GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Jeunes

Les jeunes dans la crise : avoir 20 ans en 2021

Le plus bel âge, vraiment ? Les derniers mois font pour le moins mentir l’adage, tant il est vrai que la jeunesse souffre de la crise sanitaire et des restrictions de tout ordre qu’elle entraîne. Plus encore que les autres générations, les jeunes – et au premier chef les étudiants – peinent à voir le bout du tunnel.

Le jeudi 11 février, France Inter a consacré une journée spéciale au sort des jeunes après bientôt un an de pandémie. Ce n’est certainement pas le fruit du hasard. Plusieurs études viennent en effet d’être publiées, qui montrent toutes l’état inquiétant dans lequel se trouve une grande partie des étudiants français. Privés de bibliothèques universitaires, de restos U, de cinémas, de bars, mais surtout de la plupart de leurs cours, les étudiants ont de quoi faire grise mine. En raison de leurs dures conditions d’études sous le joug du Covid et, plus généralement, du sentiment largement partagé que la jeunesse est sacrifiée sur l’autel de la survie des babyboomers, nombre d’entre eux ont le sentiment que toute voie vers un avenir désirable leur est barrée.

Dans les pages qui suivent, nous revenons abondamment sur la situation de détresse psychologique, scolaire et affective dans laquelle sont plongés nombre de jeunes en ce moment. Il nous a semblé opportun de commencer ce dossier par un état des lieux social. Comment la jeunesse étudiante vit-elle, dans le concret de sa vie quotidienne, la période de crise que nous traversons ?

Les mois maigres se succèdent

La pandémie a considérablement affecté le budget – souvent serré – des étudiants, en faisant basculer certains dans la pauvreté, voire la grande pauvreté. Selon une étude de l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE), un tiers des étudiants ont déclaré avoir rencontré des difficultés financières pendant le premier confinement. Et pour la moitié, ces jeunes en situation précaire ont pointé la crise sanitaire comme un élément aggravant de leur triste sort.

La pandémie a asséché une source essentielle de revenus pour les étudiants : il s’agit, qu’on le veuille ou non, des « petits boulots » qualifiés significativement par beaucoup de « jobs étudiants ». Toujours selon l’OVE, si 72 % des étudiants ont vu leur stage annulé ou reporté lors du second semestre de l’année universitaire écoulée, plus de 58 % d’entre eux déclarent avoir été contraints de réduire la voilure de leur activité salariée. Or, l’étude de l’Observatoire montre indubitablement que d’avantage étudiants n’exerçant pas d’activité rémunérée ont déclaré rencontrer des difficultés financières plus importantes que d’habitude lors du confinement de mars-mai 2020 (près de 18 % contre 15 % pour celles est ceux en exerçant une). On ne les compte plus, les témoignages de jeunes gens déplorant ne pas avoir trouvé de « job d’été » en juillet-août 2020 et déclarant en subir fortement les conséquences depuis le mois de septembre…

Outre la diminution drastique des offres de « petits boulots » estivaux, les étudiants sont fortement exposés aux hésitations de nombreuses familles à engager des nounous, à l’impossibilité pour toutes de recourir aux services de baby-sitters en raison du couvre-feu depuis octobre dernier, ainsi qu’à la fermeture des bars et restaurants, qui constituent habituellement un vivier d’emplois essentiel. Le dynamisme conjoncturel de la grande distribution, et notamment des services drive des principales enseignes, ne permet évidemment pas de combler ces pertes substantielles.

Restos U ou Restos du cœur ?

Il est bien connu que les étudiants « en galère » doivent jongler entre leurs dépenses incompressibles que sont leur loyer, leurs frais scolaires, leurs dépenses de santé et leurs dépenses alimentaires. Selon l’OVE, ce sont ces dernières qui posent le plus problème, puisqu’elles sont citées par près de 56 % des répondantes et des répondants. Viennent ensuite le paiement du loyer, puis – significativement – le dépenses d’équipement à lier avec le développement de l’enseignement à distance. 18,7 % des étudiants interrogés déclarent s’être vus contraints de restreindre leurs achats de première nécessité et 6,5 % avoir dû se résoudre des restrictions alimentaires pour des raisons strictement financières.

Les associations d’aide alimentaire constatent amèrement un net rajeunissement de leur public. Le centre des Restos du Cœur de Besançon accueille par exemple de plus en plus de jeunes scolarisés, puisque, sur les 600 foyers inscrits dans leur fichier, 20 % sont des étudiants. De nombreuses associations proposent des distributions de paniers alimentaires aux plus nécessiteux. À Paris, c’est notamment le cas de l’association étudiante Co’p1-Solidarités Étudiantes dont les membres ont investi les locaux de la Maison des initiatives étudiantes (MIE) de Bastille pour répondre aux demandes pressantes de leurs condisciples dans le besoin.

L’enquête de l’OVE confirme enfin certaines caractéristiques de la précarité étudiante en confinement que l’on pouvait malheureusement prévoir a priori. Les restrictions budgétaires touchent en effet davantage les jeunes hommes que les jeunes femmes, les étudiants plus âgés que les plus jeunes – davantage aidés par leur famille –, les étudiants des facultés que ceux des classes préparatoires et, surtout, les étudiants étrangers que leurs condisciples français (44 % des premiers déclarent avoir été contraints de se restreindre contre « seulement » 15 % des seconds).

Cet article de notre camarade Jean-François Claudon est l'introduction du dossier ("Jeunesse confinée, avenir sacrifiée ? " du numéro 282 (février 2021) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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