GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

"Plein-emploi précaire" : le rêve du Medef

Le conditionnement du RSA à un quota d’heures d’activité, la « stagiairisation » des filières du lycée professionnel et la promotion éhontée de l’auto-entrepreneuriat par le gouvernement : autant de signes de l’offensive généralisée contre le salariat. Et le tout, naturellement, au nom du plein-emploi !

Le plein-emploi : en bon néolibéral, Macron s’appuie sur cet horizon, forcément désirable sur le papier, pour mener à bien sa sale besogne. Car, de son point de vue, le plein-emploi, c’est la pleine activité capitaliste, c’est la fin des statuts (dans la Fonction publique, comme dans le secteur privé), le règne généralisé de la précarité, le risque, pour chaque salarié, de tout perdre au moindre refus ou à la moindre difficulté. Bref, le plein-emploi de Macron, c’est la soumission totale et inconditionnelle du monde du travail à la loi du profit. Il n’y a rien d’émancipateur et d’enviable, dans cet idéal-là.

Puisque c’est bon pour l’emploi !

C’est largement passé inaperçu tant l’enjeu était ailleurs, mais, pendant sa – courte – campagne du printemps 2022, Macron a placé le thème du plein-emploi au centre de son discours. Dès le 9 novembre 2021, il avait déclaré : « Nous ne devons pas viser seulement 7 % de chômage, mais bien le plein-emploi ». Ce type de discours ne vise pas à lutter frontalement contre le chômage, mais bien à imposer à toutes les salariées et tous les salariés le chantage à l’activité permanente, avec la misère sans retour (ou presque) comme « option » alternative.

D’où les énièmes rabotages de droits que viennent de connaître les chômeurs et que l’on cherche à imposer, ces derniers temps, aux bénéficiaires du RSA. Dans la start-up nation, on ne veut plus de salariées ou de salariés privés d’emploi : on veut des auto-entrepreneurs corvéables à merci (et par eux-mêmes, de surcroît !), des précaires prêts à « prendre » n’importe quel job, des salariés qualifiés en « break » (c’est toujours mieux qu’en burn out) et – à la rigueur – des chômeurs agiles peaufinant leur réinsertion professionnelle. Quant aux ultra-pauvres, aux marginaux et autres losers « éloignés de l’emploi », qu’ils aient au moins la décence de se faire discrets et de ne rien demander à la société. Il ne manquerait plus qu’ils réapparaissent sur les radars des statistiques !

Dans la continuité des quinquennats de Sarkozy, mais aussi – il faut bien le dire – de Hollande-Ayrault-Valls, qui avaient, eux, échoué à « inverser le courbe », Macron s’ingénie à augmenter la précarité du travail pour faite « baisser » les chiffres du chômage – non le phénomène –, et créer ainsi l’illusion du plein-emploi. Jaurès avait décidément raison en affirmant : « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots » !

Vaine protestation

Le hic, c’est que le salariat est une force sociale, certes dominée, mais dont le poids est écrasant, surtout quand il se mobilise. On l’a vu lors de l’apogée du mouvement contre la réforme scélérate des retraites. Et pour les nôtres, le travail salarié n’est pas – et ne peut être, ajouterions-nous – un cadre émancipateur, comme le croit – ou plutôt feint de le croire – Macron. Ainsi, selon un récent sondage Ifop, seul un salarié sur cinq estime actuellement que le travail est « très important », contre 60 % en 1990. D’après La Dépêche, il y a quelques semaines, un « marcheur » de la première heure se lamentait de la sorte : « On a été élu sur l’idée du travail émancipateur ; or, aujourd’hui, le travail est perçu comme une contrainte ». D’où les louvoiements du pouvoir quant au contenu de la loi France Travail, notamment sur la question du compte épargne-temps.

Face à ce pouvoir qui, main dans la main avec le Medef, affirme qu’un chômeur et un bénéficiaire du RSA ne produisent rien, qu’une jeune n’est bon qu’à faire des stages mal rétribués, qu’un auto-entrepreneur est un travailleur indépendant ou encore qu’un enseignant ne travaille que quand il fait cours, il faut revenir aux fondamentaux. Et le dire clairement : en s’occupant de ses enfants ou de ses petits-enfants, en aidant un proche, en s’investissant dans une association, en faisant son jardin, en réalisant son rêve et même en se reposant, un.e salarié.e privé.e d’emploi, titulaire de l’AAH, en congé maladie, en congé maternité, paternité ou parental, accidenté.e du travail ou en retraite produit. Cette productivité intrinsèque est reconnue par le revenu qui lui est attribué via les cotisations sociales ou la solidarité nationale. Ce qui fait enrager Macron et les siens, c’est précisément qu’un salarié dans une de ces diverses situations produit librement sans générer de profit et sans être soumis au chantage à l’emploi. Hors de la sphère capitaliste, donc. Hors de l’horizon du « plein-emploi » néolibéral.

Réduite à son essence, la politique de Macron n’est en somme qu’une protestation enflammée contre la socialisation du travail, la généralisation de la Sécu, l’affirmation de la Fonction publique et, in fine, le reconnaissance du statut de producteur à toutes et tous. C’est une protestation contre l’essor historique du salariat. À nous de faire en sorte qu’elle soit vaine.

Cet article est l'introduction au dossier (le "plein-emploi précaire " : le rêve du Medef)  du numéro 305 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




La revue papier

Les Vidéos

En voir plus…