salaire indirect qui est

    mutualisé. Autrement dit, faire augmenter les cotisations ne

    signifie pas faire baisser les salaires. Au contraire. Si l’on augmente

    les cotisations en ne changeant pas le salaire net, alors

    cela veut dire qu’on augmente les salaires. Les cotisations

    pèsent alors sur les profits des entreprises et non pas sur les

    salaires. Cela équivaut en fait à une augmentation de salaire

    comme le montre les illustrations ci-dessous:

    Illustration 1 : partage de la valeur ajoutée - incidence des prélèvements sociaux (source INSEE, rapport au président de la République, présidé par Jean-Philippe Cotis, directeur général de l’INSEE, mai 2009).
    Illustration 1 : partage de la valeur ajoutée - incidence des prélèvements sociaux (source INSEE, rapport au président de la République, présidé par Jean-Philippe Cotis, directeur général de l’INSEE, mai 2009).

    Cette illustration montre le partage des richesses créées (la

    Valeur Ajoutée) entre les salaires et les profits, en intégrant les

    cotisations sociales qui deviennent du salaire indirect.

    Illustration 2 : partage de la valeur ajoutée - en augmentant les cotisations sociales, ce sont les salaires qui augmentent (les données présentées ici sont illustratives).
    Illustration 2 : partage de la valeur ajoutée - en augmentant les cotisations sociales, ce sont les salaires qui augmentent (les données présentées ici sont illustratives).

    L’illustration 2 montre qu’il est possible d’augmenter les cotisations

    pour financer à la fois le système des retraites et l’allocation

    d’autonomie sans faire baisser les salaires ! On aboutit

    alors à une nouvelle distribution des richesses avec une baisse

    des profits et une augmentations des salaires (indirects ; c’est-àdire

    salaires plus cotisations sociales).

    "Les cotisations sociales sont déjà élevées en France; les augmenter

    nuirait encore plus à la compétitivité des entreprises."

    Cet argument est entre autre repris en choeur par le

    MEDEF. Mais rien n’est plus faux. Historiquement, les cotisations

    sociales ont augmenté en France depuis 1945 et la mise en

    place de la sécu. Mais on observe parallèlement une progression

    constante de la compétitivité des entreprises et de la part

    des profits dans la valeur ajoutée. L’argument n’est donc pas

    valable. La compétitivité dépend des gains de productivité et

    non pas du « poids des cotisations sociales »; les deux évoluent

    indépendamment l’un de l’autre. De plus on observe que les

    pays les plus compétitifs au monde sont ceux... qui prélèvent le

    plus de cotisations sociales (c’est en fait signe qu’un pays est

    développé). Par ailleurs, le niveau de qualification de la main

    d’oeuvre augmenterait puisque les jeunes allongeraient la durée

    des études et que plus de jeunes en profiteraient, ce qui ferait

    augmenter la productivité du travail (les salariés mieux formé

    seraient plus efficaces au travail, et donc la compétitivité augmenterait,

    voir la partie « économie de la connaissance ».

    "Le système de sécurité sociale est déjà dans le rouge, l’allocation

    d’autonomie renforcerait son déficit."

    Si le système est

    dans le rouge, c’est parce que les cotisations ne sont pas suffisantes.

    Nous, socialistes, devons affirmer qu’il faut les augmenter.

    La part des profits dans les richesses créées (la Valeur

    Ajoutée), n’a jamais été si favorable aux profits et défavorable

    aux salaires. Comme le montre l’illustration 2 ci-dessus, il faut

    donc à la fois augmenter les salaires et les cotisations sociales

    qui sont une partie du salaire bien qu’indirecte. C’est en augmentant

    cotisations et salaires ainsi que les salaires [voir illustration

    3] que nous sortirons de la crise. Cela aurait effet

    bénéfique sur la demande (les salariés pourraient plus consommer)

    et la sécurité sociale serait sauvée. Il suffit d’augmenter

    les cotisations de 0,34 points par an pour sauver les retraites par

    répartition (selon l’économiste J.P. Piriou). Ce qui ne pose pas

    de problèmes puisque l’augmentation serait inférieure aux

    gains de productivité. A cela s’ajouterait donc l’allocation d’autonomie.

    Il s’agit d’un choix à faire. Si l’on veut redistribuer les

    richesses, il appartient aux salariés et à leurs organisations

    représentatives de choisir dans quelle proportion ils veulent

    augmenter le salaire direct (le salaire net) et le salaire indirect

    (les cotisations sociales).

    Illustration 3 : pour définir un nouveau partage des richesses, on peut à la fois augmenter les salaires et les cotisations sociales (les données proposées sont ici illustratives).
    Illustration 3 : pour définir un nouveau partage des richesses, on peut à la fois augmenter les salaires et les cotisations sociales (les données proposées sont ici illustratives).

    L’allocation d’Autonomie doit être sans cesse défendue par

    les jeunes socialistes. Sa mise en place changerait radicalement

    la situation de la jeunesse. Elle permettrait enfin à tous, quelque

    soit l’origine sociale, de faire des études. Ce serait un moyen

    extrêmement puissant de lutte contre la sélection sociale intense

    qui s’effectue particulièrement dans les études supérieures.

    L’allocation d’autonomie apporterait une réponse à la reproduction

    sociale très forte de nos société; ce serait un exemple

    pour beaucoup de pays. A nous d’avoir la volonté politique de

    nous battre pour en faire une réalité.

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