GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie

Pacte vert, taxonomie : double jeu et greenwashing de Macron

« Le Pacte vert […] est la nouvelle stratégie de croissance inclusive de l’Europe. Il permettra de réduire les émissions, tout en créant des emplois et en améliorant notre qualité de vie, sans oublier personne ». Ainsi s’exprimait Ursula von der Leyen, en décembre 2019, en présentant le pacte écologique européen. Véritable volonté communautaire ou énième opération de greenwashing ?

Ce Pacte vert, rassemblant les lignes forces de la politique climatique européenne, porte une idée phare : faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone, d’ici 2050.

Un plan empêtré dans le néolibéralisme

Les mesures concrètes proposées pour aller vers cet objectif étaient un engagement à réduire les émissions des pays de l’Union de 50 à 55 % en dix ans. Pour cela, l’ensemble des domaines économiques seraient mis à contribution : industrie, transports, agriculture, construction…

Il s’agissait également d’étendre le système d’échanges de droits d’émission, utilisé déjà par l’UE pour réduire les émissions des secteurs de l’énergie, de l’industrie et du transport maritime. Il était aussi envisagé une taxe carbone aux frontières pour éviter la concurrence déloyale de pays moins vertueux. Enfin, il s’agissait de renforcer l’économie circulaire par l’utilisation plus durable des ressources, et de préserver la biodiversité de l’Europe.

Les critiques des eurodéputés de gauche et écologistes, nombreuses, restent d’actualité, et nous les partageons pleinement : tout d’abord sur l’idée de « croissance verte » ne remettant pas en cause le cadre néolibéral. Sur les modèles productivistes qui y sont liés, notamment concernant l’agriculture telle que portée par la PAC, modèles aggravant la crise climatique. Critique sur le libre-échangisme ensuite, avec les traités commerciaux climaticides signés avec d’autres continents. Sur la faiblesse des engagements concernant la politique énergétique, la non-remise en cause de tout soutien aux énergies fossiles, ou encore sur la libéralisation des transports. Critique enfin sur la hauteur des financement engagés, à hauteur de 100 milliards par an seulement, alors qu’il faudrait au moins trois fois plus pour une réelle ambition.

Double jeu macronien

Parallèlement, depuis 2018, l’Union européenne a proposé de mettre en œuvre une « taxonomie verte », un outil de classification environnementale pour flécher les investissements publics et privés vers des énergies considérées comme durables, des activités « vertes », et ainsi contrer les tentatives d’écoblanchiment. Pour prétendre aux financements européens, il faudra dès lors qu’une activité prouve qu’elle pourra :

- atténuer le changement climatique et s’y adapter ;

- utiliser raisonnablement et protéger l’eau et les ressources marines ;

- se diriger vers une économie circulaire, limiter et recycler ses déchets ;

- prévenir et réduire la pollution ;

- protéger les écosystèmes.

Le cas du nucléaire faisait débat et dans un premier temps avait été écarté à juste titre de ce label « vert », car ne répondant pas aux critères de non-nuisance, notamment sur la question des déchets.

Aujourd’hui, alors que la France a pris la présidence du Conseil de l’Union européenne, le double jeu de Macron sur les questions écologiques et climatiques devient de plus en plus criant. Alors qu’il se répand sur sa volonté de faire de l’Europe une « championne climatique », il noue une alliance avec des pays défenseurs du gaz (Hongrie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie) pour intégrer cette énergie fossile très émettrice de GES dans la taxonomie verte, en échange de quoi ces pays soutiennent l’intégration du nucléaire.

Rappelons que Macron a annoncé, en novembre 2021, la construction de nouveaux réacteurs EPR en France et un milliard d’euros d’investissements d’ici à 2030 dans le développement de petits réacteurs dits SMR. Or, si la réforme de la taxonomie européenne intégrant le gaz et le nucléaire était validée, les nouveaux projets nucléaires avec un permis de construire délivré avant 2045 seraient éligibles aux investissements destinés à la transition énergétique. Ainsi le communiqué de l’UE du 1er janvier 2022 affirme que le gaz et le nucléaire ont « un rôle à jouer pour faciliter le passage aux énergies renouvelables et à la neutralité climatique ».

Les ONG environnementales, dont ATTAC, ANV-COP21, Les Amis de la Terre et Greenpeace, se sont mobilisées en décembre pour demander à la Commission européenne de ne pas céder à ces pressions et de rejeter cette modification de la taxonomie.

Des discours et pas d’actes

Le 19 janvier, le président français a prononcé un discours introductif au Parlement européen, au cours duquel il a affirmé vouloir « actualiser » la Charte des Droits fondamentaux de l’UE afin de la rendre « plus explicite notamment sur la protection de l’environnement ». Il a aussi évoqué une « conscience climatique universelle » ; rien que cela !

Les députés européens, tout comme les associations comme Greenpeace, n’ont pas manqué de relever le décalage entre le discours et la réalité des actes, les multiples renoncements en ce domaine auxquels nous avons eu droit, le manque de cohérence et de portée réelle des propositions faites.

Le texte sur la taxonomie, après avoir été en consultation auprès de tous les pays de l’UE, doit retourner au Parlement européen. Rien n’est encore joué, et toutes les forces doivent peser pour empêcher cette régression climaticide !

Cet article de notre camarade  Christian Bélinguier a été publié dans le numéro de février 2022 (n°292) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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