Notre ami et camarade Jean-Claude Rennwald nous éclaire chaque mois, dans Démocratie & Socialisme, sur la vie politique de son pays, la Suisse, où il vit et milite. Cette fois-ci, dans son dernier livre intitulé Le bout du tunnel (*), il analyse la situation politique française.

Rappelons que Jean-Claude est journaliste et responsable syndical, ancien député PS au Conseil national suisse. Comme dans tous ses ouvrages, on retrouve avec plaisir le regard généreux, mais exigeant, du militant socialiste internationaliste qu’il a toujours été, sachant s’appuyer sur une longue et concrète expérience syndicale.

Dans ce nouvel ouvrage, Jean-Claude Rennwald nous livre un bilan sans concessions de la situation française. Avec le regard un peu décalé de celui qui vit de l’autre côté de la frontière, mais qui s’intéresse vivement à la vie politique française qu’il analyse de près, il nous incite à appréhender avec lucidité la réalité.

Sans union, gare aux dégâts !

Notre ami revient sur deux épisodes marquants de l’année 2022 : l’échec de la campagne présidentielle qui a vu la gauche à nouveau éliminée au premier tour, la nouvelle situation créée par la création de la NUPES et l’élection de 147 députés de gauche. Le constat est limpide : s’il n’a pas suffi pour gagner les législatives, l’accord a ouvert la voie à une « gauche recomposée et combative ». Il a permis une forte présence de cette dernière à l’Assemblée nationale, alors que la division aurait pu y laminer sa représentation. Mais les chiffres le disent aussi : il ne faut pas oublier, lorsque l’on fait le bilan de cette seconde séquence électorale, l’importance du vote RN qui a obtenu 89 sièges.

« Sans union, gare aux dégâts » : c’est par ces mots que débute le livre fixant, ainsi les enjeux et pointant « l’énorme responsabilité de la gauche dans la montée de l’extrême droite et dans la reconduction d’Emmanuel Macron à l’Élysée ». L’auteur va même jusqu’à affirmer que « la gauche la plus bête du monde ne sait pas compter » (référence au trop grand nombre de candidats de gauche à l’élection présidentielle). Pourtant, et malgré la dureté de la phrase, ce livre n’est pas celui d’un constat désespéré, mais bien un appel à comprendre. La gauche doit se donner les moyens de gagner, et faire concrètement avancer les conditions de vie du plus grand nombre, face à l’accaparement des richesses par quelques-uns.

Le bilan des six dernières années est sans appel : les cinq premières fortunes ont quasiment triplé sous Emmanuel Macron, nous rappelle Jean-Claude Rennwald. Il n’en reste pas à ce constat, mais il détaille avec précision les mécanismes mis en œuvre, individuellement et collectivement : un « État privatisé », un président qui « s’est comporté comme un monarque ou comme Napoléon Bonaparte… qui a développé le pantouflage (le fait pour un haut fonctionnaire d’aller travailler dans une entreprise privée, puis de rejoindre, éventuellement à nouveau l’État) ». Le livre dénonce avec justesse « la collusion entre public et privé qui s’avère généralement très rentable, même pour des socialistes ou des hauts fonctionnaires considérés comme proches du PS ».

Les camarades français ne sont pas seuls

Le bout du tunnel est un livre qui fait toujours référence aux faits, aux chiffres (nombreux, ils étayent chacun des propos de l’auteur) appuyés sur de nombreuses références bibliographiques. Par son propos, Jean-Claude cherche toujours à élargir l’analyse dans le temps et dans l’espace.

Dans le temps (« Un échec qui vient de loin »), pour comprendre ce qui a permis les victoires et causé les défaites du mouvement ouvrier, depuis « le Front Populaire jusqu’à Jospin », en les inscrivant dans leur contexte et en recherchant les permanences derrière les réalités particulières.

Dans l’espace, car ce livre, notamment dans le chapitre « Dans le monde, la gauche existe encore », nous amène à quitter une vision polarisée sur notre seule réalité nationale : connaître la situation de la gauche dans différents pays du monde (Allemagne, Portugal, Espagne, Norvège, Australie, États-Unis, Nouvelle-Zélande…), à savoir les dégâts causés par le ralliement d’une partie des socialistes français et européens au social-libéralisme, mais aussi à prendre en compte les taux de syndicalisation dans les différents pays de l’OCDE et leurs liens avec les conquêtes sociales : autant d’éléments qui nous aident à définir des perspectives pour les mois à venir en France, en Europe et au niveau international.

Cet ouvrage, de lecture aisée, est un livre pour agir, pour dire clairement et simplement que la gauche peut rebondir par le haut, pourvu qu’elle « n’oublie pas les classes populaires », qu’elle donne la priorité aux fondamentaux du socialisme et qu’elle sache se rassembler. Bref, une lecture qu’on ne peut que recommander aux militantes et militants de la gauche française !

Cet article de notre camarade Catherine Touchefeu a été publié dans le numéro 301 (janvier 2023) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

(*) Jean-Claude Rennwald, Le bout du tunnel. Du suicide collectif au renouveau de la gauche française, Éditions Vérone, 2022, 200 pages, 17 euros