GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

La politique de Gerhart Schröder rejetée

Depuis le début août, l'Allemagne est, en particulier à l'Est, agitée par des manifestations chaque lundi contre le plan " Hartz 4 " et plus généralement contre la politique néolibérale. Ces manifestations regroupent de 50 000 à 100 000 personnes chaque semaine, dans des villes comme Leipzig, Berlin, Magdebourg, Chemnitz, Dresde... Des manifestations ont eu lieu dans plus de 200 villes et en dépit de leur importance numérique assez restreinte (sans mot d'ordre officiel des syndicats), elles ont un écho sans précédent car elles s'inscrivent dans la continuité des " Montagsdemo " qui contribuèrent à la chute du communisme est-allemand. Dans un contexte de chômage endémique, les habitants ont un peu de nostalgie pour la sécurité que procurait le communisme, d'où la vague d' " ostalgie ", vue notamment à travers le film " Goodbye Lénine ".

La loi Hartz a pour objet de " réformer le marché du travail " au 1er janvier 2005, en obligeant notamment les chômeurs de moyenne et longue à accepter des emplois déqualifiés, et en restreignant leurs allocations. Un long questionnaire a mis le feu aux poudres, car les chômeurs doivent aussi mentionner les économies de leur famille (enfants...), qui peuvent leur être déduites de leurs allocations ! Un tiers pourraient perdre tout au partie de leurs allocations.

Hartz et Virville

Le projet prévoit aussi de pouvoir payer les ex-chômeurs 30% en dessous des conventions collectives. Déjà à l'est les jobs sous - payés à moins de 5 euros de l'heure se multiplient. D'où l'idée des Verts, reprise par le Spd (mais pas par le gouvernement) de créer un Smic pour limiter les dérives. Les syndicats sont réservés sur l'idée de salaire minimum, car attachés à leur modèle de négociation : mais dans une société néolibérale, la négociation salariale devient périlleuse, comme l'a montré la grève ratée d'Ig-Metall début 2004 pour aligner les conditions de travail de l'Est sur l'Ouest.

Peter Hartz est le directeur du personnel de Volkswagen, qui négocia des accords sur la flexibilité des horaires. Le parallèle avec Michel De Virville (auteur du rapport décrit cet hiver par D&S et que Borloo voudrait ressortir), Drh de Renault est d'ailleurs saisissant. Son projet a, comme la " réforme " des retraites, été négocié avec la droite Cdu qui est majoritaire au Bundesrat (chambre des régions, sorte de " Sénat "). Le paradoxe des années Schröder, miraculeusement réélu grâce à son opposition à la Guerre d'Irak, est qu'il met à bas le vieux capitalisme rhénan et fait entrer l'Allemagne dans l'ultra-libéralisme. Le Spd a accompli ce que les conservateurs n'osaient pas faire, avec leur concours souvent, tout en en endossant le plus gros de l'impopularité. Et une " réforme " du système de santé est encore annoncée pour 2006.

Désastres électoraux pour le Spd

La polémique du mouvement contre la loi Hartz n'ébranle pas les convictions du " conducator " Schröder, mais la grogne ne se limite plus à la petite aile gauche du Spd. La fédération de Rhénanie du Lander de Nord - Westphalie (la plus importante du Spd, autour de la Ruhr), l'on votera bientôt, exigeait mi-août des aménagements. Car, après plusieurs échecs aux élections régionales, alors même que les précédentes étaient décevantes, les résultats sont de plus en plus catastrophiques. En Sarre, dirigée par le Spd jusque 1999, le Spd perd 14 points, au profit de l'abstention d'abord (+ 13 % en 5 ans), des Verts et du Fdp (libéraux) ensuite, et enfin à la marge pour le Npd (néo-nazis) et le Pds (communistes). Les petits ouvriers et les chômeurs ont voté Npd à plus de 10 % en Sarre, privés du point d'ancrage que représente le Pds à l'Est. En Saxe le Npd se hisse presque au même niveau que le Spd (déjà faible) vers 9,5%, alors que la Cdu perd aussi 15 points, le Pds étant stable . En Brandebourg, le Pds progresse de 4 points à 27 %, l'extrême - droite Dvu de 5 à 6 %, alors que le Spd et la Cdu (qui gouvernent ensemble) perdent chacun 7 %. Tous ces chiffres illustrant le désarroi d'une grande partie de la population, qui ne voit pas d'issue à un déclin social progressif.

Une contestation isolée... pour l'instant

En partie spontané, le mouvement refuse toute récupération mais ne parvient pas forcément à acquérir une audience très massive. La base syndicale est intriguée, sa direction très hésitante. Attac Allemagne est en pointe dans le mouvement et popularise le débat sur le néolibéralisme et l'alter mondialisme. Le mouvement des chômeurs invite à une journée d'action européenne le 2 octobre, bienvenue pour rappeler que ces mesures contre les privés d'emploi s'inscrivent dans le cadre de " l'activation des dépenses contre le chômage ", contenues dans le traité d'Amsterdam.

Parallèlement, l'ancien président du Spd, Oskar Lafontaine cherche à provoquer des scissions au Spd pour créer, sans résultat pour l'instant, un nouveau parti. L'opposition interne au Spd, elle, est indécise dans sa relation avec Schröder et ne semble pas en position de proposer une ligne alternative.

Comme l'avait prédit l'ancien leader du Pds, le lucide Gregor Gÿsi, le Pds ne peut à l'Ouest acquérir d'audience suffisante car encore trop identifié à l'ex-Urss . Un nouveau parti de gauche ne semble pas pouvoir se créer à court terme, mais le débat politique est revigoré par les idées altermondialistes. La Cdu espère ne pas devoir attendre 2006 pour retrouver le pouvoir (trop pressée ?), mais ce serait une victoire par forfait face à une gauche rejetée et pâlotte.

Christophe Piercy

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