GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie

La taxe carbone, une fausse solution

Notre camarade Pierre Ruscassie, de Pau, a été désigné par le sort membre la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Il fait donc partie des cent citoyens qui débattent depuis maintenant plusieurs mois sur les solutions à mettre en place pour contribuer efficacement à la sauvegarde de la planète. Pierre a soumis à la CCC une contribution que nous reproduisons ci-dessous. Elle a pour objet le financement de la lutte contre le réchauffement et le dérèglement climatiques.

Cette lutte comporte plusieurs aspects : réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), isoler les bâtiments pour économiser l’énergie, ou encore réparer les dégâts à la suite d’ouragans, d’incendies, d’inondations, etc.

Ces financements doivent être des taxes ou des cotisations, mais pas des impôts qui, eux, ne peuvent pas être pré-affectés (au climat par exemple) mais sont noyés dans le budget global de l’État. Plusieurs sources de financement sont possibles : la taxation (taxe carbone, taxe de solidarité sur la fortune), la cotisation d’assurance, la création monétaire.

Des taxes pour la recherche

Les taxes doivent être affectées à la captation et à la transformation de l’énergie. Elles financent notamment la recherche technologique puis la mise en œuvre des innovations qui permettront la diminution des émissions carbonées sans diminution des services rendus.

Il s’agit de capter une partie de l’énergie que fournit la nature sous une forme renouvelable (solaire, éolienne, hydraulique, géothermique, etc.), au renouvellement limité, (bois, espèces vivantes, nutriments…) ou non renouvelable (charbon, pétrole, gaz). Il faut ensuite la transformer en énergie mécanique, principalement au moyen du moteur thermique ou du moteur électrique, pour se nourrir, se loger, se déplacer, donc pour vivre, découvrir, inventer...

Se libérer du carbone

Il convient dans un premier lieu d’inciter les automobilistes à réduire leur consommation de carburants carbonés. Puisque toute combustion diffuse du CO2 dans l’atmosphère, il est en effet nécessaire de réduire le recours aux moteurs thermiques quand on a besoin d’énergie mécanique pour se déplacer.

Si on pouvait dissuader les automobilistes de recourir systématiquement à leur véhicule pour des trajets qui peuvent être effectués à pied, en vélo, en transport en commun ou en train, alors on diminuerait les émissions de GES et le gaspillage des énergies captées.

En effet, les moteurs thermiques constituent une des principales sources d’émission de GES et de gaspillage de l’énergie tirée du pétrole. En outre, pour transformer l’énergie captée en énergie mécanique, le rendement des moteurs thermiques est moitié moindre que celui des moteurs électriques (40  % de l’énergie captée contre 80 %).

L’une des propositions mise en débat attend cette dissuasion de l’augmentation du prix du carburant à la pompe qui résulterait de la taxation du carbone.

Une fausse bonne solution

La taxe carbone est une mauvaise solution car elle est injuste et inefficace.

Elle est injuste car son montant est proportionnel au volume de carburant acheté. C’est pourquoi, à consommation égale, ce même montant pèse lourdement pour qui dispose d’un petit revenu, alors qu’il est léger pour le budget des riches.

Elle est par ailleurs inefficace. Pour les plus riches, l’effet dissuasif de l’augmentation du prix des carburants, est inexistant car elle leur est indolore. Les moins riches et les pauvres logent souvent en banlieue où les loyers sont moins chers, mais dont l’éloignement rend nécessaire l’usage d’une voiture pour aller travailler ou se rendre au centre-ville. C’est pourquoi, auprès des moins riches et des pauvres, l’effet dissuasif est très faible puisque la dépense en carburant est pratiquement incompressible pour eux, car obligatoire.

Cette faiblesse de la dissuasion est confirmée par le fait qu’en près de vingt ans, depuis l’instauration de l’euro, le prix des carburants a été multiplié par plus de cinq alors qu’en moyenne, les prix ont été multipliés par 1,5.

Après l’introduction de la Contribution climat énergie dans la Taxe intérieure de la consommation des produits énergétiques, la TICPE représente en moyenne 61,5 % du prix du carburant à la pompe... Quand le besoin est impératif, c’est sur les autres biens qu’on réalise des économies.

Vers une taxe moins injuste ?

Pouvons-nous rendre la taxe carbone moins injuste ? Une tentative en ce sens est soumise au débat. Elle consiste à redistribuer aux plus pauvres une partie du montant recueilli ou à les taxer moins lourdement. Mais il faudrait alors établir des prix à la pompe différents selon les clients.

Une solution plus simple que cette usine à gaz, consiste à rembourser partiellement la taxe proportionnelle par une aide dégressive en fonction du revenu. Mais cette aide risquerait d’être refusée par l’Assemblée nationale qui ne voudra pas modifier la progressivité de la fiscalité sur le revenu et, sinon, d’être abrogée par le Conseil constitutionnel en raison de son absence de lien avec la consommation de carburant.

En outre, comme la valeur du point pour les pensions de retraite, le taux de cette aide, son ampleur et le seuil de son effectivité ne pourront être fixés que par décret gouvernemental sans débat à l’Assemblée, de quoi rendre ridicule cette redistribution.

L’accompagnement de la taxe carbone par une aide joue à la marge et ne supprimera pas son caractère foncièrement injuste.

Il faut donc une taxe dont l’assiette fasse peser le financement de la politique climatique sur les plus riches qui confisquent une part excessive de la richesse mondiale, et dont la valeur doit être affectée à la politique climatique. C’est à ce critère qu’obéit une taxe de solidarité sur la fortune (TSF).

Une assurance pour prévenir... et guérir !

Le réchauffement dérègle le climat. Se succèdent en effet canicules, ouragans, inondations, incendies, glissements de terrain, risques sanitaires..., dont il faut se protéger en réhabilitant les bâtiments, en les isolant (en priorité les passoires thermiques), en les reconstruisant en zone sécurisée s’ils sont menacés par la mer ou par un fleuve.

On ajoute ainsi au service public de protection sociale un risque, le risque climatique, sur le modèle de l’assurance maladie. Il ne doit pas être financé par des fonds publics, mais par des cotisations proportionnelles à la valeur des propriétés foncières, c’est-à-dire financé par des fonds privés mutualisés.

Pour les bâtiments, les travaux d’isolation obligatoire sont payés directement à l’entreprise qui les exécute. Les « petits » propriétaires ne déboursent rien (à titre d’exemple, jusqu’à 200 000 euros de travaux pour toutes les propriétés d’une même personne physique, qui a déjà versé une modeste cotisation), mais au-delà de ce montant, le propriétaire paie une part progressive.

Les taxations (la TSF) et les cotisations ne suffiront pas pour équilibrer le budget de la protection climatique. Celui-ci devra être abondé par la création monétaire émise par la Banque centrale, qui permettra que les cotisations d’assurance du foncier restent supportables.

Cet article de notre camarade Pierre Ruscassie a été publié dans le numéro de janvier 2020 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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