Macron six mois après : tout ça pour ça !
Six mois de manifestations du magnifique mouvement des gilets jaunes, cinq mois de débat et d’agitation de Macron, 150 h monopolisées de télévision, une conférence de presse et tout ça pour ça ! Il ne prononce même pas le mot salaire. Ni le mot Smic.
Il est contraint de parler uniquement à cause de la force des gilets jaunes et il les méprise, il ne leur répond sur rien : ni sur les salaires, ni sur les retraites, ni sur les minimas sociaux, ni sur les services publics, ni sur l’ISF, ni sur la justice fiscale, ni sur les inégalités, ni sur le carburant et les transports, ni sur le RIC, pas même sur le vote blanc.
Pourtant son langage est bien raboté, son ambition bien diminuée : « je peux mieux faire ». Il est dans un tourbillon et il godille. Il parle des « plis de la société » des « angles morts », de « l’épaisseur humaine », et de « la boule au ventre » des « femmes isolées », de la « collectivité d’individus ». Mais pas des classes sociales.
Ou alors il évoque « les classes moyennes » qui n’existent pas, il y met un « s » tellement il ne sait pas les définir mais il veut faire savoir qu’il les aime infiniment plus que le salariat. Il ment sur tout : « on ne travaille pas assez » et ne peut plus afficher de but clair : « à quel âge la retraite ? » Il enfouit « le projet » de son livre « Révolution » : obligé, par le rapport de force qui lui est devenu défavorable, de masquer ses objectifs initiaux, d’ubérisation, de France start up, de société post salariale, sans statut, ni droit ni loi du travail.
Les questions de journalistes, triés et invités, sont douces : « Comment va le président ? » Aucun ne demande « comment vont les 610 blessés graves (dont 260 blessures à la tête, 23 éborgnés, 5 mains arrachées), les 4570 Gardes à vue, les 3747 condamnations, les 697 comparutions immédiates, les 216 personnes emprisonnés, les plus de 12 000 arrestations).
Tout le monde sait bien qu’il a quand même pris des coups de pieds au derrière de la part de millions de salariés y compris de ses électeurs. 8 millions de téléspectateurs jeudi 25 avril au lieu de 23 millions de 10 décembre dernier. Effet pschitt : il ne veut rien leur dire de ce qu’ils attendent donc des millions de français n’attendent plus rien de lui. L’explosion sociale menace.
Les premiers de cordée ?
Il nie que la corde soit cassée entre ceux d’en haut et les derniers de corvée d’en bas. Tout le monde en rit, car chacun sait que rien ne ruisselle, les riches veulent toujours être plus riches, les exploiteurs plus exploiteurs, l’élite se goinfre avec le patronat cupide. Ca ne ruisselle pas, ils pompent, ils pompent, ils pompent. Il suffit de regarder la fraude fiscale 100 milliards, l’optimisation fiscale, 100 milliards, 57 milliards de dividendes, ca rapporte plus de spéculer avec 600 milliards d’avoirs français loin dans les paradis fiscaux, plutôt que d’embaucher ici, d’investir.
L’impôt ?
L’ISF, il botte en touche avec mépris, sans aucun argument (il faut bien qu’il tienne sa parole et rembourse ses commanditaires qui lui ont donné 16 millions d’euros pour se faire élire).
Il feint de dire qu’il y en a trop d’impôt. Alors qu’il n’y en pas assez : « déficits » et « dettes » viennent de là. Si tout va mal c’est parce qu’ils ont considérablement baissé l’impôt progressif sur le revenu IR (77 milliards) et l’impôt sur les sociétés IS (59,7 milliards).
On n’a pas un problème de dette mais un problème de recettes. Ca va s’aggraver.
Un peu plus de 50 % des 37, 4 millions de foyers fiscaux sont actuellement imposés : soit 17 millions de contribuables. En-dessous ce sont les plus pauvres.
L’IR « progressif » ne rapporte que 77 milliards selon les chiffres 2015 de la DGFiP, la part des foyers imposables est tombée à 42,8 %. En trois ans, le chiffre a reculé de près de 10 points par suite de baisses précédentes de l’IR. Macron, semble donc vouloir encore baisser les impôts sur le revenu des 15 millions de foyers fiscaux restants, chacun de 300 euros en moins : cela veut dire que même la tranche élevée de revenu entre 217 519 euros et 73 779 euros en bénéficierait.
Ces 5 milliards vont surtout être « cadeaux » à ceux qui n’en ont pas besoin.
Le problème des inégalités devant l’impôt va s’accroitre car le principal impôt, la TVA (190 milliards) est payé de façon injuste, proportionnelle, par tous, y compris les pauvres. 100 % des contribuables paient ces 190 milliards de TVA, soit 66 % de l’impôt, Macron ne veut pas baisser la TVA. Les 20 millions les plus pauvres n’auront rien.
Le niveau des retraites :
C’est Macron qui a haussé la CSG et les a désindexé de l’inflation. Il feint de mettre un terme à cette turpitude qui vient de lui, en 2020 et 2021, en pillant au passage et d’ici là, plus de 3 milliards à tous les retraités. Il parle d’une retraite à 1000 euros, mais déjà 50 % des 17 millions de retraites sont à ce niveau tristement bas. Par contre il continue de menacer de son « système de retraite par points » que nul ne réclame parce que justement cela lui permettrait à l’avenir de faire baisser les retraites à son gré, comme il vient de le faire de 2017 à 2021.
L’âge de la retraite :
Il déploie tout l’art de l’hypocrisie, ne repoussant pas l’âge de départ de 62 ans (déjà trop élevé) mais laissant courir le nombre d’annuités exigées pour partir avec un niveau de retraite décent. Il dit qu’on « vit plus vieux » mais veut ignorer que l’espérance de vie en bonne santé recule de 64 vers 62 ans parce qu’on s’use déjà trop au travail. Il reconnait que les gens n’arrivent pas à continuer de travailler a partir de 55 ans, ce qui est contradictoire, ils sont au chômage à la place de la retraite et les jeunes n’ont pas de boulot, ca devrait militer pour le retour à 60 ans, et à 55 ans dans les métiers pénibles, mais Macron n’aime pas le mot « pénibilité » pas plus que le mot « retraités ».
Travailler plus ?
Sur la vie, donc. Sur la semaine, il n’ose pas aller jusqu’au bout, mais les 35 h ne sont plus qu’une référence légale, le taux des heures supp’ peut être abaissé jusqu’à 10 %, il est possible d’en faire sans limite puisque la durée maxima de 48 h est devenue dépassable jusqu’à 60 h par accords, sans autorisation préalable de l’inspection du travail.
Elles sont payées par les salariés eux mêmes avec nos impôts, et sans cotisations sociales – à la place des patrons. Hors la France est au 6° rang de l’UE en matière de durée réelle du travail et elle a le plus fort taux de productivité au monde par heure. Aucune raison de « travailler plus » sans « gagner plus » mais il a menacé quand meme d’un jour férié en moins…
La « prime Macron » ?
D’abord elle mérite d’être appelée « prime gilet jaune ». Mais elle est limitée, aléatoire, sans cotisation sociale, ce n’est pas du salaire. Or les gilets jaunes n’ont cessé de le redire, et les syndicats aussi : on veut du salaire, pas d’aides, d’aumônes, ni de primes, mais du salaire pour payer décemment notre travail. Travail et salaire ! Mais non, tout le fond de la politique de Macron est de baisser le cout du salaire et d’offrir des marges plus importantes aux capitalistes, aux actionnaires et à leurs dividendes.
Chômage de masse :
Pas un mot, ou plutôt il laisse entendre de façon inouïe qu’on est déjà au plein emploi, ce qui est la pire insulte faite aux 6 millions de chômeurs, pour lui ce sont des « rien » laissés pour compte, rayés de la carte, dont il abaisse les indemnités et rend difficile de les toucher, pour lui les chômeurs sont comme les retraités, c’est à dire, ne sont pas productifs, tant pis pour eux, il n’est « pas là pour défendre les jobs existants ». Pourtant avoir 6 millions de salariés qui font 60 h et 6 millions de chômeurs qui font 0 heure, c’est un gâchis productif incalculable dans notre société !
Le chômage ne baisse pas, il fait seulement baisser les statistiques : Macron refuse le partage du travail et des richesses, c’est le choix d’une société fracturée, explosive, et donc qu’il faut réprimer brutalement, ce qu’il fait.
Maisons de service au public :
Il y en aurait 1300 qui fonctionnent. Il dit « une par canton » : il existe 4055 cantons (en moyenne 150 par régions, 40 par départements). Une façon de reconnaitre les méfaits des politiques destructrices des services publics suivies depuis des décennies : mais c’est sa politique qui a cassé les transports Sncf, et les petites lignes, mis en place les « cars Macron » qui font faillite, diminué écoles et hôpitaux, administrations et services, marginalisé les maires, supprimé les emplois « aidés ».
Alors il va rebâtir cela ? Avec quels moyens, en baissant les impôts ?
Moratoire sur les hôpitaux ?
Heureusement, car c’est la tragédie, ils sont à l’os. Au contraire d’un moratoire, il faut recruter en masse dans les services hospitaliers par contre.
Ecole : classes de 24 ? On parlait de 12 pour éviter les décrocheurs ? Et si c’est avec 2500 professeurs en moins et la suppression de la culture générale dans les LEP, c’est mauvais signe.
Il semble lâcher sur les 120 000 fonctionnaires en moins, mais sans autre précision ce qui n’est pas rassurant sur le statut, ni les salaires alors qu’il y a déjà 20 % de précaires dans la FP.
Institutions : il veut renforcer la V° surtout pas une VI°
Il veut toujours sa réforme institutionnelle, cet été, à l’américaine, des régions plus fortes morcelant le pays, des transferts de compétences, des différenciations territoriales, selon les besoins du capital : pourquoi pas différents smic ou des codes du travail différents ?
Il veut aussi 25 à 30 % de députés en moins, ce qui les rendra plus puissants moins accessibles aux électeurs, mais plus liés au pouvoir personnel présidentiel encore plus centralisé et moins démocratique. Pour faire passer cela il accorde une proportionnelle très limitée à 20%.
Rejet du vote blanc, rejet du RIC, un RIP inatteignable, Macron c’est Jupiter ou Lucifer mais pas un démocrate.
Immigrés :
Là, il se lâche, c’est lui qui tient à traiter ce sujet, dont personne d’autre n’a parlé, mais il est en concurrence directe avec le Pen. Alors il en rajoute, la traque contre l’islamisme politique, contre les « passeurs » (lui qui a rejeté les passagers de l’Aquarus et aide les garde chiourmes libyens à esclavagiser les migrants). Frontières fermées, « travailleurs détachés » à condition qu’ils soient discriminés surexploites et sous payés. Il est sur le terrain de Salvini et de Orban pour tenter de gagner l’électorat de RN : ce faisant il est de plus en plus proche, et pareillement dans la politique autoritaire de l’état, il est le marchepied de Le Pen.
Au total :
Une conférence de presse d’un personnage manœuvrier mais empêtré, isolé entre les mains de l’oligarchie, mais haïssable pour son fanatisme ordo-libéral, il est atteint mais toujours dangereux.
Il n’a pas compris l’essentiel : nous voulons le recul des inégalités, la redistribution des immenses richesses et nous l’imposerons, avec les gilets jaunes, tous les syndicats, et la gauche de ce pays, quand elle va réussir à se réunir et à se reconstruire en pouvoir alternatif. Le programme nous l’avons, l’unité nous l’aurons.