GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Jeunes

Ouvre les facs Vidal : on est mal !

Les médias dominants poussent à l’excès le discours sur la misère étudiante au point de ne donner des jeunes des universités qu’une image de victimes passives de la crise sanitaire. C’est oublier qu’ils sont aussi des jeunes femmes et des jeunes hommes agissants et qu’ils portent de nombreuses revendications.

Détresse sociale, difficultés psychologiques et réelles inquiétudes sur la valeur des formations et qualifications : voilà à quoi est confrontée une génération entière d’étudiants. Déjà malmenés avant la crise sanitaire, entre un accès à l’enseignement supérieur de plus en plus aléatoire une fois le bac en poche, des baisses des aides au logement récurrentes – quand, dans le même temps, le gouvernement supprime l’impôt sur la fortune – et une injonction maintenant majoritaire à exercer une activité salariée en plus de leur cursus, les conditions d’études et de vie des étudiants se dégradent.

Or, retarder l’ouverture des universités, c’est aussi un moyen de réduire la capacité des étudiants à s’organiser collectivement et à mener la bataille pour leurs droits. État des lieux d’une jeunesse qui essaie de faire exister ses mots d’ordre, malgré tout.

Génération sacrifiée

L’enseignement supérieur, ce sont trois millions d’étudiants – dont la moitié à l’université. Depuis le printemps dernier, ils sont majoritairement réduits à suivre des cours en distanciel. Les jobs étudiants qui leur permettaient de financer en partie leurs études ne sont plus d’actualité et le décrochage est une réalité pour nombre d’entre eux.

Depuis le début de la crise, l’Unef demande la mise en place de mesures d’urgence. Si certaines ont été arrachées, comme l’extension du « restau U à un euro » pour tous les étudiants ou encore le recrutement de psychologues dans les SUMPPS et assistantes sociales dans les CROUS, leur mise en place tarde. Concrètement, beaucoup de restaus U n’ont pas rouvert et les recrutements de personnels prendront des mois. Des mois qui ont été perdus en début de crise, quand personne, au ministère de l’Enseignement supérieur, ne semblait comprendre l’étendue du désastre.

D’autres mesures portées par les organisations étudiantes ne trouvent aucun écho. L’exonération des loyers, perçus alors même que les étudiants ne sont plus dans leurs logements – ils sont souvent rentrés en catastrophe chez leurs parents – n’est pas à l’ordre du jour. S’agissant de la réouverture des campus, elle se fait de manière si échelonnée, avec un cinquième des effectifs autorisé à être présent en même temps, qu’elle en devient une contrainte supplémentaire pour l’administration et un véritable casse-tête pour les jeunes. Certaines collectivités ont joué le jeu : subvention aux associations de distribution alimentaire ; aide à l’équipement en ordinateurs et à la connexion Internet ; résiliation facilitée des abonnements en transport en commun qui ne servent plus… mais ça ne suffit pas face à l’inaction gouvernementale.

Ouvrir le RSA aux plus jeunes

L’Unef a chiffré l’urgence sociale à 1,5 milliard d’euros immédiatement « pour sortir les étudiant·e·s de la galère ! », exigeant la revalorisation des bourses de 100 euros par mois et par échelon ; l’intégration de 100 000 nouveaux étudiants au système de bourses actuel ; la revalorisation de 20 % des aides au logement et la construction de 60 000 logements étudiants.

Parallèlement, un collectif d’associations, de syndicats et de mouvements politiques de jeunesse demande l’ouverture du RSA aux moins de 25 ans. Rejointe par des partis politiques, des collectivités – dont de nombreux départements de gauche qui assurent le versement de l’allocation pour le reste de la population –, cette initiative est bien venue. Si elle ne répond pas complètement aux besoins, elle est le minimum que peut et doit faire le gouvernement afin de répondre tout de suite aux difficultés sociales et économiques des plus jeunes. Ce n’est pas en proposant des prêts et des endettements en début de vie, comme le font très cyniquement des députés LREM, que les jeunes pourront sortir la tête de l’eau.

Une fois de plus, la Macronie démontre son incapacité à comprendre la majorité de la population qui aspire à la décence et à l’ouverture de droits nouveaux pour les plus précaires. À ce titre, un sondage nous apprend que deux tiers des Français sont d’accord avec cette mesure(*), bien loin des couplets sur les « assistés » que la droite nous serine à longueur de plateaux télés.

Des étudiants fantômes

Stigmatisés lors de la rentrée de septembre 2020 car responsables de clusters COVID, puis rapidement privés de lieux de rencontres lors de la fermeture des universités, des bars et la mise en place du couvre-feu, c’est sur les réseaux sociaux que se sont organisés les étudiants pour dire leur malaise. Le collectif #EtudiantsFantomes relaie la parole, sans filtre, de jeunes abandonnés par leur ministère de tutelle.

La toile fait la part belle aux enseignants qui, eux aussi, sont démunis pour venir en aide à des étudiants qui ne supportent plus leur vie, résumée en quelques mots : allumer l’ordinateur sans prendre le temps de se lever ni de se laver, se connecter au cours qui commence, fureter sur Internet, manger si le cœur y est et si, financièrement, on tient le choc, se déconnecter une fois le couvre-feu passé… et recommencer.

Liberté, égalité, université

Emmanuel Macron a récemment rencontré des étudiants, à Nantes. Loin des réalités de la majorité des étudiants, il a fait le choix de se rendre dans un IRA, école de la haute fonction publique, afin d’y promouvoir la diversité. Son discours de compassion, auprès de jeunes qui lui narraient la difficulté d’être né pauvre ou loin des grandes villes et d’accéder à de hautes responsabilités, le président de la République a proposé l’ouverture de places réservées à ces jeunes mal nés, afin qu’ils puissent, comme d’autres, bénéficier des meilleures écoles et formations.

Ce discours, prononcé à 500 mètres du plus grand site universitaire de Nantes, est à l’image des choix politiques faits par ce gouvernement : le mieux, l’excellence, le meilleur pour quelques-uns, quitte à les trier et à n’en promouvoir que quelques-uns. Un discours de charité en quelque sorte. Nous lui opposons un discours de solidarité. Ce n’est pas l’accès de quelques jeunes défavorisés aux écoles de formation de la haute administration qui va réformer en profondeur notre système ni réduire les inégalités de classe. C’est en formant l’ensemble des jeunes sur les mêmes bancs que nous y parviendrons. Nous voulons l’unification du système d’enseignement supérieur, la fusion des grandes écoles et des universités.

Dans l’immédiat, il nous faut militer pour que l’argent public qui sert à financer les formations soit le même partout. Aujourd’hui, l’État met deux fois plus de moyens par étudiant en grande école comparativement aux moyens octroyés aux universités, là où la moitié des jeunes apprend. Et là, où aujourd’hui, la moitié des étudiants se désole, inquiète pour aujourd’hui comme pour demain. Il y a urgence.

Cet article de notre camarade Marlène Collineau a été publié dans le dossier ("Jeunesse confinée, avenir sacrifié?") du numéro de février (282) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

(*) Sondage OpinionWay-Square pour Les Échos, février 2021

 

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