GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur La revue DS

Pas touche au Smic ! Il faut l’augmenter !

La fameuse commission d’experts, mise en place sous Sarkozy, vient de remettre son rapport au gouvernement. Ces experts –  officiellement « indépendants », mais en réalité dépendants de la finance – y font des préconisations explosives. On est tenté de rétorquer qu’il suffirait de payer ces « experts » au Smic pour calmer leur ardeurs « réformatrices ».

Mais ce serait évidemment trop simple. Ce qu’il faut, c’est augmenter les salaires et s’en prendre au coût du capital. « Hausser le Smic et baisser les dividendes » : telle est notre maxime. Nous défendons un Smic à 1 800 euros, un partage du travail à 32h par semaine et une taxation des dividendes, car la France n’a jamais été aussi riche et les richesses aussi mal partagées.

Smic vs dividendes

Il faut rompre avec les dogmes du néo-libéralisme qui prône sans vergogne la « baisse du coût du travail », la réduction des dépenses publiques, la diminution de la protection sociale, ou encore la fin « des statuts » et des droits conçus comme autant de « privilèges » d’un autre âge...

Bien au contraire, il faut répartir les richesses. Ceux qui doivent payer pour la relance et pour la sortie de la crise, ce sont les actionnaires, les banquiers, les rentiers. Leur taux de marge, leurs rendements, leurs profits scandaleux doivent être contrôlés, imposés et plafonnés pour qu’un maximum d’argent revienne dans le giron collectif. C’est pourquoi, à la GDS, nous proposons d’instaurer un salaire maximum. Il conviendrait par ailleurs de reconstituer des tranches d’impôts directs à même de corriger les criantes inégalités engendrées par la rapacité sans limites des financiers. Ce n’est pas grand-chose, et pourtant, réaliser ce programme minimum serait l’amorce d’un changement de société extrêmement profond.

Contre Macron, avec le salariat, nous voulons une société de partage, une société basée sur une économie mixte où les entreprises privées – tout comme le secteur public, mais de façon différente – seraient contrôlées et non régies par le « laisser-faire » de leurs patrons et actionnaires.

Il est grand temps de comprendre que « les inégalités sont les meilleures ennemies de la croissance » (selon Eric le Boucher, lui-même, dans Le Monde du 27 juin 2015). Ce n’est pas parce que les riches sont plus riches qu’un jour, ils vont généreusement se décider à investir et à créer de l’emploi. Mieux vaut rapprocher les derniers des premiers de la cordée, plutôt qu’étirer toujours davantage cette dernière et les risques qui pèsent sur ses membres.

Les inégalités contre la croissance

Contre la propagande des libéraux, il faut le réaffirmer sans relâche : le prétendu ruissellement, c’est une chimère. Depuis que le théorème de Schmidt – selon lequel « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après demain » – a été prononcé (puis trop souvent et complaisamment citée comme aphorisme imparable par des commentateurs malintentionnés), on a bien vu les profits, mais guère les investissements et encore moins les emplois !

Ceux qui reprennent cette théorie en la camouflant derrière des formules empruntées à Frison-Roche sont donc des menteurs ou des imbéciles. La vérité, c’est que ça ne ruisselle pas. Les verres du bas de la pyramide attendent toujours le champagne. Les profiteurs d’en haut sont comme les célèbres Shadocks : ils pompent, ils pompent, ils pompent, et n’en ont jamais assez. Voilà comment 62 individus peuvent posséder plus que la moitié des êtres humains de la planète !

La très orthodoxe Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avait estimé en octobre 2015 que « l’énorme augmentation des inégalités globales de revenus » dans le monde était « l’aspect le plus significatif – et le plus inquiétant – du développement de l’économie mondiale au cours des 200 dernières années ».

Même le FMI a publié une étude qui montre que les inégalités sont l’une des causes importantes du ralentissement tendanciel de la croissance mondiale et des profits. Selon cette étude, augmenter de 1 point de PIB les revenus des 20 % les plus riches fait baisser la croissance de 0,08 point dans les cinq années qui suivent. En revanche, augmenter de 1 point les 20 % les plus pauvres l’accélère de 0,38 point. La raison est que les plus pauvres consomment proportionnellement plus que les riches, qui, eux, épargnent davantage. L’OCDE a calculé que « le creusement des inégalités a coûté plus de 10 points de croissance au Mexique et à la Nouvelle-Zélande, près de 9 points au Royaume-Uni, de 6 à 7 points aux États-Unis, à l’Italie et à la Suède ».

Où commence donc tout ça ? Quand ils vous disent que le « coût » du travail est trop élevé, que votre salaire est trop haut et que toutes ces « contraintes » les empêchent de faire des profits présentés évidemment comme les emplois de demain...

Un minimum attaqué un maximum

Le Smic est le salaire horaire en dessous duquel l’employeur n’a pas le droit de descendre pour rémunérer un salarié et ce, quelle que soit la forme de sa rémunération (travail à la durée, au rendement, à la tâche, à la pièce, à la commission ou au pourboire). Le Smic assure aux salariés dont les salaires sont les plus faibles la garantie de leur pouvoir d’achat. Mais, même si 85 % des contrats sont des CDI (95 % entre 29 et 54 ans), il y a près de 2,8 millions d’emplois à temps partiels qui affaiblissent nettement cette garantie pour les salariés qui les occupent.

En 2016, un salarié payé au Smic pour un temps plein touchait moins de 1 150 euros net par mois, soit 1 466,62 euros brut mensuels, ce qui portait le Smic annuel brut à 17 600 euros. Il a été revalorisé au 1er janvier 2017 de seulement 0,6 % pour passer à 9,67 euros brut par heure (contre 9,61 en 2015). Pour mémoire, en 2015, la revalorisation a été de 0,8 % (contre 1,1 % en 2014). En fait, les gouvernements Hollande-Ayrault-Valls avaient déjà gelé le Smic, dont la hausse était cantonnée aux seules augmentations légales, largement gommées par l’inflation.

Nous refusons la façon dont Macron veut reproduire ce qui se passe en Allemagne où des « mini jobs » sont proposés pour 80 centimes de l’heure. Nous refusons aussi que les patrons appellent des « travailleurs détachés » sur notre sol, pour casser ce Smic, avec des salaires bruts plus bas, fixés au niveau des pays d’origine des salariés concernés. Ce dumping social larvé n’est pas plus conforme aux intérêts des travailleurs étrangers que de leurs frères français. Le Smic brut doit s’appliquer à tout salarié travaillant sur le territoire français. À travail égal, salaire égal.

Nous nous opposerons évidemment à d’éventuelles conventions collectives, voire à des accords de branches ou d’entreprises, avec des minima conventionnels inférieurs au Smic. En vertu du principe de faveur, la loi doit l’emporter. La moindre revalorisation du Smic doit l’emporter sur les négociations de branches ou d’entreprises.

Notre intérêt, ce n’est pas l’intéressement

23,6 % des salariés des TPE, notamment dans le commerce, la restauration, ou encore le tourisme, sont rémunérés au Smic,... Il concerne essentiellement des jeunes de moins de 25 ans, des CDD, des saisonniers, des intérimaires, des femmes précaires, des temps partiels imposés... Et bien sûr les salariés les moins qualifiés : 27,4 % des employés et 20,2 % des ouvriers non qualifiés sont en effet smicards. Augmenter les revenus des salariés les plus fragiles est un besoin vital et urgent. Rien de tel pour ce faire que d’augmenter le Smic ! Mais Macron se contente de leur proposer un soupçon de participation...

La participation n’est pas du salaire, pas davantage que l’intéressement : elle ne donne pas matière à cotisations, et ne contribue pas à remplir les caisses de protection sociale au même titre que le salaire brut. Elle est par ailleurs difficile à mettre en œuvre. Rien de tout cela avec la hausse des salaires dont les effets bénéfiques sont immédiats : tous les salariés sont touchés directement ou indirectement et l’augmentation de la masse salariale totale contribue à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale puisqu’une partie de l’augmentation du salaire brut va alimenter les caisses de retraite et d’assurance-maladie.

La hausse du Smic a des effets en cascade : elle bouscule la hiérarchie des grilles de salaires et, imposant une renégociation d’ensemble, finit par concerner tous les salariés, et pas seulement ceux du bas de l’échelle. La participation est bien incapable d’en faire autant !

Scénario alternatif

Les rumeurs prêtaient à Macron l’intention de céder au Medef et d’accepter des Smic par branches ou par régions, y compris en mettant fin aux « coups de pouce » de revalorisation. Les « experts » proposent de le faire. Plus de « revalorisation automatique ». L’heure est à la baisse du Smic, à défaut de pouvoir le supprimer.

La logique opposée – celle du Smic à 1 800 euros – n’est ni excessive, ni spoliatrice : elle n’est que justice et concourt par ailleurs à la régulation économique et sociale. Naturellement, ni la droite, ni l’extrême droite, ne mettront en place une mesure si frontalement opposée aux intérêts capitalistes. C’est à la gauche de le faire.

Des journalistes non informés – mais qui se croient chargés d’éclairer l’opinion – osent écrire que la hausse du Smic est une « solution simpliste ». Si elle n’a rien de « simpliste », il est vrai qu’elle est simple à réaliser puisqu’elle dépend, tout comme celle des minima sociaux, de la volonté politique des gouvernants. Gageons qu’un gouvernement de la gauche unie résisterait, contrairement à ceux de l’ère Hollande, aux pressions des lobbys patronaux et médiatiques. Le hausse du Smic ne suffirait pas en elle-même, mais elle donnerait immédiatement confiance à des millions de gens sur le fait que leur vie peut changer..

Les actionnaires, les financiers et 95 % de médias organiseraient immédiatement une campagne contre une telle mesure, mais cela aurait l’avantage d’être clair : dans le cadre de la guérilla menée par le bloc droite-Macron-Medef-banques contre la gauche au pouvoir, la vie politique nationale se réorganiserait : camp contre camp, salariat contre patronat. Et nul doute que mesures prises par la suite susciteraient un intérêt grandissant et obtiendraient un appui populaire massif.

Pour un Smic à 1 800 euros

Le Smic à 1800 euros, c’est le meilleur gage de popularité, le meilleur signe adressé au salariat pour marcher ensuite vers le retour de la retraite à 60 ans, vers la semaine de 32 h sur quatre jours, vers un salaire maxima à 20 fois le Smic.

Macron a « le porte-feuille au cœur ». Nous, nous voulons « le social au cœur ». Nous voulons satisfaire les aspirations profondes des acteurs principaux du pays, les salariés qui représentent – on ne le répète jamais assez – 93 % des actifs. Le salariat, ce sont les salariés en emploi (valides ou handicapés), mais aussi les chômeurs, les retraités, ainsi que les jeunes que l’on peut définir à bon droit comme des salariés en formation. En haussant les minima sociaux, on fait du bien à l’ensemble de notre classe, à toutes les franges du salariat, à commencer par celles qui en ont le plus besoin.

C’est pour cela que le Medef veut légiférer pour ôter au gouvernement la capacité de fixer le taux du Smic – à la façon dont les classes possédantes lui ont déjà par le passé enlevé le contrôle de la monnaie et des banques. Le Medef voulait une commission d’« experts », mais aussi des mécanismes incontournables, comparables en cela aux « lignes rouges » que l’ordolibéralisme a fixés aux États européens (inflation à 1,5 %, déficit inférieur à 3 % du PIB, dette limitée à 60 %). Le choix politique de faire peser sur les salaires les exigences de classe du patronat élevées au rang d’impératifs économiques supérieurs, voire de loi de la nature, c’est incontestablement un vieux fantasme du Medef. Mais Macron n’a-t-il pas été conçu pour satisfaire leurs rêves les plus fous ?

Nous sommes partisans d’un Smic brut mensuel à 1 800 euros, ce qui signifie un Smic net de 1 386 euros. Et dire que cette proposition, pourtant extrêmement modérée, fait pousser des cris d’orfraie au patronat... En 2016, le Smic brut s’élevait à 1 467 euros par mois : il augmentera donc de 333 euros. Le Smic net, quant à lui, ne dépassait pas 1 129 euros. C’est donc une hausse immédiate de 257 euros que nous revendiquons pour les plus bas salaires.

Le Smic n’a pas eu de coup de pouce depuis 10 ans, à l’exception de celui – dérisoire – de 0,6 % au 1er juillet 2012 : 6,46 euros par mois, soit l’équivalent de moins de deux baguettes de pain par semaine. Dans les faits, le pouvoir d’achat de celles et ceux qui touchent le Smic stagne depuis 2007. Entre juin 2012 et mai 2016, le Smic a augmenté de 11,5 %, quasiment la même évolution que celle de l’indice des prix à la consommation (+ 10,5 %). Ce retard doit être rattrapé.

Carnets de commande remplis

Nous fixons donc l’objectif de permettre aux salariés de vivre décemment, qu’ils travaillent à temps plein ou à temps partiel. À ceux qui disent que c’est impossible, nous rappelons qu’en juin 1968, le salaire minimum a augmenté de 33 % et même de 55 % dans l’agriculture. Les entreprises s’en sont trouvées mieux !

La hausse des salaires est en effet consommée immédiatement par les salariés les plus pauvres. À l’artisan qui se plaindra d’avoir du mal à augmenter son seul compagnon, il faut dire que, si tous les salariés sont augmentés en même temps, certains feront enfin réparer leur gouttière – ce qu’ils avaient différé jusque-là. Pareil pour le petit éditeur qui souffre de ne pouvoir augmenter ses neuf salariés : il vendra plus de livres !

L’élément moteur de la croissance économique reste l’augmentation de la consommation intérieure, malgré la pression ininterrompue sur les salaires. À l’annonce de la hausse du Smic, des millions de salariés achèteront massivement des produits de première nécessité et se permettront même certains petits plaisirs qui leur étaient jusque-là interdits.... C’est cela, les fameux « carnets de commandes » des entreprises.

L’augmentation du Smic mettrait de l’essence dans ce moteur et permettrait aux PME, notamment à celles qui sont indépendantes des grands groupes, de trouver un débouché à leur production, mais aussi d’embaucher. On ne peut calculer le coût de l’augmentation du Smic sans tenir compte de la dynamique qu’elle entraînerait. On peut également réfléchir a contrario. On entrevoit les effets positifs d’une hausse du Smic en observant les quatre dernières années où il a été bloqué, mais où le chômage a quand même augmenté.

Cet article est paru dans la revue Démocratie&Socialisme n°250 de décembre 2018

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