GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

La grande joie des européens après la victoire du "non" le 29 mai

L'Humanité, en tant que quotidien, avait les moyens de faire le tour de l'Europe après le 29 mai. Ce que toute presse, un tant soit peu soucieuse d'informer, aurait fait. Mais nos « grands » journaux nationaux français se gardent bien d'aller chercher dans les syndicats et les partis de gauche européens d'autres échos que ceux du Pse, de MM Blair et Schroder, ou de la droite... Donc on ne saura pas massivement combien le « non » français a été applaudi et imité.

Voici des extraits dans l'Huma du 30 mai des échos européens de joie aprés le non français :

Horst Schmitthenner (Allemagne) : « Un stimulant pour l'Europe sociale » C'est en poussant un véritable cri de joie que le syndicaliste Horst Schmitthenner, membre de la direction nationale du syndicat IG Metall, accueille la nouvelle de la victoire du « non » en France : « Je voudrais dire merci de tout coeur aux électeurs français car ils nous donnent là l'occasion de renégocier le contenu d'une constitution qui soit réellement digne de l'Europe et porteuse d'un vrai projet politique. Et pas ce capitalisme de marché que ce texte prétendait fixer en règle éternelle, ni cette militarisation qu'il programmait.

« Un coup à la construction néolibérale de l'UE » souligne Tobias Pflüger, député européen (PDS). « L'Allemagne avait ratifié le texte en catimini. Il nous importe maintenant à la faveur de l'onde de choc que ne manquera pas de susciter le "non" français de revenir sur ce texte et d'exiger qu'enfin un vrai débat s'instaure chez nous et dans toute l'UE pour la mise en place d'une vraie Europe sociale. »

Georges Debunne (Belgique), ancien secrétaire général de la Fédération générale des travailleurs de Belgique, et fondateur de la Confédération des syndicats européens (CES) ne cache pas sa joie : « Je félicite les Français qui se sont bien battus pour le "non" et qui ont gagné. Le combat va continuer pour une autre Europe et notamment le combat syndical. La CES aurait dû dire "non". Celle qui a dit oui n'a plus rien à voir avec la CES que j'avais fondé. Le "non" français va donner une nouvelle impulsion au combat des syndicalistes dans toute l'Europe. »

Caroline Lucas (Grande-Bretagne) : un des leaders du parti Verts de Grande-Bretagne et députée européenne, a declaré à l'Humanité : « En rejetant un traité qui plaçait au coeur de son concept le néolibéralisme économique et le libre-échange, les électeurs français ont fait un premier pas décisif pour réinventer et sauver l'UE.”

Willy Meyer (Espagne) : « Les bases d'une construction alternative de l'UE » L'eurodéputé d'Izquierda unida (Gauche unie) lance : « La Gauche unie tient à féliciter le PCF, les citoyennes et les citoyens ainsi que toutes les organisations de gauche qui ont contribué à l'immense succès du "non". Nous saluons la grande participation à ce référendum, sans doute la plus importante de l'histoire récente de la France. (...) La gauche française a donné une leçon à l'ensemble de l'Europe en défendant l'idée d'une construction européenne sociale compatible avec des services publics de qualité, et une politique extérieure indépendante et autonome. (...) En s'abstenant massivement lors du référendum du 11 février, le peuple espagnol n'a pas ratifié dans les urnes ce traité. »

« Félicitations au peuple, à la République ! », s'exclame Agustin Moreno, membre de la commission exécutive des Commissions ouvrières (le premier syndicat espagnol), en apprenant la victoire du non français. « Contrairement à ce qu'affirmaient les partisans du "oui" qui prévoyaient une tragédie en cas de victoire du "non", le résultat du référendum français est une fête de la démocratie. »

Responsable du groupe de coordination du Forum social hongrois, Endre Simo réagit à chaud au référendum français sur le projet de constitution européenne. « En premier lieu, je veux dire merci aux électeurs français d'avoir exprimé aussi notre voix, la voix des gens de l'Est. (...) La victoire du "non" en France ouvre la voie à la constituante sociale, à un processus de nouvelle constitution sociale construite du bas vers le haut et non pas du haut pour être imposées aux sociétés. Une nouvelle étape de l'histoire peut s'ouvrir maintenant : les peuples de la démocratie participative, la société civile des pays de l'Est - y compris la Hongrie - ont l'intention de prendre une part active à ce processus. Pour changer l'Europe néolibérale en une Europe sociale des peuples. »

Rune Lund (Danemark) : « C'est vraiment fantastique ! » Le dirigeant de l'Alliance rouge verte danoise ne cache pas son émotion : « C'est vraiment fantastique ! Les raisons principales de ce "non" s'expliquent par le fait que le traité constitutionnel est néolibéral, militariste et pas démocratique. Ce sont les arguments de la gauche qui ont tiré la plupart des votes vers le "non".

La couverture médiatique s'est peu à peu améliorée ici au Danemark. En effet, au début, le "non français" était présenté comme s'il était de droite ou d'extrême droite. Aujourd'hui, le journal le plus influent, Politiken, qui a publié des sondages, a montré que les deux raisons principales du vote "non", ce sont le contenu néolibéral de la constitution et le fait que les Français veulent une autre Europe.

Ce "non" français est un premier pas important pour éviter un développement de l'Europe dans la mauvaise direction. Maintenant, si la constitution est rejetée, cela créera des opportunités nouvelles pour discuter de quelle Europe nous voulons. Au Danemark, il est clair que le vent de la victoire du "non" soufflera du bon côté. Ce soir, nous manifesterons devant l'ambassade de France pour faire la fête. »

« Un grand résultat pour les mouvements sociaux »Anna Pizzo, conseillère régionale du Latium, élue indépendante sur les listes du parti de la Refondation communiste réagit à chaud :

« C'est une grande victoire pour l'Europe et pour la démocratie. Il est fondamental que les citoyens aient la possibilité de se prononcer sur les grandes décisions qui les concernent. Ce résultat montre qu'il est possible de changer les rapports de forces. Cette constitution était un traité contre les droits des citoyens, elle a été décidée au-dessus d'eux. Elle ne tenait pas compte des droits et des besoins fondamentaux des Européens. Ce grand résultat va encourager les autres pays, les autres sociétés, les mouvements sociaux à réagir, à se battre de manière plus forte. En Italie, l'intérêt pour le traité est très fort, mais il y a aussi l'idée, défendue par les grands partis, que la constitution européenne était un mal nécessaire.Les Français ont montré au contraire que rien n'était fatal, que la participation des citoyens pouvait faire changer les choses. »

« Le désir d'une alternative euro-péenne » Albano Nunes, responsable des questions internationales du Parti communiste portugais évoque la joie que lui procure le "non" français : « Il s'agit d'un événement politique important qui va avoir de fortes répercussions sur la lutte pour une autre Europe de progrès, de paix et de coopération. fondamentalement il s'agit d'un rejet politique dans la mesure où il exprime le désir d'une autre construction européenne. Ce ne sera pas un chemin facile : une grande persévérance sera nécessaire. Nous avons également besoin de renforcer la coopération internationale entre tous ceux qui luttent pour une autre Europe. Cette victoire du "non" est un grand encouragement qui donne de la force à ce processus. Le "non" français condamne ce traité. »

Jonas Sjoestedt, député européen, dirigeant du parti de la gauche suédoise, explique : « Ce "non" est important pour l'Europe. D'abord parce qu'il s'agit d'un "non" de gauche. Le "non" a été soutenu par une majorité de militants et de sympathisants du Parti socialiste. C'est la première fois que nous voyons un "non" de ce type au néolibéralisme en Europe. Ensuite c'est un "non" qui doit être respecté. Cela s'applique également à la Suède : nous devons désormais nous assurer que le Parlement, avant les prochaines élections, ne vote pas cette constitution. Je pense que la pression sur le premier ministre Göran Persson va s'accentuer après le "non" français. La demande pour un référendum en Suède sera renforcée.”

Miroslav Ransdorf, député européen tchèque, membre du groupe de la Gauche unitaire européenne, a déclaré : « Pour nous, c'est un grand succès. Au Parti communiste de Bohème-Moravie, nous nous sommes opposés à cette constitution car nous estimons qu'il est possible d'avoir un meilleur traité. En République tchèque, il y a deux sortes d'opposants au traité : ceux de droite, comme le président Vaclav Klaus, qui refuse l'existence même d'une constitution européenne, et notre parti, qui soutient le principe de la constitution mais veut socialiser le projet politique européen. (...) Nous ne sommes pas encore sûrs qu'il y aura un référendum, mais le large soutien de l'opinion publique à cette idée nous donne un réel espoir. Évidemment, la victoire du "non" en France est un coup décisif contre la propagande du gouvernement tchèque, qui disait qu'un rejet du traité dans notre pays nous isolerait. Nos critiques rejoignent celles du "non" de gauche en France. En ce qui concerne la République tchèque, la charte des droits fondamentaux du traité est moins forte que nos propres textes constitutionnels. Mais le problème essentiel reste la partie III, qui n'est pas proprement une constitution puisqu'elle énonce les politiques et le fonctionnement de l'Union, et qu'elle les instrumentalise au service d'une pensée de droite, libérale. »

Ernest Glinne (Belgique) : « Un tremblement de terre européen » L'ancien ministre belge s'affirme “Ce que j'espère maintenant, c'est que cette victoire va ouvrir la porte à une coopération entre les gauches politiques et syndicales qui se sont engagées dans la bataille. (...) Il faut très vite mettre en chantier le traité sur l'Europe sociale et revoir la charte des droits fondamentaux »

Propos recueillis par Peter Avis, Dominique Bari, Cathy Ceïbe, Jean Chatain, Marianne Cramer, Aron Eltzer, Paul Falzon, Françoise Germain Robin, Bruno Odent. Extraits de l'article paru dans l'édition du 30 mai 2005 de l'Humanité

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